Chap 6 : Le réveil de la magie
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Chap 6 : Le réveil de la magie
Alice resta de longues minutes à contempler l'horizon, pendant qu'elle reprenait des forces, elle se laissa aller à imaginer ce qu'il pouvait bien y avoir de l'autre côté de la mer. Cilène avait mentionné un pays appelé Danar, mais qu'en était-il de ses habitants, vivaient-ils comme le pêcheur et sa femme dans des maisons en toit d'algues ou peut-être que ce pays abritait des villes immenses, les gens marcheraient sur des grandes rues pavées allant dans toutes les directions. La nuit, les villes seraient illuminées pour permettre aux résidants de se repérer plus facilement dans le noir. Il pourrait y avoir de grandes maisons à plusieurs étages serrée les unes contre les autres et la fête bâterai son plein tous les jours, jongleur, cracheur de feu et autre prestidigitateur déambulerai au milieu des passants accompagnés par une musique enivrante. L'imagination de la jeune fille déborda, sur une carte postale qu'elle avait aperçue en passant devant le bureau du facteur de Alone, les rues de Medellin étaient bondées lors du carnaval, la joie se lisait sur les riverains et Alice avait cru que c'était tous les jours comme ça à la capitale. Une lettre de sa sœur avait vite à faire de lui faire retomber les pieds sur terre.
L'air rêveur, perdu quelque part sur la lune, la jeune rousse ne remarqua pas le retrait soudain de la mer, une grosse vague s'éleva au-dessus d'elle et vint littéralement l'éclabousser.
- Oh non ! Je suis toute mouillée maintenant.
Alice retourna sur la plage, Gaspard qui avait assisté à toute la scène du haut du toit ne put s'empêcher de rire lorsqu'il vit la jeune fille surprise par la vague.
- La mer peut se montrer très capricieuse par moment, va donc te réchauffer près de la cheminée, lui cria-t-il.
Alice ne se fit pas prier, elle alla retrouver Cilène qui sortait de la chambre de son fils avec des draps sale à la main, elle venait de refaire le lit. Quand elle vit Alice ruisselante de la tête aux pieds, elle ne put s'empêcher de porter ses mains à ses joues.
- Bonne mère ! Que t'est t'il donc arrivé ?
- J'étais en train d'imaginer comment était la vie de l'autre côté de la mer quand une vague m'a éclaboussé. C'est invraisemblable, je ne m'étais pas enfoncé très loin dans l'eau pourtant, dit Alice.
- Enlève-moi de suite ces habits, je vais les faire sécher. Tu vas finir par attraper une pneumonie, regardes moi ça, tu tremblotes.
Cilène aida Alice à se dévêtir, elle ralluma le feu de la cheminée et fit étendre les habits sur une corde à linge. Puis elle parti fouiller dans ses vêtements afin de trouver une robe qui lui conviendrait. Malheureusement, aucune était à la taille de la jeune fille qui était bien plus frêle que la femme de maison. Cilène eut une idée, elle enleva son tablier et se rendit chez la voisine qui avait une fille un peu plus âgée qu, Alice. Elle revint très vite avec une robe marron munie de manche courte et blanche. En voyant la tenue, Alice constata qu'elle ressemblait beaucoup aux vêtements que les habitants de Provos portaient le siècle dernier. En voyant le mode de vie des Tomasson ainsi que leur tenue, Alice se dit que ce monde ne devait pas être si différent du sien.
Tandis qu'elle se réchauffait près du feu, la porte d'entrée s'ouvrit sur un Gaspard bien content d'avoir terminé son travail qui lui avait pris plusieurs heures, il enleva son beret et sa veste qu'il posa sur le porte manteau puis se mit à table. Il attrapa la bouteille d'eau-de-vie et se servit un verre qu'il but d'une traite sous l'œil ahuri de la jeune fille.
- Ahhh rien n'est meilleur qu'un bon verre après le travail, ça redonne des forces. Tiens donc ma petite dame, tu t'es changé ?
