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Chapitre 5

Chapitre 5

Published Feb 1, 2025 Updated Feb 1, 2025 Tale
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Chapitre 5

La Traversée.

Jour 1

Ils disent qu'il faut savoir couper le cordon. Mais ils oublient de préciser qu'il y a une différence entre couper et s'arracher. Une semaine après avoir réservé les billets pour la traversée transatlantique, je me tenais sur le pont d'un paquebot, les cheveux fouettés par un vent glacial et salé. Derrière moi, les lumières de New York s'effaçaient à l'horizon comme les derniers mots d'un chapitre. Devant, l'Atlantique s'étalait, noir et insondable, comme une page blanche.

La veille de mon départ, ma mère, fidèle à elle-même, m'avait lancé cette question typique de parent inquiet :

— Mais qu'est-ce que tu vas y faire ?

— Écouter le vent, - avais-je répondu, convaincue d'être à la fois sage et mystérieuse.

Ce que je n'avais pas prévu, c'était l'ouragan Kelly, ma meilleure amie. Informée de mon escapade par ma mère avant que je n'aie eu le temps de décrocher mon téléphone, elle m'avait accueillie avec une tempête digne des Açores :

— Tu plaisantes, Abby ? Tu sais combien de temps j'ai passé à organiser ta fête surprise ? Et toi, tu pars… quoi, en pèlerinage celtique ?

— Je suis désolée, Kelly, murmurai-je en m'excusant pour la centième fois cette semaine. Mais je devais le faire.

Un soupir exaspéré traversa la ligne.

— J'espère que ce voyage t’apportera ce que tu cherches. Je t’aime, tu sais, dit-elle sur un ton nettement plus doux.

Je raccrochai, le cœur serré, et passai mon téléphone en mode avion. Coupée du monde, je laissai mon regard se perdre dans l'immensité de l'océan, et, comme un écho venu du passé, l'histoire de mes aïeux me revint en mémoire. Eux aussi avaient traversé l'Atlantique, mais dans l'autre sens. Sauf que, contrairement à moi, ils n'avaient ni buffet à volonté, ni cabine avec vue, ni la possibilité d'envoyer un dernier emoji angoissé avant de couper toute connexion. Juste un rêve, un sac en toile et une foi inébranlable en des jours meilleurs.

Tout d'un coup, j'ai pris la mesure de leur courage. Ils avaient tout quitté, sans garantie de succès, avec l'unique espoir d'offrir une meilleure vie à leur descendance. Spoiler alerte : c'est moi, la descendance. Moi, qui hésitais à tout recommencer alors que j'avais une carte bleue, un billet de retour et zéro menace de famine. Mon cœur a débordé d'émotion, et mes yeux se sont transformés en Niagara Falls.

— Il serait dommage d'attraper des engelures sur un si joli visage dès le premier jour.

Je sursautai. Une vieille dame était assise sur un banc à quelques mètres. Elle avait ce petit air énigmatique qu'ont les vieilles âmes sages... ou les espionnes russes, selon le contexte. Elle m'adressa un sourire bienveillant et me tendit un mouchoir en tissu.

Je l'ai attrapé en hochant la tête, mi-reconnaissante, mi-honteuse.

— Berci, ai-je bafouillé avec une voix à peine audible.

J'essuyai mes larmes et m'apprêtai à moucher mon nez dégoulinant quand je remarquai un détail : aux quatre coins du tissu, une broderie délicate formait une croix de Brigid.

— Oh, je connais ce motif, c'est la croix…

Je relevai la tête, la dame avait disparu.

Je me suis retournée, scannant le pont du regard. Rien. Pas une trace de sa silhouette fluette. Sérieusement ? Une mamie capable de disparaître plus vite qu'un courant d'air dans une vieille maison. Impressionnant. Et un peu flippant, quand même.

Je ne sais pas si c'étaient ses paroles, mes larmes, ou l'étrange pouvoir des mouchoirs brodés, mais soudain, je me suis sentie… légère. Comme si quelque chose en moi s'était fissuré, laissant entrer un peu d'air frais après un hiver intérieur trop long.

Je me suis assise sur le banc qu'elle venait de quitter, tenant encore son mouchoir entre mes doigts. Ça paraissait absurde. Une seconde plus tôt, j'avais le cœur en vrac, noyée sous le poids du passé, et là, je respirais mieux.

