Presque – Manu Larcenet
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Presque – Manu Larcenet
Presque, de Manu Larcenet – Les rêveurs – 1998
On ne présente plus le travail multiprimé de Manu Larcenet: Le combat ordinaire, Le retour à la terre, et Blast (pour moi son plus grand chef d’oeuvre) ont promu Larcenet au rang des artistes majeurs de la bande dessinée. Mais en 1998, ce n’était pas encore le cas. En 1998, Manu Larcenet dessinait dans le journal Spirou des épisodes de Pedro le Coati, et dans Fluide Glacial il signait la série des Bill Baroud, parodie des polars américains hyper nationalistes. Lorsque « Presque » est sorti, aux Rêveurs de runes, plus tard appelé simplement Les Rêveurs, le ton autobiographique est très sombre dénote franchement avec l’univers plus léger et parodique dans lequel il commence à être connu et apprécié. L’année précédente, il avait publié Dallas cowboy, chez les mêmes éditeurs, qui est plus sur son enfance et ses angoisses.
Dans un entretien qui remonte un peu, Manu Larcenet avait déclaré regretter d’avoir publié ces deux textes, qu’il jugeait trop proches de la réalité et manquant de recul. Il me semble que c’était pas amitié avec les éditeurs qu’il avait accepté cette publication (à vérifier, mais je ne retrouve plus cette interview). Peu importe les raisons, les livres sont là et ils sont forts, ils impressionnent par la maîtrise du noir et des formes, par l’ambiance extrêmement sombre qui traverse ces œuvres. Et si je les trouve intéressants, c’est aussi parce qu’ils éclairent le mouvement qu’ont pris ses œuvres suivantes. Dans son album chez Fluide Glacial « Les aventures rocambolesques de Vincent Gogh », censée être drôle de bout en bout, on sent déjà poindre le Larcenet plus profond avec une fin très réaliste et sombre (ça parle de la 1re Guerre mondiale, aussi). J’ai le sentiment qu’il a réutilisé le motif d’un oiseau qui l’obsède dans Presque et qu’on retrouve dans Vincent van Gogh. Cela forme une sorte de continuité entre Presque qui relate une journée particulière de son service militaire et la Guerre de 14. J’extrapole peut-être un peu.
Le Combat ordinaire commence avec un premier tome plutôt rigolo et se poursuit de manière triste, limite éprouvante dans les albums suivants. Puis vient Blast, un sommet de noirceur. A la limite du supportable par moment. Et lorsqu’on relit Presque, on comprend d’où viennent ces idées et ses thématiques. Ce n’est pas la bande dessinée la plus aboutie de Larcenet mais elle donne des clés d’analyse pour les autres œuvres de cet artiste – que je recommande, forcément.