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52. La Légende de Nil. Jean-Marc Ferry. Livre II, L'Utopie de Mohên. Chapitre VII, 3 

52. La Légende de Nil. Jean-Marc Ferry. Livre II, L'Utopie de Mohên. Chapitre VII, 3 

Publicado el 17, nov., 2023 Actualizado 17, nov., 2023 Cultura
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52. La Légende de Nil. Jean-Marc Ferry. Livre II, L'Utopie de Mohên. Chapitre VII, 3 

Après la cérémonie, Ols apprit à Oramûn qu’il vient de recevoir un appel de Rus Nasrul. Celui-ci a décidé d’agir. Il a repéré l’entreprise d’armements qui fournit les nationalistes, non loin de l’île de la Nohr. Il s’y est rendu en commando, a pris autant de fusils et de munitions qu’il le pouvait avec ses hommes. Quant aux explosifs, ils ont servi à faire sauter l’usine et les entrepôts. Nasrul juge son fils en danger. Il a décidé d’acheminer les fusils jusqu’à la ligne de défense que Ferghan tient encore sur la Gunga.

En apprenant la nouvelle, Oramûn, accompagné d’Ols, alla trouver Ulân.

— Ols et moi vous disons, au nom de l’Union, que nous sommes vos alliés. Nous prenons fait et cause pour votre défense face à l’armée des mercenaires. Un navire chargé de blé mouille à quelques encablures du littoral, droit au Sud. La cargaison est à vous. Nous savons quel est l’objectif stratégique des nationalistes : passer la Gunga, pénétrer en territoire Tuldîn, prendre possession des terres arables qui se trouvent à l’Ouest des monts de Welten, dans le triangle formé avec la jonction des bras de la Gunga. L’armée des mercenaires compte donc porter tout son effort pour briser la défense tenue par les hommes de Ferghan, fils de Nasrul, le Grand. Les Tuldîns lui prêtent main forte, mais cela risque de ne pas suffire…

Oramûn arrêta là ses informations, laissant à Ulân le soin d’en tirer les conséquences.

— Je serais prêt à envoyer des troupes en renfort sur la Gunga, puisque c’est sur cette ligne que tout se joue. Elle sépare les Tangharems des Tuldîns. Mais ceux-ci nous feront-ils confiance ? Nous laisseront-ils nous mêler à leurs rangs ? En outre, il nous faudrait passer par le territoire des Olghods. Celui des Kharez, plus à l’Est, étant occupé, comme vous savez. Même question, donc, qu’au sujet des Tuldîns : les Olghods accepteraient-ils de laisser transiter nos guerriers depuis leur littoral jusqu’à la pointe Nord des Welten ?

Oramûn n’hésita pas :

— Je vais me rendre chez les Olghods et ferai ce qu’il faut pour obtenir leur autorisation. Je prendrai ensuite contact avec Ferghan afin que vos troupes soient accueillies. J’ai cependant une question : nombreux sont les Djaghats qui sont allés trouver refuge chez les Olghods. Quelques-uns sont passés chez les Tuldîns. Ne pourraient-ils pas se joindre à vos troupes pour défendre la ligne de front ?

Le visage d’Ulân prit une expression dubitative.

— Les Djaghats sont de bons ouvriers. Ils savent fondre le cuivre avec l’étain et le plomb. Mais ils ne sont pas des guerriers. Leurs terres n’ont jamais été convoitées. Il a fallu la folie d’Ululdûn, pour que la haine soit attisée. Vois comme leur taille est petite. Jadis, c’est à pied qu’ils coursaient les antilopes pour la chasse ou la capture. Ils ont toujours su se dissimuler dans les herbes des plaines. Compare avec les Tangharems, tous grands et élancés : ils sont faits pour monter les hémiones. Les Kharez ne montent pas les hémiones, mais ils savent se servir des hallebardes pour avoir tenu contre nous la frontière d’Est en Ouest depuis les marécages qui nous séparent des Aspalans jusqu’au pays des Djaghats. Je compte leur confier la garde de notre front, des fois que viendrait aux mercenaires l’envie de nous acculer à la mer. Un détachement de mes soldats fera office de police : l’apaisement est précaire entre Kharez et Djaghats. Si votre mission réussit auprès des Olghods, je mènerai le gros de mes troupes à la Gunga. De là, nous refoulerons les mercenaires vers l’Est, les harcèlerons jusqu’à ce que le dernier ait quitté nos terres.

