Un coeur en hiver (Claude Sautet, 1992)
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Un coeur en hiver (Claude Sautet, 1992)
"Un cœur en hiver" l'avant-dernier film de Claude Sautet est l'un de ses plus aboutis et l'un de ses plus personnels. Comme le dit si bien Olivier Père, Sautet apparaît à travers ses films comme un cinéaste paradoxal à la fois très proche et très secret. Un cinéaste dual, faussement solaire et véritablement tourmenté, créateur de personnages profondément autodestructeurs dont l'illusion de contrôle finit toujours par se dissiper lorsque leur vie déraille.
Cette dualité est profondément inscrite dans "Un cœur en hiver" au travers des deux amis (?) inséparables Maxime (André Dussollier) et Stéphane (Daniel Auteuil) qui en réalité représentent deux facettes opposées du même homme. Lorsqu'ils font du tennis en salle, on peut remarquer qu'ils arborent la même tenue mais avec des couleurs inversées entre le haut et le bas, l'un représentant effectivement l'endroit de la vie (Maxime) et l'autre son envers (Stéphane). Il y a aussi à un moment donné une séquence qui se déroule à l'entrée d'un cinéma affichant le film d'Ernst Lubitsch "To be or not to be", un titre qui convient parfaitement pour définir l'un ("to be") et l'autre ("not to be"). Par conséquent chacun incarne une facette de l'existence qui se traduit par une complémentarité dans le domaine professionnel (l'un fabrique et répare les violons dans son atelier comme s'il accomplissait une retraite mystique de solitude et de silence, l'autre assure le service après-vente avec son sourire commercial et son talent pour nouer des relations) et sentimental (l'un séduit les filles, l'autre les tient à distance, se montrant aussi fuyant et inadapté avec elles qu'il l'est dans tout type de contexte social). L'histoire se focalise rapidement sur une cliente du duo, la violoniste Camille Kessler (Emmanuelle Béart). Elle devient la petite amie attitrée de Maxime mais elle découvre les affres de la passion avec Stéphane avec lequel elle peut avoir des échanges beaucoup plus profonds car lui seul paraît véritablement l'écouter* (aussi bien quand elle joue que quand elle lui parle). Seulement, il lui oppose une fin de non-recevoir lorsqu'elle veut se rapprocher de lui physiquement, ajoutant qu'il est complètement fermé au sentiment (amoureux comme amical d'ailleurs). Comme Lily vis à vis de Max, Camille en vient à douter que Stéphane soit véritablement un homme devant tant de froideur et (d'apparente) indifférence face à la douleur qui la brûle, elle. En réalité c'est l'un des énième hommes clivés de la filmographie de Sautet, coupé de ses émotions et donc vivant dans un mental orgueilleux dans lequel il s'imagine au-dessus des autres et pouvant les manipuler à sa guise avant de s'apercevoir mais trop tard qu'il a gâché sa vie.**
* Et il sait l'écouter car justement, c'est dans les relations dénuées de paraître social qu'il est le plus à l'aise. Avec son ami lorsqu'il est seul avec lui, avec son apprenti ou encore avec son maître de violon. Tant qu'avec Camille il n'est question que d'échanges sur la musique ou de confidences sur sa vie à elle, il est également à son aise. En revanche dès qu'il s'agit de jeu de séduction et de relation amoureuse, c'est le dérapage.
** En cela et comme Max, il me fait penser au majordome Stevens des "Vestiges du jour" qui éprouve un sentiment de triomphe chaque fois qu'il étouffe toute forme d'humanité en lui jusqu'à ce qu'il finisse en miettes. Néanmoins par rapport aux personnages de Sautet des années 70, Stéphane verbalise davantage et finit même par faire une ébauche d'introspection ce qui est un progrès par rapport à la conduite suicidaire ou au meurtre.