Serait-ce ça, l'effet d'un élixir ancestral sur les pièces ouvertes ? Un mouchoir, quelques mots bien placés, et hop, l'âme remise à neuf ?

Ou peut-être était-ce simplement le fait qu'après des mois de stagnation, j'étais enfin en mouvement. Direction l'inconnu.

L'Atlantique s'étendait devant moi, vaste et indifférent. Mais pour la première fois depuis longtemps, je n'avais plus peur de la traversée.

Jours 2 et 3

Ma cabine est rapidement devenue mon sanctuaire. L'hiver, ce compagnon austère, avait vidé les ponts et les salons communs. Il faisait trop froid pour rester dehors, sauf si l'on voulait tester ses limites face à l'hypothermie. Et ce silence me convenait parfaitement. Je n'étais pas venue pour me mêler à quelques âmes rares qui partageaient ce périple. Non, j'étais là pour préparer mon voyage “initiatique” sur la terre de mes aïeux.

Chaque page tournée dans ma cabine était une invitation à comprendre mes racines, à me plonger dans les mystères d'Imbolc, ces puits sacrés encerclés sur la carte. Dans ses notes laissées sur ce sabbat, ma grand-mère écrivait :


Pour ceux qui souhaitent travailler avec la magie d'Imbolc et le cycle qu'il ouvre, essayez de commencer un ascèse informationnelle en éliminant le superflu. Limitez vos échanges là où l 'information est déformée ou ne résonne pas avec vous, même si cela concerne des proches. Vous serez surpris de la pureté du signal qui émerge dans l'espace libéré. Et la clarté que vous gagnerez sur votre propre vie sera une récompense précieuse.

Un téléphone en mode avion ? Done. Une mer infinie qui me coupait de tout ? Done. Plus d'Instagram, plus de WhatsApp, plus de news anxiogènes. Juste moi, mon carnet de notes, et une pile de livres sur les traditions celtiques que mamie avait laissées dans son fameux carton.

J'avais une semaine. Sept petits jours pour absorber plus d'informations qu'un étudiant la veille des examens. Mon plan ? Une info, une action. Méthodique. Efficacité. En théorie.


Jour 4

Ce soir-là, je lisais un passage sur Imbolc :

Sur le plan spirituel, Imbolc est une période de purification, de renouveau et de définition des intentions. Il s'agit de se débarrasser de ce qui ne nous sert plus et de se concentrer sur ce que nous souhaitons nourrir dans les mois à venir.

" 'ai à peine eu le temps de me dire que ça sonnait comme un programme de développement personnel vendu à 200$ la masterclass que mes paupières se sont fermées toutes seules.

Et c'est là que ça a dérapé.

Dans mon rêve – ou devrais-je dire mon cauchemar – je me noyais dans la mer déchaînée mais ses raz-de-marée n’étaient d’autres que des dossiers de boulot, des factures, des papiers de doctorat que je n'avais même pas entamés. J’étais effrayée. C’est là que j’ai vu deux silhouettes me tendant la main : mon ex, Adam, et Henry, le libraire. Lequel des deux j'allais laisser me sauver ?

Je me suis réveillée en sursaut, le cœur battant, une révélation en plein visage. Je devais laisser couler tout ce qui n'était plus moi. C’est-à-dire mes illusions. Celles qui me faisaient croire que mon ex finirait par revenir, que mon avenir tiendrait miraculeusement dans un diplôme plus prestigieux, ou qu'une promotion que je ne voulais pas me rendrait heureuse.

Je n'avais pas besoin qu’on me sauve. J'étais tout à fait capable de le faire toute seule. En passant par cette purification et en abandonnant tout ce qui ne me servait plus.

Après avoir noté tout cela dans mon journal, j’ai de nouveau senti cette légèreté comme l'autre soir sur le pont lors de la rencontre avec la vieille dame mystérieuse. Et ça, ça méritait une célébration.

Direction le salon de thé du paquebot. Un Earl Grey bien chaud, un fauteuil moelleux, et l'impression grisante d'avoir pris une vraie décision d'adulte. Mais alors que je savourais ma gorgée, quelque chose attira mon regard à travers la baie vitrée.

Deux silhouettes féminines avançaient lentement sur le pont, enveloppées dans le brouillard. L'une d'elles, grande, élancée, avait une chevelure couleur feu si vive qu'elle semblait briller même dans cette brume laiteuse. À son bras, une dame plus âgée, plus frêle… et terriblement familière.