De conserve avec Ols, et toujours accompagné d’Yvi, Oramûn effectua le périple annoncé : rendre d’abord visite aux Olghods, ainsi qu’il l’a d’ailleurs promis aux villageois amis. Ceux-ci ont pris livraison de la cargaison de blé qui leur est destinée. Après avoir distribué le principal aux réfugiés Djaghats, ils ont partagé le reliquat entre les clans de la région. L’équité fut assurée par les Anciens des villages. À présent la générosité d’Ols et d’Oramûn est largement connue et reconnue en pays Olghod. Ils y jouissent d’une confiance telle qu’il n’y eut pas à négocier un laisser-passer pour le transit des soldats Tangharems.

Un sourire épanoui de Rus Ferghan accueillit les voyageurs, en amont des deux bras de la Gunga, à la pointe Nord des Welten. Le jeune homme a vu son père, la veille. Il se réjouit d’avoir reçu les fusils dont il manie un exemplaire.

— Soyez bienvenus ! Je suis heureux de vous voir. Voyez, je le testais. Il est précis. Comment font-ils pour nous rater ! Vous êtes fatigués. Puis-je vous offrir quelque chose à manger ?

Il ajouta sans quitter le fusil du regard :

— Mon père a apporté d’autres denrées plus comestibles !

— C’est une joie, Ferghan, de te revoir ! Tu reconnais Yvi, bien sûr. Voici Ols que tu avais entrevu. Je viens t’annoncer la venue de renforts : Ulân et ses guerriers Tangharems vont traverser le pays Olghod pour rejoindre vos rangs. Profitons de ce que les mercenaires sont en panne de ravitaillement en armes ! Cela ne durera pas, les industriels vont réagir. De puissants intérêts stratégiques sont en jeu. Nos ennemis concentrent leur objectif sur la ligne que tu défends. Ils risquent de faire le forcing pour l’enfoncer et passer de l’autre côté des Welten. Je suggère d’attaquer dès que les Tangharems vous auront rejoints. Ulân, leur chef, dit que les Djaghats ne seraient guère utiles au combat. Ils se sont réfugiés en nombre en pays Olghod. Certains sont chez les Tuldîns. Tu n’auras pas trop d’hommes. Si tu leur vois un emploi, …

Le large sourire de Ferghan s’est maintenant estompé.

— Un garçon Djaghat m’a parlé d’Yvi et de toi. Il m’a proposé ses services. Il pourrait prendre contact avec les réfugiés, les persuader de ne plus craindre les Kharez, si je lui expose la situation… J’y pense, Oramûn...

Ferghan paraissait préoccupé :

— J’aimerais savoir quand les soldats Tangharems comptent arriver. Je ne leur fais pas confiance. Mon père les a combattus quand j’étais enfant. J’étais à ses côtés. Ce sont des affreux, tu sais !

— Nous n’avons pas trop le choix, Ferghan. Ulân me semble capable de raison. Il ne nous a jusqu’alors montré que de bons signes… Je retourne le voir pour lui annoncer que la voie est libre. Les Olghods ont accepté de laisser passer ses troupes.

Le visage de Ferghan se figea. On pouvait y lire une résolution bien arrêtée.

— Oramûn, mon ami, nous avons parcouru Sarel-Jad ensemble et vécu de belles aventures. J’ai pour toi grande estime. Si j’avais un frère, j’aimerais qu’il te ressemble. Mais permets-moi de te dire : tu n’es pas un soldat. Pas question pour moi que les Tangharems viennent se mêler à ma ligne de front sur la Gunga ! Encore moins si Ulân est avec eux ! Qui commanderait ? T’es-tu posé la question ? Ulân veut attaquer. Je ne suis là que pour défendre. Tant que mes braves seront sur la Gunga, c’est moi qui dirigerai les opérations. Si Ulân veut lancer une contre-offensive, qu’il le fasse depuis le territoire des Olghods ! Qu’il frappe le flanc gauche de l’armée d’invasion, déstabilise l’adversaire : tant mieux ! Peut-être les Tuldîns attaqueront ils alors frontalement les mercenaires. S’ils échouent, nous protégerons leur retraite. S’ils réussissent, mes braves retourneront chez eux.

 

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