Chap 10 : Le vent se lève
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Chap 10 : Le vent se lève
Depuis son retour de Galak, Alice n'était plus retournée à la cabane au sommet de la colline. Vivant encore mal la disparition de Mirabelle, tout les soirs après l'école, elle se sauvait chez elle sans même attendre Natie qui habituellement faisait la route en sa compagnie. À la ferme, elle s'enfermait dans un mutisme qui inquiétait ses parents, Jin et Telessa ne la reconnaissait plus. Depuis près d'une semaine, leur fille refusait d'adresser la parole à quiconque et ils ne comprenaient pas quel en était la cause. Un jour de grand soleil alors que les enfants du village n'avaient pas école, Natie vint lui rendre visite, elle frappa à la porte de la ferme des Mira muni d'un panier à pique-nique. Elle patienta quelques instants remettant son écharpe sur son nez, car il faisait assez froid. La porte s'ouvrit sur la mère de son amie.
- Bonjour Natie, ça me fait plaisir de te voir. Viens donc te réchauffer à l'intérieur.
Natie resta sur le pas de la porte et regarda à l'interieur de la maison cherchant Alice.
- Merci madame, mais je ne veux pas vous déranger, je venais juste voir si Alice était là. Je me suis dit que l'on pourrait aller se faire une petite balade jusqu'au moulin. J'ai même préparé de quoi nous restaurer.
- Tu as eu une bonne idée, je pense que cela lui fera du bien de sortir un peu. Je ne sais pas ce qu'à ma fille depuis quelques jours, elle est d'une humeur maussade et passe tout son temps soit enfermé dans sa chambre soit en compagnie de Félindra sa jument. Elle ne nous parle même plus. Peut-être en sais tu plus que nous, c'est il passé quelque chose que nous ignorons ?
- Je crois que c'est à cause des remontrances du professeur Ordell, il n'a pas apprécié qu'Alice s'endorme pendant son cour et il lui a fait un sermon à la fin de la journée, mentit Natie.
- Je vois... Bon, je pensais qu'il lui était arrivé quelque chose de plus grave, mais si ce n'est que ça, je suis soulagé. Tout de même se mettre dans des états pareils pour un sermon, cette enfant a toujours été trop sensible, enfin, c'est comme ça. Tu la trouveras avec son père au champ, ils sont en train de planter des légumes.
Natie remercia Telessa et fit demi-tour, cette dernière la fit patienter quelques instants. Elle monta à l'étage et redescendit avec une couverture épaisse qu'elle donna à la jeune voisine.
- Voilà, avec ça, vous ne vous mouillerez pas en vous asseyant. Il a beaucoup plut ces derniers jours et avec le gel matinal, le sol n'est pas encore sec.
- Merci madame, je vais retrouver Alice maintenant.
Les bras chargés, couverture dans l'un, panier dans l'autre, Natie claudiqua jusqu'au champ situé à une cinquantaine de mètres derrière la ferme. Sur place accroupie sur l'une des rangées de terre retournée, Alice qui avait troqué ses habituels bottine marron contre de grandes bottes de fermière écoutait son père qui lui expliquait la semence des graines.
- Regarde comment on fait, tu fais un trou avec ta main d'environ dix centimètres de diamètre puis tu l'enfonces bien comme il faut.
- Je le sais papa, je t'ai observé des milliers de fois, tu sais. Je connais également ta petite astuce, tu en plantes trois au même endroit pour être sûr que ça pousse bien.
Jin sourit à sa fille et lui caressa les cheveux. Ce n'était pas dans ses tâches que de s'occuper du champ, Alice avait pour habitude de nourrir les animaux tout les soirs juste avant le dîner et de faire ses devoirs ensuite. Parfois, elle aimait bien regarder son père travailler quand elle n'avait rien de spécial à faire. Elle s'asseyait alors sur un tas de rondins de bois qui servait à alimenter la cheminée et le regardait souvent avec une brindille d'herbe dans la bouche qu'elle aimait bien mâchouiller. De temps en temps, elle essayait même d'apprendre à siffler comme Isaac le lui avait appris, en mettant un brin d'herbe entre les deux pouces, mais elle n'y était jamais arrivée.
- Je suis content que tu aies ouvert la bouche dit Jin, en jetant des graines de courges dans le trou. Je n'aime pas te savoir triste et ne pas pouvoir te venir en aide. Si tu ne nous parle pas à moi et à ta mère comment pouvons nous t'aider.
Alice détourna la tête en fermant les yeux, elle n'arrivait pas à tenir le regard de son père qui la fixait attendant qu'elle s'explique. Elle en voulait trop à ses parents de lui avoir caché la vérité à propos de sa magie.
- Depuis l'autre nuit où toi et Natie êtes rentrées à pas d'heure, tu es étrange, distante. On dirait que tu nous évites ta mère et moi. T'avons-nous fait du tort ?
Une larme coula sur la joue de la jeune fille, elle ne pouvait plus garder sa rancune plus longtemps, la voix peinée de son père lui faisait trop mal.
- Papa, je...
Le petit portail de la barrière entourant le champ s'ouvrit dans un grincement, Alice et Jin se levèrent pour apercevoir Natie venir vers eux en faisant bien attention de ne pas marcher sur les bosses où des graines avaient été semées. Lorsqu'elle la vit encombrer, Alice courue vers son amie pour la débarrasser, car elle était rouge de fatigue.
- Ahhh merci, je n'aurai pas pu faire un mètre de plus. La couverture de ta mère est vraiment lourde, dit Natie en reprenant son souffle.
- Mais que fais-tu là ? Je ne t'attendais pas voyons.
- Enfin, tu m'adresses la parole. Ça fait quatre jours que tu me fuies, je ne savais plus quoi faire pour que tu me parles alors je me suis dit qu'un pique-nique nous ferait du bien à toutes les deux. Bonjour M. Mira, dit elle en dressant la tête au-dessus d'Alice.
