Chapitre 4 - Le premier défi
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Chapitre 4 - Le premier défi
J’enfilai une veste et nous sortîmes de ses appartements. Elle me prit par la taille et déploya ses ailes. Nous nous envolâmes vers… Eh bien, je ne savais pas trop. Je n’avais même pas pensé à lui demander. En tout cas, on traversera le monde. Au-dessous de nous se trouvaient des montagnes, qui paraissaient toutes plus minuscules les unes que les autres. Puis, deux minutes plus tard, c’était le Sahara qui s’offrait à mes yeux. Enfin, une étendue de sable en tout cas. Ensuite, j’eus droit au bleu de l’océan qui dura très longtemps. On finit par se poser dans ce qui semblait être une forêt. Mais j’avais rarement vu une cascade dans une forêt. D’ordinaire, c’est plus… comment dirais-je… végétal ? Or là, c’était tout l’opposé. Évidemment, on retrouvait des arbres, et tout ce qui marque une forêt mais celle-ci avait ce petit truc en plus qui attirait mon regard. D’ailleurs, ils devraient inventer la photographie par les yeux, ça me faciliterait grandement la vie. Plus besoin de transporter un matériel qui pèse une tonne. En tout cas, ce paysage était tout aussi idyllique que les précédents. Une cascade se déversait dans un lac d’un bleu saphir, qui paraissait si pur que je m’approchais, comme happé par cette étrange eau.
— Hep ! Que fais-tu ? demanda l’archange en me retenant par le bras.
— Je vais me baigner.
— Tu ne penses quand même pas qu’on est là pour des vacances, rigola-t-elle.
— Pourquoi pas, ça m’a l’air d’être un endroit parfait pour ça.
— En effet, c’est un endroit parfait mais pas pour ce que tu penses.
— Alors qu’elle est l’épreuve parce que j’ai l’eau qui m’attire, c’est infernal à supporter.
— Tu viens de l’énoncer, cher ami.
— Comment ça ?
— Ton épreuve est de tout simplement résister à l’envie de te baigner.
— Non sérieusement ?
— Affirmatif ! Maintenant, prend place sur ce rocher et voyons combien de temps tu arrives à tenir.
— À mon avis, ça ne va pas durer très longtemps.
Première fois de ma vie que je me trompais. J’étais bien plus coriace que ce que je pensais. Finalement, seules les deux premières heures étaient horribles. Mon corps avait sans cesse des spasmes. Il me propulsait en avant. Résister à cette puissance intérieure était très difficile. Mais une fois passé cette torture, la force se calma. J’avais l’impression d’avoir grandi et mûri en peu de temps. Ou alors, c’était lié à tout ce que j’avais vécu dans ma vie. Avoir envie de quelque chose mais ne pas pouvoir l’atteindre, c’est de l’ordre du commun chez nous autres mortels. Je ne saurais trop dire.
De temps en temps, je jetais un œil sur ma droite pour voir comment réagissait Azrael face à mes prouesses. Mais elle n’esquissait guère d’émotions, comme si elle était inerte. C’est au bout de quatre heures qu’elle commença la suite du test.
— Bravo, tu as tenu la phase 1 du test.
— La phase un ?
— Oui, il y en a d’autres. Sinon c’est trop facile. Mais je dois dire que tu te débrouilles bien, pas trop de mouvements, pas de mots, pas de prières. Très peu arrivent à les tenir les quatre heures.
— Je sais, je suis trop fort ! dis-je en bombant le torse, fier.
— Ne t’emballe pas, cher ami. Tu n’as pas encore vu la phase 2.
Je commençais à me dire que ça allait être simple quand je la vis enlever sa tenue. Elle sauta rapidement et avec grâce dans l’eau. Je ne la revis plus pendant une minute et je me demandais quoi faire. Puis, elle sortit sa petite tête souriante, hors de l’eau.
— Comme tu l’as surement pensé, c’est moi qui ai créé cet endroit…
— Ah non, ça ne m’est pas venu à l’esprit… Je pensais que ça s’était fait naturellement.
— Oh, tu exagères ! Ça se voit que c’est mon œuvre non ?
— Eh bien je ne m’attendais pas à ce que l’archange de la mort ait de tels talents.
— Et tu t’attendais à quoi comme talent ?