Alice acquiesça sans rien dire, elle était stupéfaite de voir le pêcheur boire un alcool aussi fort d'un coup et de ne pas tomber dans les pommes après. Les hommes de la mer, serait-il plus costaud que les autres ?
- Cette robe te va bien, je suppose qu'elle doit être à la jeune Nadia, la fille des voisins. Je suis sûr que si tu la rencontrais, vous vous entendrez très bien toute les deux, c'est une fille maligne et bien éduquée.
- Merci, vous pensez que je pourrai aller la voir pour la remercier de m'avoir prêter sa robe, elle ne me connaît pas, c'est gentil à elle.
- Hummm, je pense que cela peut se faire. Cilène ?
Cilène était en train de laver les draps à l'extérieur dans un large bloc à lessive maçonné qui recueillait l'eau de pluie. Elle passa sa tête par la fenêtre affichant un air exaspéré d'avoir été dérangé.
- Qui a-t-il ? Fais vite, j'ai les mains dans la lessive.
- Oups, pardon ! La petite veut voir Nadia, elle était là quand tu t'es rendu chez les voisins?
- Aurais-tu oublié, qu'elle a trouvé une place en tant que domestique auprès de la Comtesse? Seule sa mère était présente, la pauvre était dans tous ses états, car elle ne savait pas quoi porter pour la Présentation. Elle m'a autorisé à prendre l'une des robes que sa fille ne portait plus.
- Suis-je bête, c'est vrai, tu as raison. Désolé ma petite dame, Nadia ne vit plus chez ses parents, elle a une chambre au domaine des Liorel. C'est la nouvelle habilleuse de la Comtesse.
- Tant pis, mais dîtes moi qu'elle est cette Présentation dont vous parliez ?
- Ah ça... Commença le pêcheur tout en se servant un autre verre.
- Gaspard ! Laisse la bouteille tranquille, tu as assez bu, n'as tu donc pas lu l'étiquette s'indigna Cilène.
Gaspard repoussa à contrecœur la liqueur d'eau-de-vie, bien sûr qu'il l'avait lu, mais la boisson était tellement bonne qu'il ne pouvait y résister. Alice pouffa de rire en cachette, le comportement de Cilène avec Gaspard lui faisait penser à sa mère et à son père. À la maison, c'était Telessa qui avait le plus de caractère et Jin discutait rarement les ordres de sa femme, tous les deux se complémentaient l'un était doux et avenant, l'autre était intransigeante et réfléchi.
- Bref où j'en étais continua Gaspard. Ah oui, la Présentation, cette après-midi vers 16h, le Comte et la Comtesse de Liorel présenteront aux habitants de l'île leur nouveau-née. Cela se passera dans leur domaine, le manoir à la sortie du bois.
- Toute l'île y sera ? Ça va faire beaucoup de monde.
- Tout le monde ne pourra pas y assiter ma chérie, seul ceux qui arriveront les premiers auront une chance de pouvoir voir l'enfant, dit Cilène.
- Oh ; c'est dommage, j'aurais bien voulu y aller. Ce doit être merveilleux comme événement, toutes ces personnes qui se déplacent pour voir un enfant qui vient de naître, on ne voit pas ça tous les jours.
Gaspard et Cilene se regardèrent, d'un air entendu, ils arrivèrent à la même conclusion.
- Et, bien pourquoi ne viendrais tu pas avec nous, dit la femme de maison.
- Vraiment ? Je peux venir ?
Alice avait bondi si vite qu'elle en avait fait tomber son tabouret, elle s'étonna elle-même de son enthousiasme soudain.
- Pour ma part, je n'y vois aucun inconvénient et puis cela nous fera de la compagnie sur le trajet.
- Je ne suis pas contre non plus, qui sait parmi tout ce monde, tu rencontreras peut-être quelqu'un que tu connais. Laissez-moi juste terminer de laver mon linge et on pourra partir, dit Cilene.
