La C.P.S (Traitement preventif du paludisme)
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La C.P.S (Traitement preventif du paludisme)
Derrière ces trois lettres se cache certainement la plus belle partie du projet de Moissala ; la plus ambitieuse, celle qui lui donne toute sa cohérence et son envergure.
CPS. Chimio-Prophylactie Saisonnière. Recommandé par l'OMS depuis 2012 dans les zones à fort taux de transmission, il s'agit de donner aux enfants de 0 à 5 ans au moment du pic épidémique des comprimés pendant 3 jours afin de réduire son risque de développer un accès palustre dans le mois qui suit. C'est un peu comme les comprimés que nous prenons, nous aussi, quand nous voyageons dans un pays à risque, sous une version simple mais efficace pour que cela soit réalisable en pratique.
Au fur et à mesure que l'on côtoie le parasite du paludisme, on développe une immunité protectrice dite relative, un peu comme un vaccin qu'il faudrait renouveler régulièrement. Les jeunes enfants, qui n'ont pas eu encore le temps de développer cette immunité, sont les plus à risque d'une multiplication massive du parasite à l'intérieur de leurs cellules, et donc de développer un accès palustre voire un paludisme grave, d'où le fait qu'ils soient une cible prioritaire. La CPS n'est pas une protection physique empêchant l'infestation par le parasite. Elle n'est pas non plus un vaccin et n'induit pas une immunité. Mais elle diminue la capacité du parasite de se développer à l'intérieur des cellules, et diminue ainsi de 75% le risque pour les enfants de développer une crise paludique.
Concrètement, il s'agit de pouvoir atteindre la plus grande partie des enfants cibles sur l'ensemble du district de Moissala ; de pouvoir leur donner des comprimés une fois par mois durant la période épidémique la plus à risque, sur une durée maximum de 4 mois. Et cette année, le projet est encore plus ambitieux, car il souhaite coupler à chaque passage de CPS un rattrapage vaccinal des principales vaccinations recommandées : la poliomyélite, un vaccin pentavalent couvrant notamment le tétanos et l’hépatite B ; la rougeole et la fièvre jaune. Tout ceci se réalisant sur un territoire au système sanitaire et à l'accès aux soins très limité, tel que je vous l'ai décrit dans un article antérieur.
(http://roadtrip-in-peru.over-blog.com/2015/06/un-systeme-sanitaire-aux-moyens-limites.html)
En pratique, cela se déroule de la manière suivante : 20 zones de responsabilité, chacune définie par la présence d'un centre de santé ; 157 sites de distribution répartis dans les villages de ces zones, s'éparpillant parfois à plus de 20 km d'un centre de santé ; un objectif de 123 000 enfants à couvrir par passage, objectif qui sera probablement dépassé.
Pour chaque site de distribution, entre 6 et 15 personnes, avec un crieur pour interpeller les mamans, des agents pour enregistrer les enfants, s'assurer qu'ils ne sont pas déjà impaludés en faisant au besoin un test de diagnostic rapide, distribuer les médicaments de prophylaxie ou de traitement du paludisme, de faire le point sur les vaccinations, au besoin de faire le rattrapage et d'établir une nouvelle carte de vaccination. Tout ceci dans une région de paysans, souvent analphabètes, très peu habitués à l'écrit et à conserver des papiers (notamment des carnets de santé ou de vaccination), et avec des agents recrutés dans la population locale qui n'ont aucune connaissance médicale particulière.
Autant vous dire qu'il s'agit d'une énorme opération, avec une énorme logistique et un énorme recrutement, qui mobilise plusieurs personnes depuis début février. Entre l'établissement et l'entretien de bonnes relations avec les responsables des centres de santé et chefs de village, le repérage et la définition des sites de distribution, le recrutement et la formation des équipes de distribution, la gestion, la préparation et l'acheminement des stocks de matériel et de médicaments de N'Djamena à Moïssala puis aux centres et sur les sites, la gestion de la chaine de froid pour les vaccins, la supervision des sites et des équipes lors des jours de distribution, le stockage du matériel entre les phases de distribution, la paie des équipes, en cash bien sur et avec la monnaie s'il vous plait ; c'est toute l'équipe MSF qui est à pied d'oeuvre en ce moment, responsables et superviseurs des activités externes, la pharmacie, les logisticiens, les admin, les chauffeurs et 4X4 venus en renfort de N'Djamena.
Nous finissons tout juste le premier tour de CPS aujourd'hui. Les équipes sont épuisées, mais tout s'est globalement bien passé. Je crois qu'on peut tirer un fier coup de chapeau à tous ceux qui oeuvrent depuis des mois pour que tout se déroule du mieux possible. Une petite semaine de repos pour eux, et le bulldozer MSF entamera son deuxième tour.
NB : à l'heure ou j'écris ces lignes, un vaccin contre le paludisme vient de recevoir l'aval de l'Agence EUropéenne du Médicament pour son développement. Il n'est pas encore commercialisable et présente une efficacité modérée, engendrant une protection de 50% ; mais c'est certainement une avancée très intéressante dans la lutte contre cette épidémie.
http://www.france24.com/fr/20150725-paludisme-afrique-vaccin-malaria-agence-europ%C3%A9enne-medicament-GSK-OMS-commercialisation-sante-serum-mosquirix