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Épisode 60 : Lien sacré

Épisode 60 : Lien sacré

Published Dec 31, 2025 Updated Dec 31, 2025 Tale
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Épisode 60 : Lien sacré

Un baiser doux et léger à la naissance de la joue ramène Mélusine à la conscience du réel - assez pour se rendre compte que son corps n'est pas encore complètement liquéfié, mais qu'il est complètement courbé sur le côté, que son visage est enterré dans le vêtement de Siegfried et qu'elle a les larmes aux yeux... mais ni de douleur, ni de tristesse. Combien de temps son assassinat a-t-il duré, une minute, une seconde, une heure ? Siegfried n'a pas son pareil pour lui faire perdre la notion du temps.

Il la redresse lentement, doucement. Elle s'aperçoit qu'elle s'est accrochée à lui pour ne pas s'effondrer sur le sol, elle n'est même pas sûre que ses jambes portent encore son corps traversé d'ondes. Elle est encore en train de chercher son souffle en même temps que son équilibre. Y a-t-il encore d'autres choses dont elle a perdu conscience mais dont elle aurait dû s'apercevoir ?... Oh et puis après tout, peu importe. On s'occupera des affaires du monde bien assez tôt. Maintenant, ce n'est pas le moment.

Elle n'a pas encore relevé la tête. C'est Siegfried qui le fait, en lui prenant le visage dans les mains. Son assise est en appui sur le bord de la table - la même sur laquelle on posait ses repas quand il était malade... - et c'est sans doute ce qui lui donne sa relative stabilité. Son regard est plus calme, mais la flamme de l'envie y brûle toujours. Elle est fascinée par le mouvement de sa pomme d'Adam.

Puis leurs fronts se touchent et pendant quelques instants, ils ferment les yeux. Parce qu'entre eux, ce n'est pas seulement une histoire de désir. Quelques instants, ou peut-être plus - après tout, qu'importe. Il n'y a plus d'urgence maintenant. Il y a juste à prendre le temps de goûter des moments ensemble qui leur ont manqué à tous les deux pendant trop longtemps...

Puis Siegfried relève entre ses mains le visage de Mélusine, et en plus de la flamme, il y a dans son regard une demande muette. Comme un défi. Alors Mélusine trouve les attaches des vêtements de Siegfried, les défait à son tour, les fait glisser eux aussi.

Il se lève - et là commence le ballet des rituels d'autrefois. Ceux qui les unissaient loin des regards du monde. Ceux qu'elle avait crus morts, enterrés, oubliés, balayés. Ceux dont elle a cru avoir tout perdu. Rien ne s'oublie donc jamais vraiment ? Tout peut donc se réactiver si vite ? C'est donc si facile de faire remonter à la surface les passions oubliées, noyées au fond de l'océan des émotions ? Combien de temps faut-il pour que l'océan s'évapore ? Combien d'eau et de glace faut-il donc pour éteindre un feu qui couve sous la cendre ? Combien de temps le feu peut-il couver ainsi en paraissant éteint ?... Quand peut-on être vraiment sûr d'être hors de danger ?... Ou bien est-ce vraiment un danger, finalement ?...

Les rituels d'autrefois se réactivent et leur donnent des visions dont ils ne savent même pas si elles existent vraiment. Des visions de failles océaniques incandescentes. Des visions de vagues s'écrasant sur des pics rocheux qui les renvoient s'éparpiller dans tout l'air environnant ("Siegfried !"). Des visions de volcans en éruption crachant le feu, la cendre et la lave jusque dans les océans ("Mélusine !"). Des visions de fétus de paille emportés dans un ouragan. Des sensations de tremblements de terre. Visons et sensations de forces de la nature qui font brûler les vieilles rancunes, les vieilles blessures, les vieilles trahisons, les vieilles hontes et les vœux unilatéraux dans un grand feu de joie où ils se réduisent en cendres.

* * *

- Je te fais chanter, ma sirène.

Siegfried s'est soulevé sur un coude et écarte des mèches de cheveux du visage de Mélusine. Elle sourit.

- Pourquoi dis-tu "ma sirène" ?

- Tu as tout d'une sirène.

- Ah bon ?

Il sourit.

- Mais oui.

- Par exemple ?

- Ta voix. (Ta voix que j'aime tant...) Tes cheveux. Ta forme.

Il se penche un peu au-dessus d'elle et laisse sa main libre lui caresser le côté.

- La couleur de tes yeux. Les couleurs que tu portes. La fraîcheur de tes mains. De tout ton corps d'ailleurs. Tout.

Mélusine tourne légèrement la tête, de façon à pouvoir glisser à Siegfried un regard oblique.

- Qui sait ? Je suis peut-être réellement une sirène ?

Siegfried se met à rire en serrant la cuisse de Mélusine.