Jin salua la jeune fille en levant une main gantée.
- Pique Niqué? Je ne sais pas, tu ne trouves pas qu'il fait un peu trop froid pour ça.
- Ne t'inquiète pas, j'ai ce qu'il faut pour nous réchauffer, j'ai apporté mon thermos et il y a du bon chocolat chaud comme tu l'aime à l'intérieur. Aller vient et puis il faut qu'on parle de tu sais quoi.
Alice se retourna vers son père qui continuait à planter les graines sans s'occuper de leur conversation.
- Papa, je peux aller avec Natie au moulin, elle a préparé un pique-nique. À moins que tu aies besoin de mon aide.
- Je peux terminer le travail seul, je ne vois aucun inconvénient à ce que vous alliez vous promener. Sois tout de même de retour avant 16 h, ta mère va avoir besoin d'un coup de main en préparation pour la fête de ce soir.
Alice hocha la tête, elle retourna chez elle afin d'enfiler des vêtements plus chauds, puis ressortit de la maison vêtue d'un manteau, une écharpe en laine autour du cou ainsi que des moufles aux mains et un cache-oreilles sur la tête. Ensemble, les deux amies prirent le chemin du moulin construit en bordure de la forêt de Doucelune juste après avoir traversé un pont qui surplombait un cours d'eau. Le moulin appartenait à la mairie d'Alone, grâce à sa roue à eau, les lampadaires et les maisons de certains notables étaient alimentées en électricité. Alice, Natie et quelques-unes de ses camarades aimaient bien aller manger dans une petite crique à une centaine de mètres en descendant la rivière après le moulin. L'endroit y était agréable et tous les étés de longues journées de baignade étaient à l'honneur pour les jeunes du village. Sur un promontoire en pierre, Alice déplia la couverture à carreau rouge et blanc qu'elle avait prise à Natie et la déposa sur le sol.
- Je suis vraiment contente que l'on puisse passer un petit moment ensemble dit Natie qui posa le panier sur la couverture. J'ai bien envie que tu me racontes ce que tu as vu là où tu es partie.
Alice s'assit les jambes inclinées sur le côté, le regard vague, elle se demandait pourquoi tout le monde voulait la forcer à parler alors qu'elle n'en avait pas envie. Natie choisit un sandwich au fromage produit directement par le lait des vaches qu'elle élève avec son père et elle le tendit à son amie.
- Quand j'ai demandé à mon père si je pouvais aller pique-niquer près de la forêt, il n'a pas trop apprécié l'idée. Je crois qu'il n'aime pas trop que l'on s'aventure par ici.
- Pourquoi donc ? Dit Alice qui retirait le film plastique entourant le sandwich.
- D'après ce que j'ai compris la forêt ne serai plus vraiment fréquentable ces derniers temps, des villageois se sont fait attaqués par des animaux.
- C'est étrange, je m'y rends régulièrement et cela ne m'est jamais arrivé.
- Tu connais M. Bromsby, le charpentier.
- Oui, bien sûr, c'est lui qui est aller terminer la réparation du toit de M. Vlutte. Il lui est arrivé quelque chose ?
- Ben figure toi que l'autre jour en allant couper du bois, il s'est fait attaquer par un animal au pelage roux, de ce qu'il a raconté, c'était un singe mesurant bien deux mètres avec des griffes noires aux mains. Heureusement, il a réussi à en réchapper, mais il n'a plus l'intention de retourner dans la forêt avant un bon moment.
Alice écouta la mésaventure du charpentier sans dire un mot, elle s'était toujours senti comme chez elle dans la forêt de Doucelune et elle trouvait cela inconcevable que quelqu'un puisse se faire attaquer. Par ailleurs, elle n'avait jamais croisé de singe et encore moins d'animaux au pelage roux, la jeune fille se demanda si M. Bromsby ne s'était tout simplement pas trompé. Avec la peur, il est courant de voir des choses qui n'existent pas et il aura tout bonnement vu un animal y ressemblant voilà tout. Alice ne désirait pas que cette histoire s'ébruite jusqu'à ses parents sinon ils lui interdiraient d'y retourner.
- Comment se porte ton père ? Dit la jeune fille pour changer de sujet.
- Il n'a pas le moral ces derniers temps, il s'est remis à boire. C'est en cette période tu sais, que maman... Bref, je l'aide autant que je peux à la ferme, mais ça ne suffit pas on dirait, je crois qu'il lui faudrait une nouvelle femme dans sa vie.
Alice serra fort son amie dans ses bras pour la consoler.
- Peut-être que ton père te l'a jamais dit mais mes parents m'ont rapporté un jour que ton père était fier d'avoir une fille aussi solide sur les épaules que toi et qu'il se sentirai bien incapable si tu n'étais pas là.
Natie afficha un grand sourire en entendant les paroles de son amie, cela lui mit du baume au cœur, à son tour elle piocha un sandwich dans le panier et les deux filles mangèrent en silence. Des oiseaux s'envolèrent des arbres de la forêt, rejoignant un ciel grisâtre. La neige se mit soudainement à tomber, d'un air rêveur Alice leva les mains pour attraper les flocons, dans ses yeux Natie put y lire une certaine mélancolie.
- Qui était Mirabelle ? Demanda t'elle de buts en blanc.
Alice poussa un profond soupir, elle se tourna vers son amie le visage triste.
- C'était une magicienne que j'ai rencontrée dans le monde où Loga m'a envoyé. Il s'appelait Galak.
- TU ES ALLE DANS UN AUTRE MONDE ? Dit Natie un peu plus fort qu'elle ne le pensait.