J'ai plissé les yeux. Était-ce… la femme du mouchoir ?

Une vague intuition me disait que oui.

Elles ont bifurqué à l'angle du pont et ont disparu. J'ai hésité à leur courir après, à rendre ce fichu mouchoir brodé, à poser mille questions sur cette croix de Brigid qui me semblait suivre partout depuis mon départ. Mais soyons honnêtes : débarquer en pleine nuit, haletante et surexcitée, pour tendre un mouchoir à une inconnue et l'assaillir de questions sur la symbolique celte… Même moi, j'avais mes limites.

Je me suis donc contentée de les regarder disparaître et de me convaincre que ce n'était qu'un hasard. Après tout, des vieilles dames, il devait bien y en avoir d'autres à bord, non ?

J'ai repris une gorgée de mon thé, essayant de retrouver le fil de mes pensées. Mais avant que je ne puisse replonger dans mes réflexions existentielles, la porte du salon s'ouvrit et un vent froid s'engouffra dans la pièce, accompagné d'un éclat de couleur.

La femme à la chevelure de feu venait d'entrer.

Elle balaya la salle du regard, puis s'installa à quelques tables de moi avec un livre. Naturelle, comme si elle était née pour siroter du thé en pleine mer et réchauffer les endroits grisâtres par sa simple présence.

Je lui ai jeté un coup d'oeil en coin. Était-elle liée à la vieille dame ? Ou mon esprit, encore embué de rêves et de mythes celtiques, me jouait-il des tours ?

Comme si elle avait entendu mes pensées, elle souleva la tête et m'adressa un sourire.

— Vous avez l'air intriguée, dit-elle doucement.

J'ai hésité une seconde, puis me suis lancé :

— J'ai vu que vous accompagniez une dame un peu plus tôt. Elle m'a tendu un mouchoir il y a quelques jours, et j'aurais voulu le lui rendre…

Son sourire s'agrandit, un peu trop amusé à mon goût.

— Oh, elle m'a simplement demandé de la raccompagner à sa cabine. Elle avait peur de se perdre dans le brouillard.

J'ai hoché la tête, légèrement déçue.

— Mais si ce mouchoir vous est parvenu, alors il est à vous, ajouta-t-elle.

Une réponse aussi mystérieuse que son sourire.

Avant que je ne puisse insister, elle changea de sujet d'un ton léger :

— Et qu'est-ce qui vous a poussé à traverser l'Atlantique en plein hiver ?

Sans trop savoir pourquoi, peut-être à cause du charme hypnotisant de sa voix, ou de la façon dont elle me regardait, comme si elle savait déjà ce que j'allais dire, j'ai raconté mon histoire. Tout. La librairie, la promotion non désirée, l'appel du passé, et cette prise de conscience soudaine qui m'avait conduite ici, à savourer un thé en pleine mer.

Lorsqu'elle hocha la tête d'un air approbateur, j'ai senti une bouffée de fierté. Comme si, pour la première fois, quelqu'un comprenait réellement ce que je vivais.

— Une telle décision mérite mieux que du thé, déclara-t-elle en haussant un sourcil. Un verre de vin, ça vous dit ?

J'ai ri, soulagée par la légèreté de sa proposition. Mon ascèse informationnelle commençait à me peser, et une conversation avec une interlocutrice aussi captivante était exactement ce qu'il me fallait.

— Avec plaisir.

Le vin a coulé, les mots aussi. J'ai adoré son humour, son intelligence piquante, sa façon de parler de la vie comme si elle en connaissait tous les secrets mais n'était pas pressée de les dévoiler.

— Et vous, qu'est-ce qui vous amène sur ce bateau ? ai-je fini par demander.

Elle haussa légèrement les épaules.

— Oh, rien d'intéressant. Des affaires familiales. Et le voyage en mer me permet de me préparer mentalement à ces formidables vacances en famille, ajouta-t-elle avec une ironie si mordante que j'ai éclaté de rire.

Était-ce le vin ? L'air marin ? Ou simplement cette atmosphère étrange, flottante, qui enveloppait chaque seconde depuis mon départ ? Toujours est-il qu'au bout d'un seul verre, ma tête s'est mise à tourner doucement, et une fatigue soudaine s'est abattue sur moi.

— Je crois que je vais aller me coucher, ai-je murmuré en me levant maladroitement.

Elle s'est levée aussi.

