Congratulations! Your support has been successfully sent to the author
Deuxième cérémonie

Deuxième cérémonie

Published Mar 26, 2023 Updated Mar 27, 2023 Travel
time 5 min
1
Love
0
Solidarity
0
Wow
thumb 1 comment
lecture 223 readings
2
reactions

On Panodyssey, you can read up to 10 publications per month without being logged in. Enjoy9 articles to discover this month.

To gain unlimited access, log in or create an account by clicking below. It's free! Log in

Deuxième cérémonie

Le lendemain d'une séance d'Ayahuasca est toujours étrange. Je ressens d'abord une grosse fatigue, une envie juste de rester allongé et me prélasser, en faisant fi de l'ennui et du temps qui passe. Et en même temps je perçois une certaine vitalité, une paix intérieure, une sensation d'équilibre et de sérénité. Je ne demande qu'à être là, je ne cherche pas à lutter, je me laisse entièrement porter par le flot et par le gré de mes envies, je lis, je m'allonge, je vais écrire dans le hamac, je discute avec l'un des fils de José, je vais marcher un peu, je vais me baigner à la rivière. Peu importe. Ce qui compte c'est l'attention plus soutenue que je prête à ce que je ressens en moi, à ce qui m'entoure et à chacune de mes actions. Car oui, malgré la fatigue ressentie, je suis dans un état d'éveil bien plus affiné que d'habitude.

Le flot de pensée ne s'arrête pas pour autant, mais il est peut-etre moins agité, moins turbulent. Il s'alimente des réflexions de la nuit, qui peuvent rejaillir à ma conscience par moments. Un travail d'intégration de ces enseignements se fait, spontanément, sans avoir besoin d'être dirigé et contrôlé par le mental. Je laisse apparaître ce qui a envie de se manifester, naturellement, et puis c'est tout.

 

Dans la journée précédent une séance (les séances sont nocturnes), il est important de respecter un certain temps de jeûn. On me sert un copieux petit déjeuner, et j'ai le droit de boire de l'eau jusqu'à midi, mais après plus rien n'est autorisé. Cela permet une meilleure absorption, plus rapide et plus puissante, de la decoction d'Ayahuasca.

J'entame donc le soir la deuxième cérémonie. Les choses se déroulent globalement selon le même rituel que la veille, avec un long temps de monologue de José sur différentes expériences qu'il a vécu en tant que chaman et de cas de malades qu'il a guéris. C'est une médecine qui peut soigner un certain nombre de maux physiques, de troubles psychologiques ou perturbations énergétiques, par la mise en relation directe avec la dimension spirituelle du monde et de sa nature divine.

On dit ainsi de cette médecine qu'elle est une médecine de l'âme. Elle nous oblige de manière cyclique à aller regarder nos zones d'ombre, ces illusions et ces choses que l'on ne veut pas voir en nous, nos souffrances enfouies et nos émotions non digérées, afin de nous permettre de les éliminer par le biais le plus souvent de vomissements, sinon de déjections (nasales, urine, feces) qui ont une fonction purgatoire et salvatrice. Oh oui ! Ca n'a rien de réjouissant de prime abord ! Mais c'est un mal pour un bien, un nettoyage en profondeur pour accéder à l'essence même, lumineuse et divine du monde.

Tout ceci obéit à une sorte de cycle récurrent que José rythme par ses chants. Je suis bien, j'ai de superbes visions, puis progressivement ces visions se dénaturent, prenant la forme de visions plus inquiétantes, accompagnées d'un malaise grandissant et d'une invitation à me relever pour aller évacuer ce mal-être. Exténué et titubant, l'effort est plus que pénible. Et le plus vicieux, c'est que la plante me laisse toujours le choix. « Tu veux ou tu veux pas ? » me demande t elle sournoisement. Il faut alors prendre mon courage à deux mains pour me redresser et faire le travail de nettoyage pour lequel je suis là.

Un autre travail possible est d'essayer de me maintenir dans cet état plénitude, de ne pas me laisser perturber par ces manifestations dissonantes et incommodantes, de constater leur apparition sans leur accorder d'importance particulière, sans réagir, de les considérer comme des manifestations temporaires qui vont s'évanouir d'ici quelques instants. Et ainsi j'arrive parfois à les traverser.