- Chut ! Mais ne crie pas, dit Alice en donnant une petite tape sur le bras de son amie. Pas toi ?!
- Désolé, c'est le choc. Non, je suis resté à Alone, enfin ce n'était pas le même Alone. Je crois que Loga m'a fait remonter le temps, j'ai pu voir ma mère avant qu'elle ne tombe dans les escaliers. Elle m'a appris plein de choses sur moi et ma lignée familiale. On avait jamais pris le temps de discuter comme ça auparavant, j'aurai voulu ne jamais repartir.
Alice attrapa les mains de son amie ravie pour elle.
- Cela m'étonne que tu es été surprise que je sois allé dans un autre monde, voyager dans le temps est tout aussi surprenant, mais bon, continue.
Ses yeux pétillaient tellement, elle voulait savoir la suite.
- Elle m'a avoué que quand elle était plus jeune, à nos âges, elle était capable d'invoquer des petites créatures vivant sur un autre plan que le nôtre. Ce plan s'appellerait l'immatérielle, mais je n'ai pas compris ce que cela signifiait. Elle m'a aussi dit que j'aurai également hérité de ce pouvoir et que durant mon enfance, j'avais tendance à parler à des personnages invisibles, ce qui est étrange, car je ne m'en rappelle plus du tout. Je lui ai demandé pourquoi elle ne m'en a jamais parlé et elle m'a répondu qu'elle avait eu peur pour moi, car la magie était mal vue en Haizea.
La jeune rousse se rembrunit, à Natie aussi, on lui avait caché ses capacités magiques. Décidément, elles ne pouvaient vraiment pas fraire confiance à leur parent. Alice ferma les yeux, dans un effort quasi-insurmontable, elle se décida à tout révéler à sa meilleure amie.
- Sur Galak, j'ai rencontré un couple formidable les Tomasson, ils ont prit soin de moi durant tout mon séjour.
- Ton séjour ?! Mais Alice, pendant combien de temps est tu partie ?
La jeune fille compta sur les doigts de sa main et montra les chiffres à sa voisine qui manqua de s'étouffer avec un morceau de pain lorsqu'elle vit la main d'Alice.
- Quatre jours ! C'est très étrange, tu ne t'es pas réveillé longtemps après moi et d'après Loga je suis resté environ 3 h endormis. Le temps ne doit pas s'écouler normalement quand on voyage dans un autre monde. Que s'est-il passé ensuite ?
- J'ai rencontré Mirabelle près d'un manoir appartenant à un Comte et à une Comtesse qui devait présenter leur enfant aux habitants de la ville de Lubenadt. J'ai appris de sa bouche que ma magie avait été scellée sur demande de mes parents. Quand j'étais enfant, j'étais trop instable parait il et je causai beaucoup de dommages autour de moi, mes parents se sentant impuissants sont allé voir Mirabelle pour qu'elle bloque ma magie, à cette époque elle vivait dans la cabane sur la colline.
Natie écouta son amie sans intervenir, elle sentait qu'elle avait besoin de se libérer d'un poids qui lui pesait.
- Je leur en veux qu'il m'est caché ça, je les aime toujours, mais je n'arrive pas à leur pardonner. J'en ai voulu également à Mirabelle, mais... La pauvre pendant qu'elle débloquait mes pouvoirs des monstres nous ont attaquées, son corps s'est dissout en des particules dorées.
Alice réprima un sanglot, soudain à la pensée de ces monstres à la peau grisâtre ses mains s'embrasèrent toute seule à la surprise de Natie qui recula de quelques centimètres. La jeune fille secoua les mains pour éteindre les flammes sans résultat. Elle alla à la rivière et plongea ses mains dans l'eau gelée.
- Ça me le fait souvent en ce moment, c'est la raison pour laquelle je t'évitais, je ne contrôle rien, je ne veux pas te blesser comme je l'ai fait avec Erin.
- Tu devrais en parler avec Loga, je suis sûr qu'il pourrait t'aider.
- Non je... Je ne veux pas l'embêter avec mes problèmes. Lui et Mirabelle se connaissaient depuis longtemps, comment il réagirait si il apprenait que c'est de ma faute si elle a disparu. Elle a dit que le ténébreux en avait après moi, après ma magie. C'est donc moi qui est attiré ces monstres.
- Tu te fais du mauvais sang pour rien, Loga comprendra. Et puis... oh, Alice, tu vas sûrement me détester, mais je l'ai convié à venir nous rejoindre, il ne devrait plus tarder maintenant.
- Pourquoi as tu fait ça ? S'alarma la jeune fille. Si c'est comme ça, je rentre à la maison.
Alice afficha une mine boudeuse, elle commença à remonter le chemin vers le pont de pierre quant à peine eut t'elle fait quelques pas que Loga sortit d'entre les arbres de la forêt de l'autre côté de la rivière. Voyant que la jeune fille repartait, il prit son élan, sauta par-dessus la rivière pour atterrir juste à côté de Natie. La voisine d'Alice fut époustouflée par la hauteur du saut, comme si il s'était envolé. Loga sourit face à la stupéfaction de Natie puis se précipita pour barrer le passage à la jeune rousse l'empêchant d'aller plus loin. Alice tenta de le contourner par la droite et par la gauche, mais Loga lui bloqua toute tentative sans dire un mot. Désespérée, Alice fondit en larmes.
- Pourquoi vous ne voulez pas me laisser rentrer chez moi. Je ne veux pas utiliser la magie, je fais beaucoup trop de mal aux gens avec elle.
- Alice dit calmement Loga. N'as tu donc rien remarqué depuis ton retour ? Par un simple hasard, tes proches ne t'ont t'ils pas fait remarquer que ton comportement avait changé ?
La jeune fille sécha ses larmes avec une manche de son manteau.
