Le Silence des Agneaux (Jonathan Demme, 1991)
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Le Silence des Agneaux (Jonathan Demme, 1991)
"Le silence des agneaux" n'est pas seulement le thriller psychanalytique et horrifique qui a renouvelé le genre dans les années 90 comme l'avait fait en son temps "Psychose" (1960). C'est un film très fort qui sort des sentiers battus et bénéficie d'un scénario*, d'une mise en scène et d'une interprétation hors-pair. La comparaison avec Alfred HITCHCOCK s'impose tant la mise en scène est précise et rigoureuse, nous faisant comprendre les intentions des protagonistes à travers les mouvements de caméra sur des objets-clés tels qu'un stylo, instrument d'une scène d'évasion spectaculaire et sanglante ou un papillon symbole de la métamorphose corporelle du criminel. En même temps cette mise en scène use d'un art consommé du trompe l'œil en nous égarant jusqu'au bout sur des fausses pistes.
"Le silence des agneaux" dépeint l'envers de l'Amérique hygiéniste, puritaine et bien-pensante. Tout y est glauque, poisseux, oppressant. A l'image du puit dans lequel le tueur enferme ses victimes, on a l'impression de plonger dans une fosse à purin d'autant que les perspectives sont bouchées (dans une suprême ironie, on voit un dessin représentant la ville de Florence, temple de l'art de la Renaissance fondé sur la ligne de fuite apposé contre un mur de cachot).
Mais si ce film a marqué autant les esprits, c'est surtout pour le face à face fascinant parce qu'ambivalent entre Clarice Sterling, la jeune agent du FBI jouée par Jodie FOSTER** et le psychopathe cannibale Hannibal Lecter qui a été pour Anthony HOPKINS le rôle de la consécration internationale. Ces deux êtres semblent en effet liés malgré la vitre qui les sépare et les rôles sociaux qui les opposent. Tous deux sont paradoxaux et hors-normes. Clarice est farouche, déterminée et en même temps très vulnérable. Son statut de femme-flic indépendante cache un passé traumatique que Lecter, ancien psychiatre détecte tout de suite. D'autre part en se comportant de façon asexuée, elle se heurte à beaucoup d'agressivité de la part du monde d'hommes qui l'entoure. Certains l'infantilisent, d'autres la traite avec condescendance ou bien cherchent à assouvir leurs pulsions sexuelles. La mise en scène suggère, particulièrement à la fin dans la scène inoubliable où elle affronte le tueur dans le noir qu'elle est une proie (l'agneau) face au(x) loup(s) et qu'elle rejoue son passé. La victime qu'elle vient sauver est symboliquement une sorte de double d'elle-même. Hannibal Lecter qui est supérieurement intelligent est quant à lui un mélange détonant de suprême raffinement et de suprême bestialité. Avec ses yeux qui ne cillent jamais, il semble aspirer l'âme autant que la chair, sa nature de vampire ne faisant aucun doute (d'autant que ses sens sont particulièrement aiguisés). En même temps et paradoxalement, il se donne pour mission de guider Clarice dans sa quête (extérieure et intérieure) et de la venger des prédateurs qui l'entourent. Il n'est finalement guère surprenant que ce soit lui qui lui inspire au final le plus de respect (et réciproquement).
* Adapté du livre éponyme de Thomas Harris qui forme la deuxième partie d'une tétralogie consacrée à Hannibal Lecter. Les trois autres segments, "Hannibal" (2000), "Dragon Rouge (2002)" et "Hannibal Lecter : les origines du mal" (2006) ont été depuis adaptés au cinéma mais sans le génie qui caractérise le film de Jonathan DEMME.
** J'aurai l'occasion d'en reparler mais il n'y a pas que les personnages ou les univers des films que je classe dans la catégorie asperger qui présentent des traits autistiques. C'est aussi le cas des acteurs ou actrices qui jouent dedans. Jodie Foster en fait partie tout comme nombre d'acteurs que j'ai cité ou que je citerai dans cette catégorie (Jim Carrey, Steve Carell etc.) Quant à Anthony Hopkins, il a confirmé récemment dans un journal avoir été diagnostiqué asperger, à 70 ans ce qui ne me surprend guère. Beaucoup de personnes souffrant de troubles autistiques passent leur vie entière sans savoir ce qu'elles ont. Je parle ici de troubles autistiques et non d'autisme car l'autisme est en fait un continuum qui va des cas les plus lourds à ceux que l'on considèrent comme légers et qui parfois passent inaperçus (on parle de "différence invisible") sauf pour ceux qui connaissent bien la problématique.