C’est pas du Bashung, c’est du Nietzsche
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C’est pas du Bashung, c’est du Nietzsche
Vivien Savage, La P’tite lady (un petit chat sauvage) (V. Savage/J-C. Capillon), EMI, 1984.
C’est difficile d’arriver à mettre le doigt sur les raisons qui font qu’une chanson nous touche particulièrement. Pour La P’tite lady, cela tient au flot des mots, à la façon dont les figures s’empilent, à la scansion saccadée de Vivien Savage, à sa voix aussi, profonde, éraillée, ironique, une voix de velours qui se déchire.
Le chanteur a ici des faux airs de Bashung qui a imposé une sorte de pli au rock français au début des années 80 avec Gaby oh ! Gaby et Vertige de l’amour. On nage un peu dans les mêmes eaux, au milieu des algues et des coraux.
Les paroles de Vivien Savage emboîtent les cahots d’une route déglinguée faite d’ornières et de nids-de-poule, qui va on ne sait pas trop où. Elles racontent l’histoire d’un type qui veut aborder une fille sur un quai de la gare Saint-Lazare. Elle l’attire parce qu’ils se ressemblent :
« Car elle a comme un petit chat sauvage
Dans les yeux qui ressemble au tatouage
Que j’ai dans le cœur
Y a pas d’erreur ».
Les phrases sont un peu décousues, comme rallongées, les propositions subordonnées relatives s’enchaînent (un chat qui ressemble au tatouage que j’ai dans le cœur) pour former une longue file d’images.
Le mec saisit sa chance au vol :
« Mais qu’est-ce que je vois ? qu’est-ce que je peux faire ? qu’est-ce qu’elle est belle !
…
Je peux pas rester minable plus longtemps sans la brancher
…
Mais je vais pas laisser passer le train
Pour ce genre de voyages j’ai peur de rien »
Elles s’étirent, à la limite de la rupture grammaticale, on glisse de l’interrogation à l’exclamation, la ponctuation fluctue en cours de route, ce qui rend le propos confus. La clarté s’efface au profit d’une compréhension plus profonde et instinctive. C’est presque de l’écriture automatique surréaliste. La profusion de détails, au lieu de rendre le discours plus précis, dissout le sens premier pour laisser deviner les émotions cachées.
Ici des métaphores effilochées :
« Qu’est-ce qu’elle me veut la miss avec ses yeux de renard
…
Je vais me dévisser à force de la regarder ».
Là des comparaisons parfois explicites :
« Sur ce quai de gare Cendrillon tu marches comme une reine »
Et parfois beaucoup moins :
« Et comme je t’imagine aussi givrée qu’une mandarine ».
Du discours en adresse directe :
« Il faut que je te dise
Que je vais faire des bêtises »
Et par-dessus tout des images très parlantes :
« La p’tite lady déguisée comme un arc-en-ciel
Avec ses boots en peau de serpent, son collant rose fluorescent
Sa mini-jupe en skaï et comme ça swingue sous son chandail »
C’est le style vestimentaire dépareillé, fluo et moulant de toute une époque en quelques mots résumé. Une merveille d’efficacité. Il n’y a pas grand-chose de mieux que cette chanson au monde.
Le morceau est en écoute ici.