- Si, mes parents n'arrêtent pas de dire que je ne suis plus la même, je me morfonds souvent et je pleure pour un rien.
- Tout cela provient du fait que ton corps est en train de s'adapter à la magie qui est en train de te revenir. Si je ne t'aide pas à la maîtriser alors tu risques de faire des dégâts. Tu dois me faire confiance, je peux t'aider.
Alice repensa aux paroles de la magicienne, elle lui avait expliqué avant de disparaître que c'était au tour de Loga de lui enseigner ce qu'il savait. Il était vrai que la jeune fille avait les émotions à fleur de peau et elle préférait fuir les personnes qui pouvaient l'aider plutot que les affronter.
- D'accord, je m'en remets à vous Loga. Apprenez-moi s'il vous plaît.
Loga hocha la tête, il prit la jeune fille par les épaules et la conduisit dans un endroit plus à découvert. Natie heureuse que son amie est retrouvé la voie de la raison, rangea les restes du repas et les suivit tous les deux. L'homme au tatouage de dragon emmena Alice sur une plaine dégagée loin de toute habitation. Il lui demanda d'enlever son manteau, ses gants et son cache-oreilles, ce que refusa la jeune fille se plaignant qu'elle allait attraper le froid, mais Loga lui répondit que comme elle débutait, elle devait être libre de ses mouvements. Alice regarda Natie qui lui murmura faiblement de faire ce qu'il lui dit. La jeune fille ronchonna, se dévêtit et confia ses habits à sa voisine.
- Bien si j'en juge à ton instabilité émotionnelle, je dirais que tu fais partie de la caste des élémentaliste, je me trompe ?
Alice secoua la tête.
- Les élémentalistes ont la capacité de puiser en eux pour faire ressurgir les quatre éléments. Seulement, voilà, chaque élément est également associé à des émotions positives et négatives. La joie, la passion, la colère pour le feu ; la peur, la tristesse, l'inspiration pour l'eau ; la sérénité, la frustration pour la terre et pour terminer l'élan, la transformation, la culpabilité pour le vent. Les élémentalistes ont tendance à utiliser leur magie en puisant dans leurs émotions et c'est une erreur.
- Comment dois - je procéder alors ? Demanda Alice qui commençait à grelotter.
- En puisant dans le mycel, l'énergie de la vie qui nous entoure et qui se trouve également à l'intérieur de soi. Il existe plusieurs méthodes pour y arriver, certains mages se servent d'artefact comme le bâton, car il permet de relier la terre au ciel entrainant une meilleure connection à soi-même. Fait plus rare, j'ai croisé au cours de mes voyages des mages se servant également d'instruments de musique...
- Ah oui, intervint subitement Natie qui venait d'avoir une révélation, il parait que les instruments de musique sont reliés aux quatre éléments de par leur nature. Par exemple, j'ai appris que toutes les gammes d'instruments à cordes, les violons, violoncelle, guitare, mais aussi les carillons et les cloches ont une connexion avec le vent, car leurs sons nous élèvent.
Alice joignit les mains et applaudit le savoir de sa meilleure amie, depuis sa dixième année, elle avait été initiée au violon et au chant. Ses parents s'étaient endetté pour lui acheter cet instrument et à chaque fois qu'elle avait du temps libre, elle la passait à s'entrainer. Alice laissait régulièrement la fenêtre de sa chambre ouverte quand elle savait que son amie allait jouer du violon. La musique lui faisait un tel bien et Natie avait de véritables doigts de fées, le son qui se dégageait de sa musique arrivait même à égayer le professeur Ordell réputé par les jeunes comme étant le grincheux du village. L'année précédente, lors du spectacle de fin d'études, Natie avait offert un récital aux habitants d'Alone et s'était vu ovationner sa prestation. Cela avait mis en rage Erin Auclair, car la jeune fille qui prenait des cours de piano avec un illustre précepteur de Medellin n'arrivait pas à sa mesure.
- En effet, en ce qui concerne les autres éléments pour émettre du feu, un élémentaliste utilisera des instruments dynamiques comme la trompette ou le saxophone. Les sons pour l'élément eau seront donné par des instruments aux rythmes fluide et onduleux comme le piano, la clarinette ou alors le xylophone... Et pour la terre, les instruments qui la caractérisent sont le tambour, la contrebasse, etc. Tout ce qui émet des sons graves et lents.
- Ouah, je n'avais jamais imaginé que les instruments de musique avaient un tel pouvoir, dit Alice. Mais si je n'utilise aucun artefact comment vais, je pouvoir équilibrer ma magie.
- En la canalisant, je vais t'apprendre à te servir des éléments autour de toi et de ne faire plus qu'un avec eux. Tu pourras alors puiser dans le mycel et alors relâcher ta magie.
Loga demanda à Alice de fermer les yeux et de faire le vide dans sa tête, elle devait ressentir dans chaque partie de son corps la vie qui y circulait. Alice ferma les yeux et calma sa respiration, elle tenta de ressentir l'un après l'autre chaque membre de son corps. C'était un exercice difficile pour la jeune fille qui avait souvent des difficultés à rester concentré. Voyant qu'elle commençait à s'agiter, Loga fit le tour de sa protégée et lui fit lever les bras en parallèle au sol, puis ensuite, il lui déchaussa ses pieds pour qu'elle puisse sentir la terre sous ses orteils. Alice se plaignit que le sol était froid, mais Loga lui répondit que si elle restait concentré sur son souffle, elle ne sentirait plus la fraîcheur. Natie s'amusait de voir son amie se tenir droite, il ne manquait plus que des oiseaux viennent se poser sur ses bras et elle ressemblerait à un véritable épouvantail.
- Est-ce que tu ressens l'énergie de la terre qui chauffe tes pieds, demanda Loga.