- Voyons, ne dis pas de bêtises. Tu as deux jambes, pas une queue de poisson. Et puis, qui dit que les sirènes existent vraiment ?

Si tu savais, Siegfried.

- Tu sais... les sirènes sont parfois fées, aussi...

Siegfried se raidit et devient tout de suite sérieux.

- Ne parle pas de ça. La sorcellerie, c'est mal.

Si tu savais...

- D'accord. Je rigolais juste.

Mélusine caresse la joue de Siegfried. Il se détend, lui sourit. Lui donne un baiser sur le front. Lui caresse les cheveux. Elle sourit.

- Mais dis-moi quand même, juste comme ça... Si j'étais réellement une sirène, une sirène-fée, et si tu l'apprenais... comment réagirais-tu ?

Siegfried se raidit de nouveau, et cette fois-ci, il est près de vraiment se fâcher.

- Arrête de parler de ce genre de sujet, veux-tu ?

Ses yeux prennent l'éclat de la colère, et un frisson lui parcourt l'échine. Mélusine détourne la tête.

- D'accord, ça va, n'en parlons plus. Ce n'étaient que des paroles en l'air de toute façon.

Mais elle aussi a un frisson qui lui parcourt l'échine et une larme traîtresse qui lui jaillit du coin de l'œil sur le lit. Et Siegfried remarque l'un et l'autre. Il la blottit tout contre lui et lui essuie le coin de l'œil.

- Pardon, Mélusine, je ne voulais pas te blesser. Mais...

Sa voix se perd dans un murmure.

- ... je ne supporte pas l'idée de te perdre, c'est tout.

Elle le prend dans ses bras, une main dans le dos et l'autre à l'arrière de la tête. Au moins son frisson à lui n'était-il pas un frisson de dégoût - enfin, croirait-on.

- Pourquoi faut-il que je te fasse si souvent du mal alors que tout ce que je veux, c'est te garder près de moi ?

Et pourtant tu pourrais me perdre, Siegfried. Le danger est réel. Ce n'est même pas ma faute. Si tu avais le courage de voir certaines choses en face, oui, cela pourrait peut-être changer les choses. Mais tu as tous les éléments sous les yeux, et pourtant tu refuses de voir. Il y a des choses que je ne pourrai jamais te dire. Il y a des secrets que nous ne pourrons jamais partager.

* * *

Tu n'es pas ma sirène, tu es ma Si Reine.

- Tu es ma reine, voici ton trône.

Alors elle l'aime, reine et souveraine.

* * *

- Et maintenant ma reine, voici ton roi.

Et il règne sur elle.

* * *

Le ciel pâlit et ils sont épuisés.

Siegfried ne se rappelle pas être jamais allé à ce point jusqu'au bout de lui-même. Épuisé, certes, mais heureux. Pour combien de temps ? Il préfère ne pas y penser. Juste profiter du moment présent, à l'abri dans le cocon de cette chambre. Mélusine n'est guère plus vaillante. Elle non plus n'en a jamais autant subi, autant fait, autant reçu, autant donné. Et leurs corps sont... pêle-mêle. Comme ils se sont retrouvés il y a... combien de temps déjà. Comme ils sont tombés, comme ils sont restés. Il cherche sa main, la trouve, la serre. La porte à son cœur. Puis à ses lèvres. Puis de nouveau à son cœur. Elle sourit. Ils se regardent. Il la serre de son autre bras.

Il devient grave. Il a encore à peine la force de parler, elle a encore à peine la force d'écouter, mais il lui reste quelque chose d'important à dire. Quelque chose qu'il veut absolument dire avant de sombrer dans le sommeil. Quelque chose qu'il n'a plus la force de dire que dans un murmure.

- Ce qu'il y a entre nous, Mélusine, c'est sacré. Est-ce que tu le sais ?

- Oui, Siegfried, je le sais.

- Un lien sacré, c'est indestructible. C'est éternel. Personne ne peut le défaire. Sauf Dieu - s'il en a envie. Et...

Il se donne une minute pour reprendre son souffle.

- ... Dieu n'a jamais eu envie de défaire un lien sacré. Est-ce que tu comprends ?

La voix de Mélusine, elle aussi, n'est plus qu'un souffle.

- Oui Siegfried, je comprends.

Il lui serre la main dans la sienne, elle lui rend sa pression, il la serre de son autre bras, elle lui dépose un baiser sur l'espace de peau qui est à sa portée. Puis tous deux se laissent sombrer, et peu leur importe qu'il fasse jour. Ils n'ont aucune affaire urgente ce jour-là. La nourrice surveille les enfants, les aînés sont de toute façon capables de se débrouiller seuls, et tous les domestiques de la Petite Forteresse savent ce qu'ils ont à faire. Quelques heures de plus ou de moins n'y changeront pas grand-chose. Le jour qui vient est un autre jour.


Musique : Kelela - Far Away


Tome 2 Épisode 1


Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos

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