— Je vais vous accompagner.

Alors que nous marchions dans les couloirs du paquebot, bercées par le roulis des vagues, je me suis sentie enveloppée d'une chaleur étrange, à mi-chemin entre l'apaisement et la certitude que cette rencontre n'était pas due au hasard.

Devant ma cabine, elle s'arrêta et me gratifia d'un dernier sourire.

— Bonne nuit, Abby. Ce fut un plaisir de discuter avec toi.

Je me figeai, la clé à moitié enfoncée dans la serrure.

— Attendez… Comment vous connaissez mon nom ? Je ne vous l'ai jamais…

Mais elle n'était plus là.

J'ai balayé le couloir du regard. Personne.

Un frisson a couru le long de ma colonne vertébrale. Encore une qui disparaît sous mon nez.

Cette nuit-là, mon inconscient s'était mis en mode cinéma d'auteur, avec une esthétique brumeuse digne d'un vieux film en noir et blanc. J'errais entre les volutes de brouillard, une tasse de thé à la main, tandis que des éclats de lumière dansaient autour de moi. La femme aux cheveux de braise était là, assise en face de moi, un sourire indéchiffrable aux lèvres.

J'allais lui poser la question – qui était-elle, comment connaissait-elle mon nom, et accessoirement, était-elle une hallucination due à mon ratio vin-légendes celtiques un peu trop élevé – mais mon regard fut attiré ailleurs.

Ses oreilles.

Deux petites croix de Brigid y pendaient, scintillantes faiblement dans la pénombre.

Je plissai les yeux. Est-ce que je les avais déjà vues auparavant ? En portrait-elle vraiment ? Ou mon cerveau, saturé d'images mystiques et de folklore irlandais, s'était-il décidé à me jouer un énième tour ?

Honnêtement, après tout ce que j'avais avalé – en termes de mythes comme de Merlot – plus rien ne m'étonnait.

Jour 5

Chose étrange, mais totalement dans l'air du temps (ou du moins, dans celui du brouillard irlandais) : le lendemain, une envie irrépressible de poèmes s'est emparée de moi. Poèmes ! Oui, je sais, ça sonne comme une scène tirée d'un film des années 90 où la protagoniste en crise retrouve son âme d'artiste, mais c'est pourtant ce qui s'est passé. Ce genre de chose ne m'était plus arrivée depuis mes années de fac – ces moments où l'on trouve de la poésie dans tout, même dans un ticket de métro.

Tout se mélangeait dans ma tête : les légendes, les histoires de famille, mes propres questionnements existentiels sur la vie et l'univers. Il fallait absolument que tout ça sorte, sous forme de poèmes. Parce qu'après tout, pourquoi pas ? Qui suis-je pour refuser l'appel de la muse poétique, surtout en pleine crise existentielle à bord d'un bateau en plein hiver ?

J'ai donc passé toute la journée dans ma cabine, un peu comme une version torturée d'un écrivain en herbe. Tête dans les livres, dans mon journal, et dans une poésie qui m'avait rattrapée sans crier gare, me voilà devenue la Dylan Thomas de l'Atlantique.

Le passage sur lequel j'ai travaillé ce jour-là ? Celui sur Brigid, évidemment. La déesse irlandaise qui n'a de cesse de me hanter. Fille du grand dieu des druides, Dagda, et en même temps mère de tous les dieux. Si ce n'est pas un CV impressionnant, je ne sais pas ce que c'est.

Brigid incarne la vitalité, la force créatrice, le potentiel qui appelle l'être humain à collaborer avec la nature et les dieux, à assumer ses responsabilités et à purifier ses pensées pour créer une intention dans un nouveau cycle.

Selon la légende, ses cheveux étaient des langues de flammes, la liant à tout l'Univers.

Et puis, la triple nature de Brigid, selon les sources : l'incarnation de la vieille dame, de la femme, de la fille. Mais aussi la protectrice des poètes, des agriculteurs et la grande guérisseuse. Je n'avais pas réalisé à quel point la poésie et la guérison pouvaient aller de paire.

"La vieille dame au mouchoir qui m'a apporté un soulagement qui a guéri mon âme. La femme aux cheveux de flammes qui a ouvert le flow de poésie en moi…"

Ces pensées m'ont traversée comme une éclaircie dans le brouillard. Puis, la dernière pensée est apparue : "Il reste une enfant et le domaine agricole." J'ai rigolé, un peu perplexe. Quel rapport avec moi, une citadine de souche qui ne connaît rien à l'agriculture à part l'achat de légumes bio au marché ? Je me suis demandé comment ce domaine allait se manifester. Est-ce que j'allais me retrouver à planter des tomates dans ma cabine ?