Alice grimaça, elle ne ressentait rien à part les poils sur ses bras qui se dressaient à cause du froid. Lorsqu'il la vit répondre par la négative, Loga s'approcha et posa une main sur son abdomen et lui dit de prendre une bonne inspiration et d'expirer à intervalles régulier. Petit à petit Alice commença à rentrer en elle et à ressentir une énergie dans son ventre comme une boule de lumière qui s'étendait et reliait entre elle toutes les cellules de son corps. À cet instant, Alice commença à ne faire plus qu'un avec la nature, elle sentait la brise légère du vent sur son visage descendre le long de son cou jusqu'à ses petits doigts. L'esprit et le corps étaient en paix à tel point qu'elle arrivait même à sentir la chaleur de son instructeur qui se trouvait non loin d'elle.
- Alice, ouvre les yeux ! S'exclama Natie.
La jeune rousse leva les paupières, l'herbe, les fleurs, les petites pierres, tout était en train de léviter autour d'Alice qui en fut émerveillé. Elle bougea son bras droit pour pouvoir toucher une fleur et le vent comme si elle le contrôlait suivit le mouvement et écarta la fleur au loin. La jeune fille refit un mouvement avec le bras gauche et le même phénomène se reproduisit. Alice pétillait de joie et riait aux éclats, elle se mit à entamer des pas de danses comme une ballerine, le vent accompagna la moindre de ses farandoles. Dans la plaine, un véritable ballet se jouait entre la jeune rousse et la nature. Loga et Natie regardaient Alice comme il ne l'avait jamais vu, elle était en communion avec l'élément air, au comble du bonheur. Au bout de plusieurs minutes, Alice essoufflé se laissa tomber à terre sans pouvoir s'arrêter de rire, jamais elle ne s'était sentie aussi heureuse. Natie inquiète que son ami prenne froid vint le recouvrir avec son manteau.
- Tu vois Alice, dit Loga. Voici la magnificence de ton pouvoir, ne le craint pas, car il fait partie de toi.
- Oui, je comprends, merci Loga. Pfiou, je suis fatigué et subitement, je meurs de faim. Il te reste quelque chose à manger Natie ?
- Bien sûr, j'ai préparé suffisamment de nourriture vu que j'avais prévu que l'on serait trois.
- Alors vous ne verrez pas d'inconvénient à ce que je vous accompagne ? Alice, on va faire une pause le temps que tu te remettes, on reprendra après avoir mangé.
La jeune fille accepta, Natie déplia la couverture et tous le trois se mire à manger tout en discutant de la fête qui allait se dérouler le soir même. Loga qui n'avait jamais assister à la marche des lanternes, posa des questions sur cette fête païenne organisée à la fin de la saison hivernale. À la tombée de la nuit, tous les habitants d'Alone se réunissaient en ville, parmis les villageois une dizaine de personnes étaient choisi enfant comme adulte pour marcher le long de la route principal une lanterne accrochée à un bâton jusqu'au parvis de l'église. C'était à cet endroit que le Denaïm racontait l'histoire des jumeaux Veranella et Nero qui plantèrent la graine dans la lumière céleste donnant ainsi naissance à l'Arbre Monde. Vénéré comme des dieux par les ELériens, les habitants d'Alone leur offraient une fête particulière pour qu'ils leur apportent une culture convenable pour les saisons à venir.
- On en profite aussi pour s'amuser, il y aura des activités de toute sorte. Des jeux de rôles, une chasse au trésor et un bal sera même organisé, vous devriez venir Loga, ça va être fantastique, dit Alice.
- Je n'en doute pas, mais je ne sais pas si ma présence sera toléré, j'ai bien remarqué comment les villageois me regardent, je ne pense pas que cela soit une bonne idée que je vienne.
- Et si vous essayiez de vous intégrer, peut-être que cela sera différent, vous êtes à Alone que depuis peu. Laissez-leur un peu de temps.
- Je vais y réfléchir, je ne suis pas très à l'aise quand il s'agit de me mêler aux autres, je dois l'avouer dit Loga en se grattant la tête.
Natie chercha dans le panier le thermos et servit trois verres de chocolat qu'elle tendit à Loga et Alice.
- Alice attend chaque année cette fête, rien que pour assister au bal. Elle regarde les villageois danser la valse plein les yeux. Il y a bien des garçons qui l'invitent tous les ans, mais elle a toujours refusé de les rejoindre sur la piste, se moqua Natie.
- C'est n'importe quoi ! Je ne suis pas plus demandé que ça.
À l'évocation de son succès auprès de la gente masculine, la jeune fille se cacha le visage dans ses mains, contrairement à ce que pouvait bien dire sa voisine, Alice s'était toujours trouvée normale, pas plus belle qu'une autre. Comparée aux filles de sa classe, elle trouvait qu'elle avait peu de poitrine, un petit nez arrondi comme les bébés et un grand front. Pourtant, pour une raison qu'elle ignorait, Isaac, qui plaisait à toutes ses amies, n'arrêtait pas de lui tourner autour attendant qu'elle s'ouvre à lui.
- La beauté ne vient pas seulement de l'apparence, dit simplement Loga. Elle transparaît également à travers l'aura que tu dégages. Tu ne t'en rends peut-être pas encore compte Alice, mais ta beauté irradie à chaque fois que tu rayonnes et tu nous l'a bien montré tout à l'heure.
C'était plus qu'il n'en fallait pour Alice, trop de compliments la mirent dans tous ses états et finirent même par la gêner. Toujours la tête dans ses mains, la jeune rousse ne se rendit pas compte qu'une flammèche apparue à ses pieds et commença à embraser la couverture.
- Alice !!! Crièrent Loga et Natie à l'unisson.
