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Partie 2 : La remise en question - Chap. 10 : La migration - Sct. IV : Les différents visages de la migration... - Sqc. b : De nouvelles causes ?

Partie 2 : La remise en question - Chap. 10 : La migration - Sct. IV : Les différents visages de la migration... - Sqc. b : De nouvelles causes ?

Published Oct 26, 2024 Updated Oct 29, 2024 Society
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Partie 2 : La remise en question - Chap. 10 : La migration - Sct. IV : Les différents visages de la migration... - Sqc. b : De nouvelles causes ?

Réaliser tout cela m'a convaincue que dans les discours habituels sur la question, on n'a pas l'habitude de parler de la migration en utilisant des concepts appropriés. Et tout d'abord, que l'on ne posait pas le bon diagnostic sur ce qui était réellement susceptible de poser problème en la matière.

De nouveaux fils conducteurs pour un meilleur diagnostic

J'ai donc commencé à réfléchir sur ce qui fait réellement la différence - et qui n'est pas nécessairement ce que tout le monde en dit

Une question d'argent ?

J'ai tout d'abord pensé que ce qui faisait la différence, c'était le niveau économique - autrement dit, l'argent. J'ai commencé par penser qu'un migrant riche était mieux accepté qu'un migrant pauvre, pour la bonne et simple raison qu'au lieu de se poser en concurrent des travailleurs autochtones, ou en démuni en demande, ou encore en "touriste social", il se pose plutôt en contributeur. Parce que le migrant riche (ou au moins aisé), en possédant de l'argent et en le dépensant dans le pays d'accueil, y fait marcher le commerce et tourner l'économie, donc contribue positivement au niveau de vie des autochtones. Et parce que comme on dit, non pas là où je vis, mais là d'où je viens, "c'est la mangeoire vide qui fait grogner le cochon". Et par-dessus le marché, comme il a assez de revenus pour qu'il soit possible de l'exiger de sa part, il paie des impôts dans son pays d'accueil. Il n'est donc pas a priori perçu comme un profiteur.

Certes, cela explique certaines choses. Mais en y regardant de plus près, ça n'explique quand même pas tout. Parce que même si la grogne, dans un tel cas, est moins audible ou plus en sourdine, elle n'est pas pour autant inexistante. L'argent fait vivre, certes, mais pas forcément tout le monde, et s'il contribue à changer la société autochtone, ce n'est pas forcément dans le sens où tous voudraient la voir changer... ni surtout dans le sens d'une plus grande équité ni d'une plus grande authenticité. La présence de migrants riches, par exemple, est souvent accusée d'alimenter l'inflation et notamment la hausse des prix de l'immobilier, ce dont les autochtones pauvres se plaignent de pâtir. Elle est également accusée, dans de nombreux cas, d'orienter le développement du pays d'accueil en fonction de leurs propres besoins - qui ne sont pas nécessairement ceux de la population autochtone.

Une question d'instruction ?

J'ai alors pensé que cela pouvait tenir plutôt au niveau d'instruction et à l'étendue des connaissances, qui permettent une plus grande adaptabilité, une meilleure compréhension de l'autre et par conséquent une plus grande souplesse dans le comportement - là où celui qui ne connaît que son milieu d'origine aura plus de mal à s'adapter à des situations nouvelles voire inédites, donc aura plus vite tendance à se fermer sur lui-même et sur ce qu'il connaît déjà, ce qui créera fatalement un fossé difficile à combler entre lui et son nouveau milieu. 

Là aussi, en examinant la chose de plus près, on s'aperçoit encore une fois que cela explique sans doute certaines choses, mais que cela ne suffit pas à tout expliquer. En effet, politesse et courtoisie permettent sans aucun doute d'arrondir les angles et d'aplanir certaines aspérités, surtout si c'est saupoudré d'un minimum de compréhension mutuelle de la sensibilité de l'autre (ce qu'on appelait dans le temps la délicatesse et le tact), mais au-delà d'un rituel social qui se déroule sans accroc et d'une existence apparemment lisse et sans problème, plus souvent qu'on pourrait croire, on ne peut pas vraiment parler d'une réelle intégration, ni non plus d'une réelle volonté de construire des ponts. Surtout s'il s'agit de travailleurs par essence détachés, qui savent qu'ils ne sont pas destinés à rester ni à s'établir définitivement dans le pays d'accueil et qu'ils repartiront forcément un jour - vers leur pays d'origine ou encore ailleurs. On se respecte de part et d'autre, certes - mais de part et d'autre, au-delà du respect et au-delà de la façade, on reste malgré tout des étrangers. 

