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38. La Légende de Nil, Jean-Marc Ferry, Livre 2, L'Utopie de Mohen, Chapitre premier, 3

38. La Légende de Nil, Jean-Marc Ferry, Livre 2, L'Utopie de Mohen, Chapitre premier, 3

Publicado el 30, jul., 2023 Actualizado 30, jul., 2023 Cultura
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38. La Légende de Nil, Jean-Marc Ferry, Livre 2, L'Utopie de Mohen, Chapitre premier, 3

 

De mes archives qui éveillent et qu’abondent tous les esprits de Nil, retenez qu’à son retour de Sarel-Jad, Rus Nasrul s’était empressé de prévenir contre Zaref et ses sbires de nombreux chefs Aspalans, originaires du Nord des Terres noires, une région nommée Seltenjœth. Cette zone semi-sauvage s’étend d’Ouest en Est, depuis les Terres blanches jusqu’aux confins des Terres bleues, en bordure de l’océan septentrional. Pour l’essentiel il s’agit de tourbières traversées par des canaux noirs comme l’asphalte. La végétation, couleur d’herbe sèche, y est pauvre, sauf aux franges méridionales, marquées tout du long par une chaîne de montagnes dont les glaciers sont à l’origine de deux fleuves : la Nohr qui, du Nord au Sud, sépare les Terres noires des Terres bleues ; la Gunga, plus à l’Ouest, qui alimente un grand lac, au Nord des Welten.

À vrai dire, les Seltenjœth sont un espace indéfini. Jadis, nulle frontière ne venait délimiter la vaste zone qui, couvrant une partie des Terres blanches, à l’Ouest, se prolonge, à l’Est, dans les Terres bleues jusqu’à la région de Mohên, au Nord-Est du royaume Nassug. À cette époque, les Aspalans n’étaient qu’un regroupement de tribus hétérogènes. Ils se sont par la suite répandus au Sud, jusqu’à la mer qui sépare le continent de l’archipel de Mérode. Leur progression s’effectua à partir d’embarcations qui descendaient la Nohr. C’est eux qui sont à l’origine de Iésé, la ville située non loin de l’embouchure. Par la suite, ils durent renoncer à la rive orientale du fleuve, laquelle revint aux Nassugs, et ils furent refoulés des espaces occidentaux par les tribus des Terres blanches.

Les Aspalans des Seltenjœth ont créé, tout au Nord, des ports de pêche qui, en été, font commerce entre eux et, durant l’année, fournissent Iésé en poissons, crabes, coquillages, pieuvres, seiches, algues et d’autres fruits de la mer. Nasrul est originaire du grand massif forestier, où la Gunga prend sa source, dans la zone Sud-Ouest des Seltenjœth, en voisinage des Tuldîns. Il retourne chaque année à son village natal, accroché au flanc d’une montagne. Avec le temps un réseau de relations a pu s’établir non seulement entre les ports du Nord, mais aussi entre les villages des montagnes, et même entre ces derniers et les réseaux portuaires, si bien que les Aspalans des Seltenjœth ont aujourd’hui conscience de former un peuple ; et Rus Nasrul apparaît comme le Premier des chefs Aspalans de toute la région.

De cela Zaref avait gagné une notion suffisante pour subodorer le poids politique de Nasrul. Quant à « ses » Aspalans à lui, qu’il s’agisse des bandits à sa solde, de sa clientèle disposée à payer cher l’acquisition de Sils, ou de ces industriels, détenteurs des forges et des mines — tout ce monde est loin de former une unité. C’est un désavantage, comparé à Rus Nasrul, et ce ne sont pas les petits chefs nationalistes des régions centrales, qui amélioreront à cet égard la position de Zaref. Ils représentent même à ses yeux un danger, en raison de leur hostilité aux industriels en général, puisque ceux-ci les privent d’une main-d’œuvre serve, naguère, abondante. Raison de plus pour prévenir d’urgence leur éventuelle alliance tactique avec les Aspalans de Nasrul !