C'est ainsi qu'une heure plus tard lorsque le coup de gong de la pendule mural sonna 14 h, Alice, Cilene et Gaspard prirent la direction du domaine des Liorel. À défaut d'avoir des chevaux, Gaspard avait harnaché des bœufs à la charrette, les autres allaient sûrement se moquer de lui, car il n'avait pas les moyens pour s'acheter un cheval, mais le pêcheur ne s'en préoccupait pas, car les bœufs étaient certes moins rapide, mais bien plus résistant. Durant le trajet, Alice posa beaucoup de questions au couple Tomasson sur la vie sur l'île et Gaspard se faisait un plaisir de lui répondre. Il existait qu'une seule grande ville appelé Lubenadt ainsi que plusieurs petites maisons comme la leur dispersées sur l'île. La ville comptait environ 10 000 âmes qui vivaient de la pêche avant tout, mais également grâce à la fabrique de sel, un bâtiment de plusieurs mètres de hauteur basé non loin de la mer. Le sel de l'île était réputé dans les pays voisins, c'était dû au fait que l'île était pratiquement trempée dans le sel, les eaux qui s'infiltraient sous la terre se cristallisaient dans de grandes prairies salées entourant la fabrique. Les bœufs arrivèrent à une bifurcation, Gaspard leur ordonna de prendre au sud pour suivre le chemin qui devait leur faire traverser la toundra, en passant Alice aperçu au loin la fabrique qui surplombait aisément les arbres par sa hauteur. Quantité d'animaux sauvages vivaient dans cette grande étendu marécageuse qu'était la toundra, des loups, des renards, des élan, et même le bœuf musqué cher au pêcheur. Durant l'hiver, les étendues d'eau qui se formaient après de fortes pluies se transformaient en petit étang verglacé, les enfants adoraient venir jouer sur la glace. La jeune fille se demanda si ce n'était pas un peu dangereux, car la glace pouvait se briser et les enfants se noyer, Cilène lui répondit que les enfants avait tendance à échapper régulièrement à la surveillance de leurs parents pour venir jouer dans le coin, mais qu'heureusement aucun drame n'était arrivé jusqu'à maintenant. Les fréquentes tempêtes de neige par contre, causaient des morts chaque année.
La route qui traversait la toundra était rocailleuse et crevassée, à chaque fois qu'une des roues tombait dans un trou, Alice assise à l'arrière au-dessus d'une roue sentait ses dents se cogner l'une contre l'autre, elle faillit se mordre la langue à plusieurs reprises. La route qui traversait la toundra était rocailleuse et crevassée, à chaque fois qu'une des roues tombait dans un trou, Alice assise à l'arrière au-dessus d'une roue sentait ses dents se cogner l'une contre l'autre, elle faillit se mordre la langue à plusieurs reprises. Alice n'aperçut pas beaucoup d'animaux à part quelques lièvres qui filaient se cacher à l'approche de la charrette et des marmottes qui sortait leur tête de terre par curiosité. Elle aperçut aussi des élans, mais ceux-ci étaient bien trop occupés à manger pour faire attention à eux. Cilène, assise au côté de son mari, se tourna vers la jeune rousse qui affichait un air de déception.
- Ça va derrière ?
- La route est assez instable, j'ai l'impression de sentir mon cœur sauter dans ma poitrine au moindre choc, mais à part ça, tout va bien. Je suis très contente d'être du voyage, j'aurais apprécié voir un peu plus d'animaux sauvages par contre.
- Tu n'en verra pas beaucoup par ici, les habitants de l'île viennent chasser les animaux soit pour la nourriture soit pour leur fourrure. Sur la face nord, c'est différent, le Comte a donné l'ordre à ce que personne ne chasse là-bas. C'est une zone de non-droit, grâce à cela, les animaux peuvent y vivre en liberté et on peut y apercevoir tout un tas de races, des Ours blanc, des chouettes Harfang, des lagopèdes, des lemmings, oh et des pingouins aussi.
- Whoua, je n'ai jamais vu ces animaux de ma vie à part dans des livres, le Comte a eu raison d'y interdire la chasse. Est ce lui qui dirige l'île ?