Une question de dominance ?

J'ai aussi pensé, en sens inverse cette fois-ci - non pas en partant de ce qui pouvait faciliter les choses, mais en partant plutôt de ce qui pouvait les aggraver - qu'il pouvait s'agir d'une question de dominance. En effet, certaines migrations sont, de par leur nature même, dominantes, et par là même elles sont rejetées par les autochtones qui les subissent. Ou au moins mal acceptées. Ou tout au moins elles créent un malaise. Elles apportent une transformation imposée que les autochtones n'ont souvent pas souhaitée. Les armées d'invasion, les puissances occupantes, les colons... tout cela, ce sont des gens que personne n'a envie de voir chez soi. Même s'il s'agit d'une multinationale dont le siège est à l'étranger mais qui installe une filiale chez soi : bien sûr, elle crée des emplois pour les autochtones, et c'est bien pour cela qu'au départ, les autorités du pays l'attirent et vont jusqu'à lui faire des faveurs (fiscales) pour qu'elle installe sa filiale dans le pays plutôt que chez le voisin... mais si elle donne des emplois aux autochtones, une fois qu'il s'agit d'évoluer, une fois qu'il s'agit de monter en grade, une fois qu'il s'agit de faire carrière, les autochtones ont souvent l'impression de se heurter à un "plafond de verre" et de subir une "discrimination à l'envers", parce que plus d'une fois, les postes les plus élevés, à partir d'un certain niveau dans la hiérarchie, sont tout aussi souvent attribués, et comme réservés, à des travailleurs détachés venus du siège de la maison-mère et en même temps de son pays d'origine... et parachutés dans la filiale locale... quelles que soient les capacités, les compétences et les performances respectives des uns et des autres... (et s'ils lisent ces lignes, beaucoup de migrants dans nos pays d'Europe penseront sûrement : "bien fait pour vos gueules, les autochtones, au moins maintenant vous savez ce que c'est de se heurter à un "plafond de verre" et d'être bloqué ou discriminé parce qu'on n'a pas la bonne nationalité ou la bonne origine, vous savez maintenant ce que ça veut dire d'être étranger, vous le sentez, maintenant, ce que vous nous faites subir à longueur de journée, et encore, vous ne le sentez pas tous, parce que ce ne sont pas tous les autochtones qui travaillent pour des multinationales étrangères" - ce à quoi les autochtones auront envie de leur répondre : "oui, sans doute, sauf que vous, vous êtes chez nous, vous êtes chez les autres, vous n'êtes pas chez vous, tandis que nous, nous sommes chez nous, et que cette multinationale étrangère, elle n'est pas chez elle, elle est chez les autres, en l'occurrence elle est chez nous ! Mais elle se comporte comme si elle était chez elle ! Elle se comporte comme en pays conquis !" - et les migrants rétorqueront : "elle se comporte comme en pays colonisé, vous voulez dire. Eh bien, vous commencez maintenant à savoir ce que ça fait d'être colonisé. Et dites-vous bien que parmi vos travailleurs migrants, il y a des ex-colonisés qui savent ce que c'est de n'être chez eux nulle part, ni (là où c'est censé être) chez eux, ni chez les autres. Et pendant ce temps-là, il y en a d'autres, comme vous par exemple, qui se croient chez eux partout, même chez les autres. Ça, ça ne va pas non plus. Et quand on vient d'une culture qui a de très fortes traditions d'accueil et d'hospitalité, et qu'on fait tout pour que l'étranger se sente chez lui chez nous, quitte à nous gêner pour lui pour qu'il se sente bien, c'est très frustrant de ne pas recevoir la réciproque en retour quand c'est nous qui sommes chez lui" - ce à quoi certains autochtones répondront sans doute : "oui mais attendez, vous confondez tout, là. Il ne faut pas confondre un invité, de marque si ça se trouve, ou un touriste qui visite votre pays et qui vous fait vivre en le faisant, avec des gens comme vous qui venez chez nous pour avoir du travail et pour mieux vivre. Ce n'est pas la même chose" - et là les migrants concernés peuvent répondre : "peut-être, mais si on veut mettre tout le monde dans le même sac comme vous le faites si souvent histoire de simplifier un peu les choses et si nous partons du principe simple qu'autochtone, c'est autochtone et qu'étranger, c'est étranger, alors il y a beaucoup de choses qui ne vont pas dans votre façon de raisonner. Il faut parfois se demander comment les choses sont perçues quand on les perçoit de l'autre côté...")