— Tout ce qui est possible dans le contexte de la mort. Je ne pensais pas que la vie serait dans ton rayon.
— Tu marques un point. Bon ! Ce n’est pas tout ça mais il faut que je t’explique la deuxième phase. Comme tu le sais désormais, je suis à l’origine de tout ceci et je l’utilise pour mes épreuves. Ce qui fait que lorsque je suis en contact avec cette eau que tu vois, j’amplifie ses pouvoirs. Tu as dû le ressentir pendant la minute où je n’étais plus dans ton champ de vision. Ton but reste le même. Tu ne dois en aucun cas rentrer dans l’eau. Est-ce clair ?
— Oui chef !
— Bien, maintenant, je vais patauger.
Ainsi, la deuxième phase commença péniblement pour moi. Je ne saurais expliquer pourquoi mais une voix me chuchotait une citation qui tournait en boucle : « fais ce que tu dois, advienne que pourra ». Cependant, les conséquences pourraient s’avérer terribles pour moi. Je ne savais toujours pas ce qu’il adviendrait de moi si je ne réussissais pas les tests. Est-ce que j’irais au purgatoire ? Que se passera-t-il si Azrael cesse de croire en mes capacités ? Il faut absolument que je lui montre que je suis fort. Pourtant, mes membres commençaient à bouger. Pour la première fois depuis des heures, je me levai. Je voulais crier à mon corps de résister mais je ne pouvais pas, comme si j’étais aphone.
L’ange de la mort, qui m’avait vu me lever, s’arrêta de nager et me fixa de ses yeux glacials. J’étais à présent à quelques centimètres de l’eau. J’entamais mon premier pas, sans vraiment le vouloir, quand je sentis tout mon corps tomber en arrière. J’entendis qu’Azrael criait après quelqu’un.
— Non, non, non et non ! Mero ! À chaque fois, tu me fais ce coup-là !
— Mais maitresse, c’est plus fort que moi…
— Je ne veux pas savoir ! Tu ruines tous mes tests, j’en ai plus que marre.
— Ce pauvre humain résistait de tout son être, je ne pouvais pas le laisser perdre.
Je me relevai péniblement et à bout de force. À côté d’Azrael se tenait une petite boule de poil recroquevillée sur elle-même tellement l’ange criait. Mero avait de toutes petites cornes posées sur une tête d’ours. Son corps, composé en majeur parti de peau d’ours, avait des nageoires en guise de pattes arrière. J’étais tellement absorbé par l’animal que je ne constatai pas qu’Azrael s’approchait de moi le regard sévère.
— Et toi, tu ne pouvais pas résister à son souffle ?
— Bah, j’étais un peu surpris.
— Et alors, maintenant le test est foiré. Bien les gars !
En furie, elle disparut à travers les arbres. Mero s’approcha de moi, doucement, et me regarda de ses yeux vert émeraude.
— Je suis désolé, j’aurais peut-être dû m’abstenir. Mais, à chaque fois que je vous vois résister de tout votre être, ça me déchire le cœur.
— Ne sois pas désolé, je ne t’en veux pas. Tu as fait ce qui te semblait juste.
— C’est vrai mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille.
— Je ne la connais pas beaucoup mais je ne pense pas qu’elle t’en veuille vraiment.
— Pourquoi tu penses ça ?
— Parce que si elle était réellement en colère, vu les pouvoirs qu’elle a, ça ferait belle lurette que l’on ne verrait plus la lumière du jour.
— Très avisé comme garçon. Je t’aime bien. Peut-être que tu arriveras à la faire changer…
— Moi ? Arriver à faire changer un archange… Je ne suis pas faiseur de miracles.
— Probablement, mais tu as une âme très forte. Et ça, elle le sait. Tout le monde croit qu’elle se trompe de personne lorsqu’elle rentre au paradis avec le mauvais humain mais c’est faux. Elle savait que tu étais spécial.
— Ah bon ? Intéressant. Je vais garder ça dans un coin de ma tête. Merci beaucoup Mero. Moi aussi je t’apprécie.
— Si ça ne te dérange, je vais me cacher avant que la furie ne revienne. Mais j’ai le sentiment que l’on va très vite se revoir.
— Alors à très vite, mon ami.
Il me fit un signe de sa patte et s’engouffra dans l’eau, m’éclaboussant au passage.