« Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage »
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« Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage »
Suzy et moi, Carole Serrat, Apache, 1985.
Carole Serrat appartenait à une race ancienne qui s’est éteinte au début des années 90 et dont elle a été l’une des dernières représentantes, celle des speakerines de télévision, celles qui étaient chargées de présenter les programmes à venir.
Au début des années 80, elle a enregistré quelques titres sous le nom de Martine Serror, dont l’injustement oublié Plus bas les tam-tams (1982), avant de reprendre son vrai nom pour enregistrer cette chanson magnifique, empreinte d’une mélancolie que le ton enlevé laisse apparaître en filigrane.
Suzy et moi raconte l’histoire de deux fillettes qui se rencontrent pendant les vacances d’été sur une plage en Angleterre. Il y a là la mythologie des ciels gris, l’empreinte du spleen cher à Baudelaire… Elles grandissent en parallèle, se revoyant pour les vacances, s’écrivant entre-temps, maintenant le contact coûte que coûte, dans un temps préhistorique, hors des réseaux sociaux. C’est une belle histoire d’amitié et d’enfance pour commencer :
« On s’écoutait changer sans même y penser »
Puis les enfants grandissent et se transforment sans s’en rendre compte et sans pouvoir le formuler :
« Puis sans y croire
On a eu treize ans
Et partagé nos douleurs
Quand venait le sang »
Alors là chapeau, il fallait oser ce genre d’allusions dans une chanson de variété. Le parolier et compositeur n’est autre que Laurent Stopnicky, le mari de Carole Serrat. Il a réussi à créer dans cette chanson une merveille de subtilité, où tout est sous-entendu, dissimulé en profondeur sous un verni faussement éclatant. À ce propos, une petite correction au passage : on apprend sur wikipedia que c’est Michel Berger qui a produit ce titre, mais c’est faux : ce sont Jean-Pierre Janiaud et Philippe Gaillard. C’est peut-être moins prestigieux, mais plus proche de la vérité.
La suite du morceau fait apparaître une sorte de malaise, car Suzy fait des rêves étranges pour une jeune fille :
« Suzy disait : « Quand je serai femme
Je serai princesse d’un monde
Où l’on rit des drames » »
Quels genres d’enfants formulent de tels souhaits, sinon ceux qui traversent un monde en colère… Certains signes commencent alors à nous faire craindre le pire :
« Son père disait
« Suzy n’est pas bien »
Et elle haussait les épaules
En cachant ses mains.
Cette phrase nous laisse tout supposer, à commencer par le pire. Suzy disparaît, parfois toute une nuit, et un jour, fatalement :
« Un matin elle n’est pas revenue
On ne l’a jamais revue »
Cette conclusion laconique n’offre aucune réponse et laisse flotter dans l’air un parfum étrange. C’est vraiment une belle chanson, très subtile et faussement légère.
Morceau disponible sur le site de bide et musique