 

Je comprends bien sûr que mes propos peuvent déranger ou faire rire ceux qui ne conçoivent le monde que sous son angle matérialiste, ou qui ont en horreur la notion de Dieu et les religions. Mais ce dont nous parlons ici, ce n'est pas d'institutions religieuses et de ce qu'elles ont fait dans l'histoire, mais de la question d'une dimension spirituelle au delà de la matière, où se pose la question de ce qu'est la conscience et de sa source.

Les matérialistes estiment qu'elle est une émanation de la matière, une production du cerveau et d'un ensemble de processus biochimiques complexes se jouant au niveau des neurones, apparue « par hasard » dans le lent processus de développement de la vie sur Terre. Tandis que les post-matérialistes, à l'instar d'ailleurs de toutes les spiritualités, estiment que la matière n'est qu'une émanation d'une Conscience Universelle originelle, que l'on peut nommer Dieu ou le grand Tout ou peu importe la désignation. Notre conscience individuelle serait alors une manifestation ponctuelle et temporaire de cette Conscience Universelle, telle la goutte d'eau qui ne se distingue de l'océan que parce qu'elle est en suspension dans l'air ; mais quand elle retombe elle redevient l'océan.

 

Alors il ne s'agit pas seulement d'y croire ou de le comprendre théoriquement ; il faut la vivre, la percevoir, l'expérimenter d'une manière ou d'une autre pour être convaincu de cette autre dimension qui dépasse le cadre de la matière. Et c'est bien cela que je vais commencer à expérimenter durant ce deuxième soir.

Mes visions ne sont plus des tableaux ou des spectacles de formes et de lumières, mais une sorte d'espace multidimensionnel dans lequel la gravité et le temps n'ont désormais plus lieu d'être. D'observateur extérieur de cet espace, je deviens cet espace. Il n'y a plus de distinction entre moi et ce qui m'entoure, je suis partie intégrante de ce qui m'entoure, laissant s'évaporer mon enveloppe corporelle. Comme si, de spectateur dans une salle de cinéma, je passais dans le film, devenant élément à part entière du film. Ce qu'on appelle la dissolution de l'ego dans le grand Tout ? Cela ne dure pas longtemps, mais je le vis vraiment. 

De là, il n'y a plus rien à faire. On est. Un point c'est Tout.

 

NB : je suis reculé dans l'Amazonie où il n'y a pas d'electricité et où je ne capte absolument pas. Je profite d'une journée de repos aujord'hui pour revenir à la ville, charger ces publications et vous les partager. Je ne devrais pas être accessible avant le week end prochain. 

lecture 223 readings
thumb 1 comment
2
reactions

Comment (1)

avatar

Stéphane Hoegel 1 year ago

Ce que tu dis au sujet de la matière et de la conscience me fait penser au dilemme : de la poule ou de l’œuf, qui fut là en premier ?

Personnellement je me considère comme quelqu'un de plutôt rationnel, et par nature j'ai plutôt tendance à me tourner vers la matière, et par extension vers la science.

Et c'est là que comme toujours, les paradoxes ressurgissent : quand on étudie la matière et qu'on tente de comprendre de quoi elle est faite, qu'on se penche donc sur les "briques de l'existence" en descendant dans le toujours plus petit, puis dans l'infiniment petit, on finit par ne plus savoir faire la différence entre ce qui relève de la particule et ce qui relève de l'onde...

... et de l'onde à la pensée il n'y a pas un grand pas à franchir. Et qui dit pensée, dit conscience. Conscience que d'aucuns, comme tu le soulignais, considèrent qu'elle est une émanation de la matière qui se serait organisée de manière à la rendre possible.

La boucle est bouclée. Mais où démarre-t-elle ?

Are you enjoying reading on Panodyssey?
Support their independent writers!

Prolong your journey in this universe Travel
Jour 9
Jour 9

Les racines c’est pour les plantes. Les hommes ont des pieds : Voyagez !

Franck Labat
1 min

donate You can support your favorite writers

promo

Download the Panodyssey mobile app