Alice redressa la tête et vit le feu qui consumait tout autour de lui avec une rapidité déconcertante. Alice sauta sur ses pieds et recula de frayeur. Voyant que les filles étaient tétanisé, Loga agit très vite, il tendit les bras vers les flammes, avec ses mains, il absorba le feu puis le relâcha dans les airs où elles se dissipèrent emportées par une rafale de vent. Alice tomba à genoux sur ce qu'ils restaient de la couverture calcinée de sa mère.
- Vous voyez, je suis une véritable calamité, que vais, je bien pouvoir dire à maman.
- Ne t'en fais pas, on trouvera bien quelque chose à inventer. On aura qu'à lui dire que l'on a essayé de faire du feu avec des pierres et que du brasier est tombé sur la couverture.
- On peut essayer, mais maman est maligne, tu sais, elle voit tout, à chaque fois qu'avec Tali, on faisait des bêtises, on avait beau essayer de le cacher du mieux que l'on pouvait maman le découvrait à chaque fois. Dites Loga, comment avez vous fait votre tour, j'ai eu l'impression que vous contrôliez le feu pourtant vous nous avez jamais dit que vous étiez un élémentaliste.
Sans regarder la jeune fille, Loga s'agenouilla puis ramassa ce qu'il restait du repas.
- Ma connaissance des arts magique me permet certaines utilités assez pratiques pour me sortir de toute sorte de problème.
- Qu'est-ce que ça veut dire en gros, demanda Natie qui croisa les bras.
- Ma caste principale est celle de la transformation, mais comme j'ai beaucoup étudié les autres, je suis capable d'utiliser des techniques leur appartenant. J'ai par exemple un lien particulier avec le feu, je ne peux pas le faire apparaître comme Alice, mais je peux le résorber et le rediriger.
- Ah, ça, c'est pratique. Comme cela si je recommence mes catastrophes, vous pourriez tout effacer. Je me sens soudainement plus rassuré et motivé pour me remettre à l'entraînement, dit Alice les bras brandit en l'air.
- Parfait, alors allons y.
Loga et Alice se remirent au travail, cette dernière étant bien décidé à s'améliorer. Pour autant Loga décida que pour la journée, la jeune fille s'était suffisamment exercé, nul besoin de se précipiter, elle devait également apprendre une méthode pour se ressourcer après avoir trop usé de son pouvoir. Il invita Natie à les rejoindre, car l'exercice qu'il allait leur montrer pouvait lui être tout aussi utile.
- Les filles, vous allez vous asseoir en tailleur juste en face de moi et déposer vos mains sur vos genoux. Ensuite, concentrez-vous sur votre respiration afin de vous recentrer à l'intérieur.
Alice et Natie s'executèrent, assise côte à côte, elles fermèrent les yeux et firent comme Loga avait mentionné. Cela ressemblait beaucoup à l'exercice de tout à l'heure, Alice n'eut aucune difficulté à le reproduire ayant compris le principe. De son côté Natie semblait plutôt crispé et mal à l'aise. Pendant qu'elle se focalisait sur sa respiration Alice se sentit partir, des images se mirent à se matérialiser dans sa tête. Elle vit une jeune femme vêtue d'une robe blanche fendue et un ceinturon violet à corde autour de la taille. La femme au cheveu brun et court se trouvait assise sur la branche d'un arbre et cueillait des fruits qu'elle jeta dans un panier au pied de l'arbre. Alice trouva la jeune femme belle, une grande aura de gentillesse et de sagesse se dégageait d'elle. Un jeune homme d'environ son âge avec les cheveux noirs en bataille et vêtu d'une tenue cuirassé s'approcha de l'Arbre et appela la jeune femme. Quand celle-ci l'aperçu, un large sourire se dessina sur ses lèvres. Elle termina de remplir le panier puis sauta de la branche pour atterrir dans les bras du jeune homme. Tous les deux se regardèrent dans les yeux durant de longues secondes et le jeune homme fini par la déposer à terre. Ensemble, main dans la main, ils prirent le chemin d'un promontoire où s'étendait en contre bas une gigantesque cité en cristal d'argent. Au-dessus d'eux dans le ciel étoilé, Alice put apercevoir deux lunes, une bleue et une rouge. L'image se figea sur la lune rouge et la jeune fille sentit une force grandissante la forcer à rouvrir les yeux.
- Ça va, Alice, demanda Natie au-dessus de son amie.
Alice se redressa, elle ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer, que signifiait ces images.
- Soudainement, tu es tombé à la renverse, mais tu gardais toujours les yeux fermés comme plongés dans une profonde léthargie, dit Loga. J'ai préféré que l'on ne te réveille pas, tu as dû rentrer dans une profonde méditation. As-tu eu des visions ?
- Oui, j'ai vu un homme et une femme épris l'un de l'autre, la femme cueillait des fruits et quand elle termina, tous les deux se rendirent près d'une cité tellement belle que l'on peut en voir que dans les livres des comme ça. Et dans le ciel, il y avait deux lunes, une rouge et une bleue.
- Comme nos lunes à nous ? Demanda Natie
- Oui, dites Loga, cette cité était elle sur Eléria ? Si j'ai pu voir nos lunes, ça ne peut signifier que ça non ?
- Je peux me tromper, mais je ne crois pas, je pense que tu as vu une cité qui existait autrefois sur la lune mauve. Cet homme et cette femme devaient en être des habitants.
Loga regarda Alice étrangement comme s'il découvrait une nouvelle de ses facettes. Mirabelle l'avait prévenu que la jeune fille cachait une autre forme de pouvoir que peut-être elle-même ignorait, mais que ces véritables capacités mettrait peut-être un peu de temps à se révéler.
- As-tu déjà eu des visions comme celle-ci avant aujourd'hui ?