Jour 6

J’ai eu ma réponse dès le lendemain. Ce genre de certitude qui frappe en pleine face, comme un coup de vent un matin d'hiver. Le dernier jour de la traversée. Le matin suivant le paquebot allait jeter l'ancre au port irlandais. Le brouillard a enfin décidé de céder la place au soleil - un soleil timide, modestement hivernal – à peine capable de réchauffer les corps, mais offrant au moins un peu de réconfort aux cœurs et aux esprits. Tout le monde s'est précipité sur le pont, se battant pour un peu de lumière. Moi, j'ai exposé mon visage à ce soleil frileux et j'ai réfléchi.

Maintenant que je savais ce que je ne voulais pas dans ma vie, il fallait réfléchir à ce qui pouvait faire vibrer mon être tout entier. Ce genre de projet qui ne dépend pas du nombre de diplômes ou de promotions, mais de cette sensation, ce frisson profond que tu ressens quand tu sais que tu suis ta voie.

Mes pensées ont été interrompues par un cri. Une voix enfantine, toute joyeuse et innocente : "Maman, papa !" Une petite fille, probablement six ou sept ans, courrait vers un groupe d'adultes installé sur un banc. Je n'ai pas pu m'empêcher de regarder. Et là, au milieu de la scène, je l'ai vue. La femme aux cheveux roux du salon de thé. Elle observait la gamine, un sourire aux lèvres et un clin d'œil complice. La petite, avec toute la simplicité et l'énergie pure d'un enfant, lui a répondu en envoyant un grand "coucou". Une scène si innocente et pleine de vie que j'ai presque oublié de respirer. J'ai détourné le regard pour reporter mon attention sur la femme, mais… elle avait disparu. Cela ne m’a pas étonné. J’ai commencé à m’habituer à ce phénomène et ai arrêté de me poser des questions. Certains mystères sont voués à rester non résolus, non?

Puis, la croix de Brigid a de nouveau croisé mon chemin. Cette fois-ci elle s’est nichée sur les barettes des cheveux de cette fillette qui a rompu le cours de mes pensées. “Attentive à ce qui me parvient” comme le préconisait le journal de mamie, j’ai compris qu’il valait mieux écouter ce que cet enfant avait à me dire (même si elle ne s’adressait pas à moi j'avais un sentiment qu’elle allait m’apporter un message).

Au milieu de la foule, la fillette racontait d’une voix sonore ces “projets” dès qu’elle aurait mis les pieds sur terre suscitant l'attention et la curiosité de tous ceux qui se trouvaient autour. Elle disait qu’elle allait faire un bisous à chaque brebis de l’étable de ses grands-parents. “En plus, disait-elle émue et excitée, il y aura des agneaux car c’est la période! Oh j’ai tellement hâte!”. “Mon deuxième projet, ce sera de construire un château fort en neige pour pouvoir faire les batailles de boules de neige avec mes copains des environs!” Et pour finir, elle a déclaré qu’elle aimerait, non, qu’elle rêverait visiter les studios Warner Bros du film Harry Potter et qu’elle comptait sur la compréhension de ses parents et espérait qu’ils offriraient le rêve de sa vie à leur "unique fille chérie". La dernière phrase a provoqué une explosion de rire de tous ceux qui se tenait à portée de sa voix. Moi aussi, je riais. Quelle fillette touchante et pleine de vie! Elle venait de me donner une leçon : il est primordial de faire des projets qui nous tiennent à cœur même s’ils nous paraissent irréalisables et surtout en parler haut et fort! Les réponses et les occasions viendront si elles “savent” qu’on les attend.

Et là, dans ce moment de clarté, j'ai su ce que j'allais faire dès que mes pieds touchaient le sol irlandais : dire à Henry que j'acceptais sa proposition pour la librairie, informateur Barnes & Noble que je déclinais la leur , et surtout expliquer à ma mère que non, je ne voulais pas de doctorat, en tout cas pas maintenant. Parce que, tout comme cette petite fille, je savais ce que je voulais, et je n'allais pas attendre que quelqu'un me donne la permission de le vivre.


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