- L'île du Croissant appartient à la famille Liorel depuis cinq générations, l'Empereur de Danar de l'époque a fait de son meilleur maréchal un Comte, car ce dernier désirait épouser une demoiselle de la noblesse. Sauf qu'une noble ne peut épouser qu'un noble, alors suite à ses prouesses militaires, l'Empereur hissa le maréchal au rang de Comte et lui donna comme fief l'île du Croissant.
- D'où je viens à Alone, le Baron Auclair détient la moitié de la ville, les commerces en particulier, mais ce n'est pas lui qui la dirige, la tâche en revient à notre Maire. La fille unique du Baron est dans ma classe, je ne l'apprécie vraiment pas. Elle est hautaine et méchante et...
Alice s'arrêta net, elle repensa à la blessure qu'elle avait infligée à Erin, avec tout ce qui s'était passé depuis sa rencontre avec Loga, elle en avait presque oublié que sa camarade avait juré de se venger.
- Vous ne vous entendez pas très bien, on dirait, dit Gaspard. Ne te laisse pas abattre, les nobles ont un statut de privilégié, ils ne comprennent pas comment vit le bas peuple. Si tu gardes ça à l'esprit, la prochaine fois que tu parleras avec ta camarade, tu pourras agir en conséquence si une dispute venait à éclater.
Les sages paroles du pêcheur firent mouche auprès de la jeune fille, la prochaine fois qu'elle croiserait, Erin, elle essayerait d'apaiser les tensons entre elles et s'excuserai de l'avoir blessé. Alice avait été l'une des premières amies d'Erin quand Mr Auclair et ses filles arrivèrent de Rezia. Erin se sentait perdue au milieu de visage inconnu et Alice l'avait très vite prise comme amie, car son allure et comportement de fille de bonne famille lui plaisait, elle savait toujours comment agir avec tact et diplomatie. Une longue amitié dura entre elles, mais arrivé à l'adolescence, aux premiers émois amoureux, Erin tomba sous le charme d'Isaac le fils du Maire qui lui n'avait d'yeux que pour Alice. À ce moment une rivalité nacquit entre elle et leur amitié se brisa. La charette ralentit tout doucement, en face des milliers de personnes stationnaient en face d'un bois. Alice se leva pour mieux voir au-delà de tout ce monde, elle aperçut en fait que le bois était entouré par une barrière et que les gens ne pouvaient pas passer parcequ'un portail avec ce qui ressemblait être un oiseau comme ecusson leur bloquait le passage.
- Je ne m'attendais pas à ce qu'autant de monde fasse le déplacement, on n'aurait peut-être pas dû venir, soupira Gaspard.
- Moi non plus, mais bon, on ne va pas faire demi-tour maintenant alors qu'on est arrivé jusqu'aux portes essayons de nous frayer un passage. Dit Cilene.
- Parmi la foule ?! Ça va être difficile, même une fourmi ne pourrait pas passer. En plus, entends-tu ce chahut, les esprits sont déjà en train de s'échauffer...
Alice entendit effectivement des hommes et des femmes impatient d'attendre l'ouverture du portail hausser le ton, certain se chamaillait même avec leur voisin. Un homme au menton mal rasé et un bout de sa chemise qui dépassait de son pantalon s'en prenait verbalement à un homme de plus petite taille. De là où elle se trouvait Alice n'entendait pas le motif de leur dispute, mais l'homme au menton mal rasé semblait très en colère, car son visage était tout rouge et il serrait les poings comme s'il se retenait de frapper l'homme en face de lui. Gaspard connaissait l'homme de plus petite taille, il descendit du chariot laissant les rênes à sa femme et vint s'interposer entre les deux hommes.
- Tiens, tiens ne serai ce pas le bon vieux Tomasson, lança l'homme au menton mal rasé.
- Tab, je peux savoir ce qui se trame par ici ?
- Une heure que je suis là attendre l'ouverture des portes, j'en ai assez, je retourne chez moi, mais ce benêt de Iarol bloque le passage, je ne peux pas faire demi-tour.
- Je ne suis pas le seul, d'autres chariots et charettes bloque le passage, quand bien même je te laisserai passer, tu n'arriverais toujours pas à sortir, bafouilla Iarol.
