Partir en Break...et Revenir
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Partir en Break...et Revenir
Faire sa dernière garde à l'UP.
Gérer quelques entrées dans la nuit, quelques transfusions, un enfant qui convulse, et puis passer la relève en se disant que demain on y retourne pas.
Partir en voiture, reprendre cette route qu'on a pris trois mois plus tôt dans le sens contraire, qui était alors toute rouge de terre et qui désormais est verte de végétation depuis que la saison des pluies a commencé.
Traverser ces "grandes" villes que sont Koumra puis Sarh, où les commerces sont plus nombreux en centre ville, et où il y a même un "cinéma" et des boites de nuit !
Prendre le petit avion des humanitaires et arriver à N'Djamena.
Retrouver des routes bitumées et des trottoirs dont des employés municipaux balaient le sable à longueur de journée ; les maisons en beton, et les murs encadrant les parcelles surmontés de barbelés et de tessons de bouteille. La clim à la maison. Un vrai resto francais le soir, tenu par un lyonnais, avec vin et viande rouge, et un vrai bar avec une grande variété d'alcools et un billard pour passer la soirée.
Passer au marché artisanal, où il te faut entrer dans chaque petite échope pour voir des masques et des statues identiques à la précédente afin de ne pas susciter d'incident diplomatique chez les commercants, tout en rivalisant de stratagèmes pour résister aux pressions de te faire donner un prix à ce que tu regardes.
Aller à l'aéroport international de N'Djamena, en travaux ; traverser un chantier de panneaux de bois et de murs de beton frais, passer les contrôles de sécurité qui n'ont de contrôle et de sécurité que le mot, car même une poule en goguette la contourne paisiblement comme si de rien n'était, et patienter dans un petit algeco au pied de la piste faisant office de salle d'attente.
Monter à bord de l'avion Air France avec tout son standing de grande compagnie internationale. Regarder la liste des derniers films proposés, comme Gravity sur mini écran ; attention vous risqueriez de vous croire réellement dans l'espace !
Accepter le plateau repas qu'on vous propose à deux heures du matin, parce que c'est bien connu, dans l'avion, quand on vous sert à bouffer, on bouffe, quel que soit l'heure du jour ou de la nuit ; on prend ses précautions, on sait jamais, autant s'écraser le ventre plein plutot que le ventre vide.
Arriver à Roissy CDG, avec ses grands panneaux vitrés, ses longs dédales de couloirs, ses contrôles aux frontières avec les files d'attente en serpentin, et même les douanes qui contrôlent les identités et permis de séjour au sas de sortie de l'avion. Ben oui, on arrive du Tchad ! Le grand hall, les multiples boutiques de luxe Duty Free qui n'en sont pas moins chères pour autant (17e le sachet de chocolats Lindor !), les 3h d'attente avant la correspondance pour Toulouse.
Retrouver ma ville telle que je l'ai quittée, sa circulation, son chauffeur de bus peu aimable, les gens qui s'invectivent au feu rouge en se reprochant "tu m'as mal parlé !" ; ces rues qui me sont si familières, et dans lesquelles je me sens quand même un peu un étranger.
Retrouver ma chérie, son visage et sa chaleur, se serrer fort dans les bras.
Retrouver le goût d'un melon, d'une pêche, ou d'un plateau de fromages francais.
Partir à la mer, se baigner, manger des huitres et des bulots avec un verre de vin blanc frais... Ah !!! Qu'est ce que j'en ai rêvé !!!
Passer quelques jours de vacances à buller, se promener, manger et se reposer, en se prélassant dans le confort et la luxure de ce que notre société francaise peut nous offrir, une terrasse de café, un verre de sauternes ou une glace à la main, tout bonnement, simplement, comme si de rien n'était, comme si tout cela était une évidence, un naturel universel.
Reprendre l'avion, re-patienter quelques heures dans la grande galérie vitrée du terminal 2 de Roissy. Re-Air France, re-mêmes films, re-plateau repas à 5h de l'après midi. Même aéroport en chantier, sa chaleur et ses insectes volants, son décharge-bagages fonctionnant au compte goutte, un seul petit chariot faisant les allers-retours entre l'avion et l'aéroport.
Re-clim, re-resto pizza, puis redécollage pour Sarh. Route goudronnée jusqu'à Koumra, puis on retrouve la piste jusqu'à Moissala.
Retour au calme, à l'absence de bruits de circulation, aux routes onduleuses parsemées de flaques d'eau, à la végétation luxuriante et aux champs de coton, silence perturbé par seulement quelques chants d'oiseaux. Aux chèvres perchées en haut des murs et aux poulets qui se balladent dans la rue. A la chasse au moustique qui s'est infiltré dans la moustiquaire à 2h du matin.
Retour à l'UP, avec ses lits doublés, ses malnutris et ses gamins dans des états critiques, branchés à un extraire d'oxygène parce qu'une saleté de moustique les a piqué.
Se dire que vraiment, on ne vit pas dans le même monde. Et moi, je ne suis qu'une passerelle entre les deux, pour un petit moment donné.