- À part dans mes rêves, c'est la deuxième fois que j'en ai. La première fois, c'était quand j'ai brûlé Erin, j'ai vu une bataille entre deux armées et une femme au centre qui utilisait la magie, puis celle de maintenant. Loga vous semblez songeur, ce ne sont que des images pas vrai, elles ne sont pas réel ?
Loga secoua la tête puis présenta sa main à sa protégée pour l'aider à se relever.
- Je pensais juste que nous devrions arrêter pour aujourd'hui, nous reprendrons un jour où vous n'aurez pas école. Rentrez chez vous et profiter bien de la fête de ce soir.
Alice et Natie se regardèrent étonné de devoir repartir aussi tôt, la jeune élémentaliste remarqua que son instructeur était tendu, les yeux dans le vague. Elle ne désira pas l'importuner davantage et poussa Natie qui le remerciait pour sa leçon. Sur le chemin de la ferme, Alice réfléchit ardemment à quel mensonge elle allait pouvoir inventer pour contenter sa mère.
A plusieurs kilomètres d'Alone, dans la ville commerçante de Rezia connu pour son gigantesque marché, une jeune fille à la chevelure blonde montant une motocyclette roulait à bonne allure dans les rues de la ville. Elle arriva en vue d'un haut bâtiment où était inscrit sur la façade "Hotel Linton". La jeune fille s'arrêta juste devant l'entrée ce qui déplut à un monsieur qui en gardait la porte.
- Mademoiselle, ce n'est pas un endroit pour se garer ! Veuillez s'il vous plaît déplacer votre véhicule. La jeune fille vêtue d'un chandail bleu et d'un pantalon large retira son casque, fouilla dans sa poche et en sortit des lunettes rondes qu'elle plaça sur ses oreilles. Sans elle, la jeune fille était pratiquement myope, elle n'arrivait pas à dévisager son interlocuteur.
- Désolé monsieur le portier, je suis très pressé et je n'ai pas le temps d'aller trouver une place pour me garer. Il y a tellement de monde dans les rues que cela risque me prendre plusieurs minutes rien que pour trouver un autre endroit pour me garer. Pouvez-vous faire une exception, je suis attendu par le Sénateur de Pondéric.
La jeune fille présenta une carte au monsieur vêtu d'un costume vert, du képi aux chaussures, car c'était là l'uniforme des portiers de Provos. Sur la carte, il put lire le nom d'Izia Constance de Ponderic. Le portier se mit à bafouiller de plates excuses et invita la jeune demoiselle à rentrer. Izia donna les clefs de sa motocyclette au portier en lui demandant de veiller dessus puis elle s'engouffra dans l'hôtel en passant une porte tournante. Izia déboucha sur un hall de luxe avec un revêtement de sol en damier, un lustre éclatant au plafond et des fauteuils en velours dissimulé un peu partout dans la grande pièce. La jeune fille grimaça en voyant l'aspect de l'hotel, elle avait horreur de ces lieux pompeux qui semblaient réservés à une seule classe. Izia se dirigea sur sa droite en direction de la réception et demanda au réceptionniste vêtu d'un costume cravate quel était le numéro de la chambre du Sénateur. L'homme dévisagea la jeune fille, en particulier sa tenue vestimentaire et lui refusa tout bonnement de répondre à sa question, car ses habits n'étaient pas réglementaires. Dans l'hôtel Linton, les femmes n'avaient pas le droit au port du pantalon. Cette réflexion mit la jeune fille hors d'elle, ses cris se répercutèrent dans tout le hall, elle trouva cela inadmissible que sa présence ne soit pas toléré tout simplement parcequ'elle ne portait pas de tenue plus féminine. Au niveau des ascenseurs, l'une des portes s'ouvrit, un homme d'âge mûr ayant la cinquantaine bien tassé portant un costume trois pièces noires et une canne dans sa main droite fronça les sourcils quand il entendit les cris de la jeune fille.
- Izia !! C'est encore toi qui fais de l'esclandre ? Veux-tu bien te tenir s'il te plaît, tu me fais honte
En voyant son père, la moustache frémissante, la demoiselle se calma et alla à sa rencontre. Le Sénateur attrapa le bras de sa fille et la fit monter dans l'ascenseur sous le regard médusé des résidents de l'hôtel et du réceptionniste dont l'embarras se lisait sur le visage, le pauvre n'avait pas pu en placer une seule. Dans l'ascenseur le père et la fille ne s'adressèrent pas la parole, chacun évitait de se regarder. Arrivé au troisième étage, une clochette retentit, les portes s'ouvrirent sur un couloir au mur blanc et au sol une moquette parfaitement aspirée. Le Sénateur ouvrit la deuxième porte sur la droite et invita sa fille à entré. Izia découvrit une pièce spacieuse et charmante avec un grand canapé circulaire et des peintures accrochées aux murs. Izia se dit intérieurement que son père ne se refusait rien et que faire partie du gouvernement devait accorder bien des privilèges. Elle se jeta ensuite dans le canapé, posa ses deux pieds sur une petite table basse et croisa les bras.
- Enlève tes pieds veux tu, la femme de ménage est passé il n'y a pas longtemps. Ou bien souhaites tu que je la rappelle, elle en sera ravie. Il ne me semble pas t'avoir élevé avec autant de désinvolture.
Izia confuse retira ses pieds de la table et s'installa plus correctement dans le canapé.
Le Sénateur se rendit près d'une armoire, en sortit une bouteille de whisky et se servit un verre. Il demanda ensuite à sa fille si elle désirait boire quelque chose, mais elle lui répondit nonchalamment qu'elle n'avait pas soif.
- Pourquoi m'as tu fait venir ? Visiblement, tu n'as pas l'air content de me voir.
- Qu'est ce qui te faire dire ça, dit le Sénateur en portant son verre à sa bouche.