Ce dernier venait juste d’avoir avec Ygrem une longue entrevue. Y étaient présents Santem, Ols, Almira, Nïmsâtt et Oramûn. Nasrul leur avait exposé ainsi sa vision de la situation dans les Terres noires :

— L’offensive industrielle fut agencée par vagues successives. Après s’être constitués en un syndicat autonome, les industriels Nassugs expatriés se sont entendus entre eux pour diffuser à bas prix des consoles électroniques à la population, en commençant par leurs propres employés à qui ces consoles furent distribuées gratuitement. Elles leur permettent de communiquer entre eux à distance, de se connecter aux banques où les entreprises industrielles leur ont d’office ouvert un compte. Par ces tablettes les gens reçoivent toutes sortes de messages : informations, divertissements, ainsi que des exhortations à acheter, à emprunter…

Rus Nasrul s’interrompit un moment. Ses yeux d’argent fixaient un paysage invisible. « Oui, les Aspalans sont encore bien loin de former un peuple. Il importe qu’Ygrem mesure la distance qui les sépare des Nassugs ou des gens de Mérode ». Il fallait donc expliquer :

 — … De tradition, les Aspalans de la plaine ont un mode de vie préagricole. Ils sont itinérants avec leurs bêtes. Seule une minorité s’est sédentarisée dans des fermes. On s’est alors évertué à stabiliser la population nomade en promettant aux gens un enrichissement rapide à condition qu’ils s’installent sur une terre à travailler et à clôturer, et qu’ils emploient de la main-d’œuvre, s’ils viennent à prospérer. Pour les y inciter, les industries d’équipement, en connivence avec les banques, ont proposé du matériel agricole, assorti de contrats de prêts à très long terme et quasiment gratuits. Mais les bénéficiaires durent alors ouvrir un compte en banque…

À nouveau Rus Nasrul s’interrompit. Le fait de faire ce rapport sur la situation en Terres noires éveilla en lui la conscience d’une crise sociale qui, déjà, n’est plus simplement latente.

— … Beaucoup cédèrent à la pression des industriels et des banquiers. Ils ont déchanté en se voyant pris dans une spirale d’endettement. Ils regrettent leur ancien mode de vie, mais c’est trop tard. Quant aux employés des industries, leur situation n’est pas meilleure. À peine ont-ils touché leur paie qu’ils vont la dépenser en pacotilles, ou, pis, la boire dans les tavernes. Ils ont ainsi jeté leur famille dans la détresse. Au bout du compte ils se sont tant abîmés dans l’alcool et la dissipation, qu’ils ont perdu leur emploi. Ils se retrouvent comme des chiens errants, prêts à tout pour quelques Mirals.

Au cours de son exposé Nasrul s’était tourné tour à tour vers Ygrem, Santem, Oramûn, Almira, Ols, et enfin, Nïmsâtt vers qui il arrêta son regard. L’émotion qu’elle avait pu trahir face à lui, lors de leur première rencontre à Sarel-Jad, ne lui a pas échappé. Il vit que, cette fois encore, elle faisait son possible pour ne pas rougir. Il allait poursuivre le récit, lorsque le roi intervint :

— Outre ces gens, éleveurs, cultivateurs, ouvriers, il existe une noblesse, une caste de chefs de guerres, de grands propriétaires, des industriels, des ingénieurs. Comment vivent-ils, eux, cette révolution ?

