Un système sanitaire aux moyens limités
On Panodyssey, you can read up to 30 publications per month without being logged in. Enjoy29 articles to discover this month.
To gain unlimited access, log in or create an account by clicking below. It's free!
Log in
Un système sanitaire aux moyens limités
24 Juin 15
Pourquoi ce projet dans cette région ? Laissez moi vous présenter succinctement le système sanitaire pour que vous compreniez dans quel cadre notre action s'insère.
Le système sanitaire tchadien est dirigé par le Ministère de la Santé Publique. Il suit un découpage en régions, qui elles-mêmes suivent un découpage en districts. A chaque district est associé un médecin chef de district, un hôpital, et des centres de santé dans les villages.
Les centres de santé sont des petites structures couvrant plusieurs villages, sur une superficie de une ou plusieurs dizaines de km aux alentours, administrées par des responsables de centre de santé qui ont au mieux une formation d'infirmier, et qui assurent avec des auxiliaires de santé l'ensemble des soins de premier recours. Ils restent néanmoins très éloignés pour de nombreux habitants, qui préfèrent souvent consulter en premier lieu le guérisseur traditionnel local, qui va soigner à base de décoctions, de scarifications, de la fameuse ablation de la luette, et d'autres méthodes dont je n'ai pas encore eu vent jusque là.
Ces centres de santé sont les structures primaires du système de santé, sur lesquelles se reposent le Ministère et les ONG pour assurer toutes les démarches de santé publique, campagnes de vaccination, dépistage de maladies (VIH, tuberculose), suivis de grossesse, prise en charge d'affections courantes identifiées ; avec comme moyens les locaux, la connaissance plus ou moins développée des acteurs de santé, quelques tests de diagnostics rapides, et des médicaments essentiels, dont les ruptures d'approvisionnement arrivent régulièrement.
Au niveau supérieur, il y a l’hôpital de district.
L’hôpital de Moïssala comprend 1 service de médecine (20 lits), 1 service de chirurgie (20 lits), 1 service d’obstétrique (20 lits), 1 service de pédiatrie (20 lits), 1 laboratoire pour quelques examens biologiques de base (pas d'appareils, seulement des TDR et des microscopes), aucun service de radiologie, une pharmacie plus ou moins fournie avec des ruptures régulières (l'autre jour, je voyais un aide opératoire en recherche d'un flacon d’adrénaline pour pouvoir débuter une opération à haut risque hémorragique). Cet hôpital couvre un district d'environ 250 000 habitants.
A la tête de tout ça, un médecin chef d’hôpital (dit MCH), médecin généraliste de formation. Il travaille théoriquement en binôme avec le médecin chef de district (MCD) pour assurer l'ensemble du fonctionnement de l’hôpital, mais en pratique, ici à Moïssala il doit assurer au moins 80% du travail. Il a une formation de base en médecine et en chirurgie.
L'ensemble des services est sous la responsabilité de majors, un ou deux infirmiers max pour assurer la permanence des soins H24 du service, qui assurent la prise en charge des patients, et qui réfèrent au MCH les cas un peu plus compliqués. Ils sont aidés par des stagiaires, infirmiers ou ATS diplômés, qui viennent là quelques semaines (bénévolement) parfaire leurs connaissances et étoffer leur CV, à défaut d'arriver à trouver un poste quelque part.
Le MCH, quant à lui, assure la supervision de tous les services, l'ensemble des opérations chirurgicales jour comme nuit (le MCD ici prétextant ne pas pouvoir opérer), et se partage le planning de garde avec le MCD (actes de chirurgie excepté). Autant vous dire qu'il ne chôme pas. A défaut, si la prise en charge dépasse ses compétences ou son plateau technique, il peut référer à l’hôpital régional, à 2h de route d'ici. Inutile de préciser que ces déplacements, l'hospitalisation et les traitements sont entièrement à la charge du patient, ce qui pour des populations d'agriculteurs ou d'éleveurs est le plus souvent hors de portée financièrement.
Le fonctionnement de l’hôpital, quant à lui tient aux rentrées d'argent des consultations, des hospitalisations, et des ventes de médicaments. Le Ministère a fourni les locaux, charge à l'hôpital ensuite de se débrouiller pour assurer sa pérennité et payer son personnel. Il y a bien des médicaments essentiels pour des pathologies ciblées par le Ministère dont la prise en charge est censée être gratuite ; mais les livraisons sont aléatoires. L'électricité, par exemple, est un problème. MSF, en venant ici, a installé deux générateurs pour assurer une certaine viabilité du réseau électrique ; tout l'hôpital fonctionne désormais sur ces générateurs, bloc opératoire compris, ce qui n'a pas manqué de poser quelques soucis les premières semaines de notre arrivée.
Les moyens sont donc très limités, ici comme ailleurs on fonctionne selon la philosophie du « on fait avec ce qu'on a ». Y'en a, on utilise. Y'en a pas, ben y'en a pas, et on fait comme on peut en attendant. Les moyens humains compensent tant bien que mal le manque de matériel.
Ainsi, les médecins étant une denrée rare au Tchad (Le CHU de N'Djamena ne formant que très peu de médecins, nombreux sont ceux qui vont se former ailleurs, en Centrafrique, au Cameroun, en Algérie, et plus récemment à Cuba), le système repose avant tout sur des infirmiers qui assurent les consultations primaires et les prises en charge hospitalières. Mais s'ils sont un certain nombre à être formés, ils peinent à trouver un poste pour exercer, d'où le grand succès que rencontre l'UP, qui n'offre pourtant qu'un CDD ajustable de quelques mois dans l'année.
L'UP propose donc une prise en charge totalement gratuite, transport vers l'hôpital compris, et médicaments à la sortie donnés. Elle est une aubaine pour les populations qui déclineraient la plupart du temps l'hospitalisation, faute de moyens, même en cas de paludisme grave menant à une mort certaine. Mais elle est aussi un manque à gagner pour l'hôpital, même si elle le décharge d'un volume de patients qu'il ne pourrait pas absorber. Il s'agit donc là de travailler en bonne entente, de trouver des compensations, de référer les patients en pédiatrie, une fois le paludisme traité, pour la prise en charge des autres pathologies ; et de pouvoir ainsi faire cohabiter un programme ciblé gratuit avec un système de santé aux ressources très limitées.
NB : Il semblerait, en comparaison de l'hôpital du district d'à côté, que l'hôpital de Moïssala est particulièrement défavorisé. Ceci tiendrait à des raisons historiques et politiques qui font que l’hôpital n'a pas eu sa dotation complète en matériel (radiologie, échographie, salle de bloc, appareil de biologie, générateur). Mais ceci est un autre débat.