- Peut-être, mais toi tu es juste derrière moi et si les autres voient que je te menace, ils consentiront à bouger, grommela Tab qui commençait à faire craquer ses phalanges.
Le dénommé Iarol apeuré recula pour aller se cacher derrière Gaspard celui-ci s'avança dans le but de calmer l'individu à l'allure belliqueuse.
- Ne te mêle pas de ça Tomasson, à moins que tu ne veuilles passer sous mes poings en premier.
Alice sentit que la dispute allait vite dégénérer, elle ne voulait pas que Gaspard se prenne un coup-de-poing qui ne lui était pas destiné. Elle sauta à terre afin de calmer la tension qui régnait entre les trois protagonistes, Cilene tenta de l'arrêter tant bien que mal, mais la jeune fille n'écoutait déjà plus, tout autour d'elle les voix s'intensifiaient, toutes plus furieuses les unes que les autres. Quelque part sur sa droite deux femmes se disputaient, car l'une était arrivée avant l'autre et ne voulait pas céder sa place, ailleurs deux autres personnes se chamaillaient pour une histoire de vol... Hommes et femmes n'étaient plus présents dans un but communautaire, assister à un événement qui réunirait tout un peuple, mais plutôt pour des désirs égoïstes. Alice courra vers Gaspar manquant de trébucher à plusieurs reprises, elle se faufila parmi les gens et leur moyen de locomotion, plus elle se rapprochait et plus la scène semblait se dérouler au ralenti, elle voyait l'homme en face du pêcheur reculé son bras prêt à frapper, Gaspard ferma les yeux et leva les bras pour se protéger le visage. Soudain, dans la plaine, tout se figea, il n'y eut plus aucun bruit, les gens s'arrêtèrent de parler, les oiseaux de gazouiller, plus personne ne bougeaient. Alice regarda autour d'elle intriguée par ce qu'il se passait, le temps s'était comme bloqué. Puis les uns après les autres, excepté la jeune fille, ils disparurent la laissant seule en face du portail.
- Qu'est-ce qui se passe ? Où êtes-vous ? Cria Alice.
Le portail s'ouvrit silencieusement comme par magie, ne sachant quoi faire d'autres et ne désirant pas rester seule, Alice entra dans le bois. Elle suivit un sentier bordé de châtaigniers, de pins et plein d'autres arbres abritant la vie. Pourtant, au fur et à mesure qu'elle avançait, la nature s'étiolait, les feuilles disparaissaient et les troncs se noircissaient. Alice avait la sensation d'être ailleurs, de ne plus être dans le même monde. À la sortie du bois, une vue d'horreur sur le ciel s'offrit à elle le soleil sur le point de se coucher avait pris une teinte crépusculaire, mais le plus incroyable était le trou noir qui apparut derrière les nuages. La jeune rousse les yeux rivés sur le trou dans le ciel déboucha dans une cour intérieure où un jardin fleuri avait gardé toute sa beauté. Le manoir quant à lui n'était plus que l'ombre de lui-même, toutes les fenêtres avaient été condamné et une partie de l'aile ouest s'était effondré, l'adolescente traversa la cour au pas de course et se rendit à la porte du manoir. Alice espérait se réfugier à l'intérieur, ce soudain changement d'atmosphère la terrorisait, elle frappa à plusieurs reprises, fit tinter la sonnette, mais personne ne répondit.
- S'il vous plaît, il y a quelqu'un?
Alice posa la main sur la poignée prête à ouvrir la porte quand une voix familière retentit dans son dos.
- Alice, n'ouvre pas cette porte, le moment n'est pas encore venu.
L'interpellé reconnue la voix de Mirabelle, elle se retourna faisant onduler ses longs cheveux et la vit vêtue d'une cape bleu nuit marcher à sa rencontre. Heureuse de voir la vieille dame, elle sauta en même temps les quatre marches du petit escalier menant au perron.
- Mirabelle ! Que je suis contente de vous voir. Que faites vous dans cet endroit aussi lugubre, est ce Loga qui vous a également envoyé ici ?