- Il y a près d'un mois que l'on ne s'est pas vu, tu n'es jamais à la maison et quand enfin, on se voit, tu me fâches. C'est toi qui m'a demandé de venir à Rezia en plus...
Le Sénateur marcha vers le canapé et s'assit à côté de sa fille qui lui tourna la tête s'intéressant soudainement plus aux peintures qu'à son père.
- Ta mère m'a envoyé un télégramme pour m'annoncer que tu séchais les cours depuis une semaine et que tu étais parti chez nos cousins à Brea. Tu ne peux pas faire ça, sais tu combien nous mettons d'argent dans les études de biologie que tu as toi-même choisi.
Izia se mordit la lèvre, comment avouer à son père que ces études ne l'intéressait plus et qu'elle s'était découverte un nouveau plaisir dans la recherche archéologique. Depuis toute petite, la jeune fille s'était toujours intéressé à l'étude du vivant, les plantes et les animaux, mais le traitement qu'en faisait les chercheurs à l'Académie avait fini par la dégouter.
- Izia est ce que tu m'écoutes, tu vas me faire le plaisir de retourner à Medellin. Ta mère et moi n'aurions jamais dû t'offrir cette motocyclette pour tes dix-huit ans, parce que tu es la dernière de tes frères et sœurs on te gâte beaucoup trop.
- En même temps, ils n'ont pas besoin d'être gâté vu que mes sœurs ont été marié à des hommes riches quant à mes frères l'un est avocat, d'ailleurs tu l'as aidé à avoir une bonne clientèle et l'autre est le directeur d'un commerce de verrerie.
Le Sénateur se leva et alla à la fenêtre qui donnait sur la rue de l'entrée de l'hôtel.
- Je fais ce qui est le mieux pour mes enfants et pour toi aussi. Grâce à moi, tu as pu débuter les études que tu désirais tant avant tes 20 ans.
- C'est faux, j'ai travaillé dur, toujours plongé dans les livres du matin au soir, d'ailleurs, tu y as veillé personnellement. C'est moi seule qui suit parvenu à satisfaire les enseignants grâce à mes notes.
Izia regarda son père furieusement, elle n'acceptait pas le fait qu'il s'accorde toute la gloire de sa réussite, elle avait toujours eu la sensation qu'il s'était montré plus sévère avec elle qu'avec ses frères et sœurs.
- Je ne peux ignorer que tu as travaillé dur et je suis fier de toi pour ça. Cependant crois-tu vraiment que les pontes de l'Académie aurait accepté une jeune fille de 18 ans, si je n'étais pas intervenu derrière. Oh Izia ! Si tu le crois, c'est que tu es vraiment trop naïve.
La jeune fille fit une moue qui en disait long, elle ne trouva rien à répondre à son père qui encore une fois avait eu le dernier mot. Le Sénateur se retourna, secoua son verre de Whisky et regarda tendrement sa fille qui lui tournait le dos.
- Je rentrerai bientôt à la maison, j'ai encore quelques réunions à effectuer. À Rezia, nous sommes en train d'élaborer la construction d'un réseau ferroviaire de marchandises pour alimenter les villes le plus rapidement possible. C'est l'affaire de deux ou trois jours.
Izia hocha la tête, si son père ne rentrait pas immédiatement, elle avait peut-être encore le temps de faire ce pourquoi elle était venu dans les parages. Le Sénateur de Ponderic lui demanda si elle désirait rester pour la nuit, mais Izia refusa, elle prétexta à son père que si elle partait maintenant, elle pourrait être de retour chez leur cousin avant la tombée de la nuit. Sur ces mots elle alla serrer son père dans ses bras puis elle quitta le salon et repris l'ascenseur pour sortir de l'hôtel. Le portier satisfait d'avoir surveillé la motocyclette comme Izia le lui avait demander lui tendit les clefs le sourire jusqu'aux oreilles. Au moment où Izia enfila son casque, elle entendit le trottinement de chevaux passer non loin d'elle. Deux chevaliers de Medellin, un homme ayant la trentaine et un adolescent à la peau noire se frayaient un passage dans la rue. La jeune fille tendit l'oreille quand ils mentionnèrent le nom d'Alone.
- Sir Loklace, vous connaissez bien ce village, Alone, demanda Matt.
- Pas le moins du monde, c'est un petit bourg isolé qui n'est pas sous la juridiction du gouvernement. Nos lois n'ont pas lieu là-bas, ils sont libres d'agir comme il le désire. Cependant, j'ai entendu dire que même eux avait interdit toute forme de magie.
- C'est étrange, pourquoi le gouvernement refuse de s'immiscer dans la vie de ce village. Serait ce à cause de la forêt de Doucelune et de ce qu'elle cache.
- C'est possible, mais dans ce cas, le Valido ne m'aurait pas demandé de m'y rendre... Non, il doit y avoir autre chose, j'espère que nous trouverons les réponses à tout ce mystère une fois là-bas.
Les deux chevaliers passèrent derrière Izia et continuèrent leur chemin sans se rendre compte qu'elle avait écouté la conversation. Elle sortit de sa sacoche qu'elle portait en bandoulière un livre avec sur la couverture un emblème avec deux ailes au dessus d'une étoile à 7 branches et elle se mit à le feuilleter. Lorsqu'elle tomba sur une page avec l'illustration d'une forêt dense. Elle ne put s'empêcher de sourire d'un air malicieux.
- Doucelune, la magie, le berceau... Intéressant ! Messieurs, je crois que nous allons dans la même direction.
Izia rangea le livre dans sa sacoche et fit vrombir le moteur de son véhicule. Au lieu de suivre la direction des chevaliers de Medellin, elle partit en sens inverse afin d'arriver la première dans la forêt. Izia comptait bien découvrir avant tout le monde le secret de Doucelune, car c'était une de Ponderic et sa famille réussissait toujours.