— L’implantation industrielle a suscité des rivalités partout. Les propriétaires terriens ont perdu leurs serfs, une main-d’œuvre qui frappe à présent aux portes de Iésé et des villes nouvelles bordant la Nohr, afin de trouver un emploi dans l’industrie. Le seul fait que des industries se soient implantées sur la rive occidentale de la Nohr, en territoire Aspalan, génère un afflux de gens pauvres, désireux d’y être employés. C’est ainsi : en créant de l’emploi on a créé du chômage ! D’où résulte un mécontentement social. Quant aux riches Aspalans qui ne se sentent pas une vocation rurale, ils se plaignent de ce que les Nassugs occupent les postes clés de l’industrie. Les industriels Aspalans eux-mêmes se joignent à la critique. Ils s’estiment relégués aux secteurs les moins rentables. Les transfuges Nassugs se réservent les industries de pointe, tandis que les industriels Aspalans se sont spécialisés dans les mines, la métallurgie et le traitement d’énergie fossile. Monte en puissance un mouvement nationaliste, ramassis de hobereaux alliés à des industriels frustrés et jaloux de leurs homologues Nassugs. Ces derniers sont, eux aussi, frustrés, mais pour d’autres raisons : ils souhaiteraient avoir le marché des aéroglisseurs, produire en masse ces « tapis volants » qu’ils ont fait miroiter à la population. Or ils n’en ont pas les plans... Cependant, le mécontentement vient en première ligne des ouvriers licenciés et des nouveaux demandeurs d’emploi, autant de gens qui se détestent. Leurs intérêts divergent, mais ils s’entendent pour exiger l’expulsion des étrangers ; ce qu’ils intitulent « la reconquête ». À présent, les Nassugs expatriés sont inquiets. C’est eux qui tiennent le Syndicat. Ils m’ont pressenti dans l’espoir d’un soutien. Ils me disent souhaiter que je coalise autour de mon nom un pouvoir capable de contenir les tendances subversives. Mais les Aspalans sont trop attachés à leur liberté pour accepter une allégeance de cette sorte… Quel est votre conseil ?

En prononçant ces derniers mots, Rus Nasrul se tourna vers Santem. À vrai dire, ce sont presque tous les regards qui se tournent vers lui. Sauf Nïmsâtt qui attend une intervention d’Ygrem. Elle fait confiance à sa vision politique, pense que c’est à lui qu’il revient de prodiguer le conseil. Pour ne pas décevoir celle qu’il admire, le roi des Nassugs prit donc la parole :

— Le temps me paraît venu d’établir en Terres noires un État politique. Mais voici une difficulté. D’un côté, les notables Aspalans ne doivent pas se sentir exclus du gouvernement. D’un autre côté, la foire d’empoigne est l’écueil des coalitions au pouvoir. Je suggèrerais de dériver leurs appétits vers des échelons géographiques locaux ou régionaux, afin de réserver à l’État l’échelle proprement nationale… Oui, je pense que les Terres noires ont vocation à former une nation. Je crois aussi que Rus Nasrul serait à même de susciter et animer une vaste consultation sur l’organisation régionale du territoire : à quelles tribus telle région revient-elle ? Comment y organiser un pouvoir légitime auprès de ses habitants ? ll est à prévoir que les détenteurs de ce pouvoir local seraient représentés dans un Conseil supérieur ou une Assemblée nationale, mais non point au Gouvernement. Dans ce cas, une Constitution me paraît requise, qui établisse les relations entre ces Pouvoirs distincts et soit ensuite approuvée par la population.

Il eût été délicat de parler après le roi. Santem, comme les autres personnes présentes, choisit de garder le silence et Ygrem invita ses hôtes à partager un repas avec lui. Là, ils pourraient discuter à bâtons rompus. Entre temps, Nasrul prit Santem à part :

— Qu’en pensez-vous ?

— Rien qui vaille, si vous vous jetez dans l’arène pour tenter de mettre de l’ordre entre ces clans rivaux. En revanche, vous auriez meilleure chance de réussir dans un projet d’ambition plus limitée.

— Lequel, Santem, dîtes-moi, je vous prie !

— Les ports et les villages montagnards de Seltenjœth vous sont acquis, le peuple comme ses chefs, pour la plupart. Je vous suggère de mettre cette circonstance à profit pour créer avec les Nassugs et les gens de Mérode une Association commerciale, puis une Union politique. Nous disposons d’une monnaie commune. Manquent les règles communes ; ce qui veut dire aussi quelques institutions minimales. C’est un cadre indispensable. Il convient d’en discuter et de préciser l’organisation avec Ygrem, non sans avoir consulté des industriels, banquiers, artisans, paysans, commerçants… C’est possible. Ygrem est homme à mettre ses forces dans la réalisation d’un tel projet. Tôt ou tard, les industriels des Terres noires devront se rallier.

— C’est donc cela, mon cher Santem, que vous présentez comme un « projet d’ambition plus limitée » ?

Santem regarda sans sourire Nasrul dans les yeux :

— Si nous sommes d’accord, je parlerai à Ygrem en ce sens.

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Bernard Ducosson
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