La vieille dame releva sa capuche pour mieux laisser apparaître son visage. Elle était telle qu'Alice l'avait rencontré dans ses songes, des cheveux grisonnants tombant sur ses épaules, des yeux bleus aussi pur que les siens et malgré les rides qui marquaient le poids des années, la jeune fille ressentait en Mirabelle quelque chose de jeune et de sage en même temps. Alice remarqua qu'elle portait dans son dos un étrange instrument de musique très imposant.
- Pas exactement, en vérité, c'est toi qui m'y a rejoint. Tu te trouves en ce moment sur mon monde.
La vieille dame confirma ce qu'elle pensait depuis qu'elle avait aperçu la mer et que Cilene lui avait raconté son arrivée subite sur l'île du Croissant à savoir son passage d'un monde à l'autre. Alice dépassa Mirabelle les yeux à nouveau rivés sur le trou noir, puis elle regarda tout autour d'elle le désastre qui s'était produit en ces lieux, la nature qui s'en était allé dans les bois et dans les ruines du Manoir. Non, elle n'était décidément pas sur Eléria, son monde dégageait une atmosphère plus agréable, l'endroit où elle se trouvait était dense et électrisé, comme si la gravité terrestre avait augmenté. Mirabelle lit dans les yeux de l'adolescente, la crainte qu'elle éprouvait en ce moment.
- Le monde de Galak est en train de perdre son énergie vitale, c'est une question de temps avant qu'il ne disparaisse dans les ténèbres.
La vieille dame montra à Alice le trou noir.
- Ceci en est la cause, depuis qu'il est apparu la vie se meurt ici-bas.
Alice se tourna vivement vers Mirabelle, alarmée par ce qu'elle venait de lui annoncer.
- Vraiment ? Si vous dîtes vrai, on ne peut pas rester les bras croisés ! Que va-t-il advenir des habitants de ce monde ?
Mirabelle invita Alice à venir s'asseoir sur un banc en marbre à côté des restes d'une fontaine avec la sculpture d'un petit-enfant tenant une jarre à son sommet.
- Voilà maintenant bien des années que j'arpente les villes et villages de ce pays sans rencontrer âme qui vive. Je ne sais pas en ce qui concerne le reste du monde, mais au Danar, la population semble avoir disparu. Peut-être on t'ils décidé de trouver refuge ailleurs.
- Comment est ce possible ? Il y a une heure à peine, j'étais en compagnie de Cilene et Gaspard, deux gentils fermiers qui m'ont recueilli à mon arrivée sur l'île. On se rendait justement au manoir quand subitement le temps s'est arrêté et je me suis retrouvé sous ce ciel horrifique.
- Arrêté, tu dis ? Serait-il possible que tu...
Mirabelle regarda Alice comme si elle la voyait pour la première fois. Les informations qu'elle détenait à son sujet dépassaient son entendement. Toujours est-il qu'elle était venue pour l'aider. Alice de son côté attendait des réponses de la vieille dame.
- Mirabelle, que s'est-il passé ? Pourquoi Loga m'auraient envoyé sur ce monde s'il est sur le point de disparaître.
- Je pense que lui-même l'ignorait, comme tu as pu le voir par toi-même, l'état de la planète Galak n'a pas toujours été aussi catastrophique. Il y a 300 ans, une maladie a déferlé dans le pays, il y eut de nombreuses victimes. Pour échapper au fléau, les habitants se sont dirigés vers l'ouest, malheureusement, ils contaminèrent les peuples des autres pays. Avec le temps, la maladie s'est peu à peu dissipé les survivants espérèrent pouvoir retrouver la vie qu'ils avaient laissés, le sort en a été tout autre, car une vague de sécheresse frappa le monde entier. La famine s'installa très vite, car il ne pleuvait plus et les récoltes ne donnaient plus rien. Le peuple de Galak se retrouva très affaiblit, c'est à ce moment qu'ils sont arrivés.
- Qui ça ? Demanda Alice
- Une armée maléfique venue d'on ne sait où, il se faisait appeler le Gelagas. Ils ont profité de la faiblesse du peuple pour envahir les pays et le soumettre aux ténèbres.
