Demain, non comme hier !
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Demain, non comme hier !
La nécessité de convertir nos pratiques politiques, économiques pour le bien de toute l’humanité est indiquée dans l’Évangile de l’Ascension
Je suis invité à présider l’eucharistie ce jeudi, jour de l’Ascension de Notre Seigneur Jésus Christ, en présence d’un petit groupe de fidèles du Christ, 10 personnes selon les consignes officielles. Ce que je note dans cette page n’est pas une homélie, mais une simple méditation qui exprime ce que je ressens en cette période où les personnes fragiles (dont les plus de 70 ans) sont invitées à « rester à la maison ».
D’abord, je souhaite parler de l’amour de Dieu. Les évangiles lus aux offices eucharistiques de ce temps en marche vers la Pentecôte parlent beaucoup de l’amour de Dieu.
Il importe, me semble-t-il, de lier l’Évangile de ce jour, fête de l’Ascension de Jésus-Christ, à celui de dimanche dernier, Jean 14, 15-21 :
« Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous ».
Et, je me pose la question : que veut dire « aimer » ?
J’ai le souvenir d’une colère d’adolescente à qui des amis lui avait dit : « mais oui, on t’aime bien, pourquoi tu fais la tête ? » Réponse : « je ne veux pas que l’on m’aime bien, je veux que l’on m’aime tout court ». Aime-t-on une personne comme on aime bien une pomme, une couleur, un vêtement ? « J’aime bien les chaussures que tu portes ! ».
Aimer ? Comment expliquer ce mot ?
Parcourons l’Évangile selon Jean. Jésus demande à Pierre : m’aimes-tu ? (Jn 21,15ss) et Pierre répond -traduction française- comme s’il disait : oui, je t’aime bien. Étant insatisfait de la réponse, Jésus repose la question : « m’aimes-tu ? » Pierre ne répond pas en disant, oui, je t’aime ; il dit seulement : « je t’aime bien ». Ma traduction est approximative. Pour suivre le mot grec, il faudrait dire, oui, j’ai à ton égard une certaine philanthropie. Ben, oui, quoi, je t’aime bien. J’ai un lien affectif avec toi.
Insatisfait de la réponse, Jésus abandonne. Certes, il repose une troisième fois la question, mais en employant le mot de Pierre. Jean 21,15 :
Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu [bien] , vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime [bien]. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. »
Aimer bien . Aimer. Nous sentons la différence. Expliquons encore plus.
Dans le mot que Jésus emploie, selon le grec de l’évangéliste Jean, il faut entendre parler de l’amour dont Dieu le Père est capable ; il est question de l’amour avec lequel Dieu nous a créé. L’amour de Dieu pour nous. L’amour que le Père nous a donné et que, très concrètement, Jésus nous a montré en se donnant totalement. Jésus ne s’est pas soustrait au supplice radical qui conduit à la mort. Un amour de communion.
« Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. » (Jn 14, 21)
Grâce à cet amour ainsi exprimé, Dieu fait en nous sa demeure : « vous reconnaitrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous ».
Alors, c’est quoi aimer ? C’est quoi l’amour ?
Désormais, j’ai cette réponse toute simple : je sais que j’aime vraiment quand je suis content d’être avec l’aimé. En sa présence, je me sens heureux d’être tout simplement présent. Sentiment de plénitude, de bonheur. Béatitude. J’aime quand je suis à l’aise d’être en compagnie de l’aimé. Dieu établit en nous sa demeure et nous invite à le reconnaître dans cette proximité. Amour qui invite à la contemplation ; amour qui n’est que de confiance ; amour alimenté par le don de l’Esprit saint. Aimer, c’est être heureux d’être avec.
Maintenant, je souhaite parler des offices eucharistiques
Ils nous ont manqués. Il est usuel de dire que la messe est le point culminant de la liturgie catholique, et je ne voudrais pas contredire cette affirmation bien que je trouve que le mot « messe »soit inapproprié. Messe, missa (être envoyé) indique la fin de la prière eucharistique.
Si l’eucharistie (la messe) est le point culminant de la vie de prière des disciples du Christ (les chrétiens), il y en a plein d’autres. Je peux citer les liturgies des heures - prières du temps présent -, par exemple pour le jour de l’Ascension.