Certes, l'exemple de la filiale de multinationale étrangère est bien celui d'une dominance - certes pas militaire, ni politique, ni administrative, mais néanmoins économique (ce qui est typiquement le cas dans le cadre des délocalisations induites par la mondialisation, mais aussi dans celui des stratégies d'expansion mondiale des multinationales, dans lesquelles certains voient, à tort ou à raison, autant de stratégies d'expansion économique des pays où elles ont leur siège). La dominance économique est une dominance comme les autres (demandez à tous ceux qui subissent les délocalisations de la mondialisation - et qui, eux, n'ont même pas la petite satisfaction d'entendre un "bien fait pour vos gueules" qui leur rappelle qu'un jour, eux aussi, ils ont tenu à leur tour le dessus du panier). Mais quoi qu'il en soit, ce petit dialogue entre parenthèses montre bien que parfois, même une migration "dominée", comme celle des travailleurs, peut être ressentie comme "dominante" et "invasive" par les autochtones par sa seule présence alors qu'en réalité, elle n'a rien de "dominant" (et encore, chaque partie de ce petit dialogue se prête à des développements dont je vous ferai grâce, quitte à conserver quelques quiproquos de part et d'autre, histoire de ne pas encore alourdir le propos).

Ce qui fait le plus peur en réalité dans cette présence "dominée", c'est le nombre. Un nombre dans lequel les autochtones craignent à terme d'être noyés et de se perdre. C'est pour cela que les migrants "dominés" leur paraissent très vite "sans-gêne", soit quand ils affichent leur différence, soit quand ils tentent de s'affirmer ou de se défendre un tant soit peu. Les migrants "dominants" sont parfois juste assez ressemblants ou assez habiles à masquer leurs différences pour se faire parfois mieux accepter de prime abord. Mais un comportement "sans-gêne", s'il n'est déjà pas accepté de la part d'un compatriote autochtone, sera encore moins accepté de la part d'un étranger. Être étranger constitue une circonstance aggravante. Même si le migrant est "dominé", il sera perçu comme "dominant" et on lui reprochera immédiatement de "se comporter comme en pays conquis" - comme un envahisseur en bonne et due forme ("vous avez vu ce qu'ils se permettent, non mais pour qui se prennent-ils, ils ne sont pas chez eux !"). Ce que l'autochtone attend du migrant, c'est qu'il soit "dominé", qu'il masque sa différence et qu'il "reste à sa place". Et s'il veut être accepté, il doit s'assimiler, cacher sa différence et faire oublier qu'il est un étranger. Donc en fait, toute migration est perçue, à raison ou à tort, comme une domination potentielle ou comme une tentative potentielle d'invasion. Donc de domination. La grille de lecture "dominant/dominé" ne permet donc pas d'expliquer ce qui fait que parfois les migrants sont bien acceptés, et parfois non. 

 

De nouveaux concepts ?

 

Crédit image : © exposition "Foules", Paris, 2023

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Comments (3)

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Bernard Ducosson 21 days ago

le yin et le yang se doivent d'être complémentaire pour réaliser un ensemble cohérent. Le soleil a besoin de la nuit pour exister !

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Bernard Ducosson 21 days ago

Mouais. Mieux vaut ne pas commenter pour éviter de se diviser...

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Jackie H 21 days ago

Je me doute un peu, connaissant vos écrits, que c'est un sujet sur lequel, comme disent les Anglo-Saxons, sur lequel nous ferons mieux de tomber d'accord pour diverger ("agree to disagree")

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