- C'est horrible ! Dans quel but on t'ils fait ça ?
- Dans un but de chaos, de destruction, répandre la terreur ou juste conquérir, je l'ignore, il y a tellement de raison de vouloir s'emparer de quelque chose qui ne nous appartient pas.
Alice trépignait, en entendant Mirabelle raconter le passé de Galak, elle n'avait plus envie de rester sur ce monde, pourtant, elle n'avait toujours pas réussi à découvrir comment éveiller sa magie. La jeune fille entendit soudainement une sonorité aiguë venant du manoir se répéter en echo. Alice se leva et se dirigea dans sa direction comme hypnotisée par le son . Mirabelle entendait également le son, elle comprenait ce qui était en train de se passer. Alice se positionna en face du manoir, elle ne semblait plus elle-même et son regard était vide. Le son s'arrêta, une lumière violente sortit de toutes les fenêtres du manoir faisant éclater les planches et la frappa de plein fouet. Son corps, entouré d'une lumière jaune, se retourna à l'horizontale flottant au-dessus du sol. Tout à coup des cris de fureur sortir du néant.
- Le manoir a répondu à ta détresse, il a dû ressentir ton envie de partir, dit Mirabelle en posant une main sur le front de la jeune demoiselle. Maintenant Alice, avant qu'il ne soit trop tard laisse moi jouer le rôle pour lequel je suis venu à ta rencontre. Avant toute chose, j'aimerais que tu me pardonnes, car j'ai commis une erreur lorsque tu étais enfant. Tu aurais dû grandir en tant que magicienne et ne jamais oublié la magie qui est tienne, tu aurais alors développé des pouvoirs tels que les miens, malheureusement, j'ai dû sceller ta magie à la demande de tes parents. Le corps d'Alice fut pris de légère secousse et dans le néant un nouveau cri de fureur éclata suivit de fissures craquelant le vide.
- Les sbires du seigneur des ténèbres seront bientôt là, ils tentent d'ouvrir un passage entre les dimensions. Il doit savoir ce que je suis en train de faire et fera tout pour empêcher le réveil de ta magie. Je ne les laisserai pas faire.
Mirabelle fit tourner son bâton entre ses deux mains puis enferma le corps de la jeune fille dans une bulle. Les fissures s'agrandirent, des mains velues sortirent de nulle part tentant d'ouvrir le passage. Portant toute son attention sur le corps de la jeune fille, Mirabelle commença une incantation.
Alors que son corps était endormi, l'esprit d'Alice lui se trouvait dans une salle blanche, à ses pieds un gigantesque organigramme était dessiné, dans des hexagones reliés les uns les autres des mots étaient écrit. Alice reconnut le nom de sa planète écrit dans l'hexagone au centre, un peu plus loin elle vit le nom de Galak qui était écrit. Cinq piedestal sortirent du sol et sur les cinq des objets apparurent, un sceptre, une peluche, un stétoscope, un dessins paysagiste représentant les quatres saisons et un buste portant un collier avec un medaillon, l'embleme d'un animal était gravé dessus. Alice pensa aux castes dont Loga lui avait parlé, mais pourquoi cinq, l'homme au tatouage de dragon n'en avait mentionné que quatre. Peut-être que l'un de ces objets appartenait aux magiciens du temps.
- Je t'attendais Alice, depuis longtemps.
Alice se retourna dans un coin de la pièce, une fille lui ressemblant comme deux gouttes d'eau la regardaient d'un air malicieux.
- Tu es... moi?
- Je suis bien toi, ou plutôt je suis ta partie magique. Toi et moi avons été séparées lorsque Mirabelle nous a scellées, maintenant, il est temps de nous réunir. Choisis bien.