Vivre la communion avec Dieu -Père, Fils, Esprit- s’exprime chaque instant dans l’amour divin vécu au quotidien et cet amour se signifie en des moments réguliers de prière, de contemplation, de médiation. Par ailleurs, nous savons bien que la prière ne nous enferme pas dans une bulle ; elle nous ouvre vers le monde, vers autrui. Mais ces temps de recueillement sont nécessaires pour, justement, être pleinement présents à la personne rencontrée : membre de la famille ou collègue de travail, ou voisin de palier, ou…
L’Église se forme dans ces temps d’intimité en présence de Dieu dans la mesure où ceux-ci sont en permanence ouvertures sur le monde. L’eucharistie dominicale prend alors tout son sens. Elle rassemble les chrétiens qui ont régulièrement pris des temps de prière au long des jours précédents et qui n’ont pas oublié dans leur vie ordinaire de mettre en pratique la Parole entendue, méditée, priée. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » En ce sens, il est étrange que des chrétiens puissent exiger l’ouverture d’une église et la présence d’un prêtre pour avoir la messe, s’ils n’ont pas pris par eux-mêmes, chez eux, le temps de la rencontre avec Dieu.
L’image ordinaire de l’Église est souvent celle d’une pyramide. Institution hiérarchisée : Dieu-trinité, le Pape, les évêques, l’évêque diocésain, le curé de la paroisse. Personnellement, je pense que l’image du cercle convient mieux à l’expression communautaire des disciples du Christ. L’Église commence avec la famille. Celle-ci s’adjoint avec ses voisins chrétiens pour former une communauté locale. Ensemble, en Église donc (même avec un petit nombre), ils lisent la Bonne Nouvelle et révise leur vie pour discerner comment, au quotidien, ils mettent en pratique ce que Jésus a enseigné. Et, toutes ces communautés locales se retrouvent le dimanche dans le bâtiment église du quartier pour, en Église célébrer l’eucharistie. Action de grâce dans la joie de partager la vie du Ressuscité. L’eucharistie est alors le point culminant d’une vie liturgique chrétienne.
Cette semaine, il est nécessaire d’évoquer où nous en sommes vis-vis de la pandémie et il est indispensable de parler de la semaine Laudato si’. Les deux événements se rejoignent dans l’indispensable changement que le monde doit opérer. Demain ne peut plus être comme hier pour répondre au problème du Covid 9 et pour parvenir à résoudre les problèmes que rencontre la Terre, notre Maison commune.
Enfin, concrètement, que pouvons-nous changer ?
Dans une vision circulaire de l’Église, j’imagine que les communautés locales expriment ce qu’il est possible de faire, voire ce qui se fait déjà. Ceci est mis en commun au niveau de la paroisse avec la rencontre de toutes les communautés locales. Une rencontre au niveau diocésain, dynamique synodale, est également envisageable.
Laudato si’
« La Semaine Laudato Si’ a été convoquée par le pape François à l'occasion du cinquième anniversaire de son encyclique sur la sauvegarde de la maison commune, Laudato Si’. Du 16 au 24 mai, elle impliquera les communautés catholiques du monde entier, permettant aux paroisses, diocèses, congrégations religieuses, associations, écoles et autres institutions d’approfondir leur engagement pour la sauvegarde de la Création et la promotion d'une écologie intégrale ».
Que faire, que convertir afin de construire un avenir plus juste et plus durable pour la Terre et l'humanité, en suivant l’esprit de Laudato Si’ ? La semaine se terminera le 24 mai par une Journée mondiale de prière.
Ce souci du monde entier, cette nécessité de convertir les pratiques politiques et économiques pour le bien de l’ensemble de l’humanité est très nettement indiqué dans l’évangile de l’Ascension. En effet, il n’est pas question de rester confiné dans le temple de Jérusalem, ou dans la chambre haute de sa maison familiale. Voilà ce qui est dit : sur la montagne, ils virent Jésus le Ressuscité et se prosternèrent. Mais, ils sont pris de doutes. Alors Jésus dit : « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. Convertissez les gens rencontrés ; apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé ».
L’an passé j’ai également prononcé l’homélie pour la fête de l’Ascension. Le regard est-il différent ?