Chapitre 2
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Chapitre 2
Héritage inestimable
Je me suis toujours demandée ce que l’on fait avec le passé. Est-ce qu’on le laisse derrière soi, comme une vieille paire de chaussures usées qu’on n’a plus le courage de porter ? Ou est-ce qu’on l’emporte partout avec nous, une sorte de bagage émotionnel qui finit par nous alourdir ?
Pour moi, le passé était un carton. Littéralement. Un carton poussiéreux rangé dans un coin de mon placard, avec une étiquette décolorée sur laquelle était griffonné un mot : Mamie.
Cela faisait trois mois que je l’avais récupéré, après le décès de ma grand-mère. Trois mois que je me promettais de l’ouvrir, de découvrir ce qu’elle avait laissé derrière elle. Mais la vie, avec sa capacité infinie à remplir chaque minute de distractions inutiles, m’avait toujours donné une excuse pour remettre ça à plus tard.
Jusqu’à ce matin-là.
Il faisait un froid glacial, et j’avais annulé mes plans pour la journée (traduction : une sortie que je n’avais pas envie de faire). Je sirotais un café, emmitouflée dans mon vieux plaid, quand mon regard est tombé sur ce carton oublié. Et là, sans réfléchir, j’ai décidé que c’était le jour.
Je l’ai tiré hors du placard et posé sur la table basse. Le carton semblait presque vibrer, comme s’il renfermait quelque chose de vivant, un secret qui n’attendait que d’être découvert. J’ai pris une grande inspiration et ouvert le couvercle.
La première chose que j’ai vue, c’était une croix étrange, faite de tiges fines tressées ensemble. Ce n’était pas un crucifix classique, mais quelque chose de plus primitif, de plus... naturel. Je l’ai tenue dans ma main, fascinée par la simplicité de sa forme.
Puis, mes doigts ont effleuré un pendentif. Une petite triquetra en argent, son entrelacs complexe à la fois apaisant et mystérieux. Je l’ai immédiatement reconnue. Ma grand-mère la portait presque tout le temps, et je n’avais jamais pris la peine de lui demander pourquoi. À cet instant, j’ai regretté ce silence.
Mais c’est ce que j’ai trouvé ensuite qui a vraiment capté mon attention : un vieux carnet, relié en cuir, avec des pages jaunies par le temps. Ce n’était pas un journal ordinaire. En l’ouvrant, j’ai découvert un mélange hétéroclite de recettes, de notes griffonnées sur des rituels mystérieux, et même quelques photos de mamie.
Ma grand-mère était magnifique. Une crinière rousse flamboyante, des yeux brillants d’une intensité presque troublante, et ce sourire... ce sourire qui semblait contenir à la fois une sagesse infinie et une joie malicieuse.
Je feuilletais le carnet, fascinée, quand une petite carte calligraphiée est tombée sur mes genoux. Le mot inscrit dessus était aussi énigmatique que le reste : Imbolc.
Imbolc. Le mot roulait sur ma langue comme un poème oublié. Et juste en dessous, une phrase manuscrite, presque prophétique :
Le 1er février, lors d’Imbolc, l’élément de l’air s’éveille. C’est avec lui que débute le mouvement de l’information dans la roue de l’année. Il apporte des intuitions, des indices et les premiers mots importants à ceux qui sont prêts à les entendre avant les autres. Durant ces quelques jours, soyez attentifs à ce qui vous parvient : affiches, citations, chansons, films, phrases hasardées dans la rue...
Je me suis figée. Le 1er février. Mon anniversaire. Et aussi celui de ma grand-mère.
Une bouffée d’émotion m’a submergée. C’était comme si elle avait laissé ce message pour moi, comme si elle savait que je finirais par ouvrir ce carton, et que je le ferais exactement au moment où j’en aurais besoin.
Je me suis installée confortablement avec le carnet, prête à plonger dans le passé. Les pages racontaient l’histoire de nos ancêtres, une traversée de l’Atlantique pour fuir la famine en Irlande, des débuts difficiles dans ce nouveau monde. Et puis, il y avait des souvenirs plus personnels, des récits de ma grand-mère sur sa jeunesse, ses rendez-vous secrets avec mon grand-père, et son amour indéfectible pour un pays qu’elle n’avait jamais pu connaître.
Chaque mot était empreint de mélancolie et de force, comme si elle avait voulu encapsuler toute sa vie dans ces pages. Mais ce qui m’a le plus marquée, c’était la façon dont elle parlait de l’Irlande. Pas seulement comme un lieu, mais comme une partie d’elle-même, une racine profonde qu’elle portait en elle malgré la distance.
Quand j’ai refermé le carnet, je me sentais à la fois bouleversée et remplie de gratitude. Ma grand-mère m’avait laissé un héritage. Pas en argent ou en biens matériels, mais en histoires, en souvenirs, en sagesse.
Et pour la première fois, j’ai eu envie de porter ce pendentif. Comme un rappel de qui j’étais, d’où je venais, et de cette femme extraordinaire qui avait tracé un chemin avant moi.
Je l’ai passé autour de mon cou, et en sentant le poids léger de l’argent contre ma peau, j’ai su que quelque chose avait changé. Peut-être que le passé n’est pas un bagage à traîner. Peut-être que c’est un cadeau, une boussole pour nous aider à avancer.
Ce jour-là, sous le ciel glacé de janvier, j’ai décidé d’embrasser cet héritage. Parce que parfois, il faut regarder en arrière pour trouver la force d’aller de l’avant.
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Inna Grim 12 hours ago
Merci, Delphine! ça y est, tout est publié!
Delphine Meunier 16 hours ago
C'est tellement bien écrit! Merci beaucoup pour ce voyage , j'aurai plaisir à lire la suite.