L'autre Alice quitta son coin pour venir auprès de son double, au fur et à mesure qu'elle avançait la lumière de la salle se tamisa et elles se retrouvèrent bientôt dans le noir. Lorsque la lumière revint, ce n'était plus pour se retrouver dans une salle blanche, mais plutôt au sein d'une mer d'étoiles, la pièce entière était devenue l'espace et Alice ébahit avait l'impression de pouvoir toucher les étoiles de ses mains. Tous les hexagones étaient devenus des planètes et au-dessus de ses pieds, Alice contempla pour la première fois la beauté de son monde vu de l'espace. La jeune fille se rapprocha des objets les observant les uns après les autres, son regard se porta en premier sur le sceptre, puis sur le dessin des quatre-saisons, c'étaient les deux objets qui l'attiraient. Alice fut tentée de prendre le sceptre, mais au dernier moment elle se ravisa et choisi le tableau.
- Ton choix est fait, tu choisis le tableau ?
- Oui, il me plaît bien les saisons représentées sur cette peinture, à savoir l'automne, le printemps, l'été et l'hiver me font penser aux quatre éléments, l'eau, la terre, l'air et le feu. Et je crois savoir que ma magie provient de ces éléments enfin, c'est ce que m'a dit Mirabelle.
- Félicitations, tu aurais aussi pu prendre le sceptre, il te correspondait également, mais tu as fait ton choix. Aller vient maintenant, nous allons nous réunir. Prends mes mains et répète après moi.
Alice s'exécuta, c'était vraiment très étrange de voir sa réplique parfaite, elle avait l'impression d'être en face d'un miroir. Elle prit les mains de son double et répéta les paroles de cette dernière.
- Dès à présent jusqu'à la fin des temps, moi Alice, je récupère ce que j'avais perdu. Je ne fais plus qu'un avec ma magie, elle circule de nouveau complètement en moi.
L'autre Alice se transforma en particule de mycel et réintégra le corps de l'original, les étoiles, les planètes et les objets disparurent les uns après les autres, la pièce redevint blanche. Seul le sceptre resta dans la pièce, brillant d'une lumière dorée. Alice le regarda une dernière fois puis ce fut le noir total, quand elle ouvrit les yeux, elle était revenue sur Galak. Des créatures monstrueuses étaient aux prises avec la magicienne, ils n'avaient pas de visage, uniquement une bouche avec des dents acérées et leurs peaux étaient grises et velues. La bulle dans laquelle se trouvait la jeune fille éclata lorsqu'une créature frappa Mirabelle de ses gigantesques mains, la vieille dame roula sur sol.
- Laissez là tranquille, cria Alice.
Elle se précipita à la rescousse de la vieille dame remplie d'une toute nouvelle vigueur. Se plaçant devant elle, Alice défia du regard les monstres et leur ordonna de ne pas approcher, la colère se lisait dans ses yeux. Des étincelles de flammes crépitèrent dans ses poings serrés, du feu se mit à jaillir recouvrant ses mains. À la vue de la magie, les créatures se mirent à reculer.
- Non, pas comme ça Alice, susurra Mirabelle qui se releva péniblement. Le violent coup qu'elle avait reçu l'avait bien étourdi. La magie doit venir de ton cœur et non de tes émotions.
- Je vous ai entendu quand j'étais de l'autre côté, pourquoi avoir fait une chose pareille ?
Épuisée, Mirabelle devait se tenir sur son bâton pour ne pas tomber. Elle leva les yeux au ciel puis les ferma, dorénavant, elle ne pouvait plus se taire, les yeux embués de sa protégée lui faisait mal au cœur, elle lui devait la vérité.
- Je suis désolé, il n'y avait pas d'autres solutions. Enfant, tu étais souvent en proie à de fortes émotions, tu ne contrôlais pas ta magie et tu mettais le feu autour de toi à chaque coup de colère. Tes parents étaient désespérés et ils ont fini par faire appel à moi. À cette époque, tu devais avoir à peine six ans et j'habitais dans la cabane sur la colline.
- C'est donc vous qui viviez là ?
Les monstres recommencèrent à s'agiter, surprise Alice lança un jet de flamme vers l'une d'elles, la créature s'incendia instantanément. Alice prit peur, elle n'avait pas voulu faire ça. Elle secoua ses mains pour éteindre les flammes, mais elle n'y arrivait pas. Mirabelle conseilla à la jeune demoiselle de se détendre et de faire le vide en elle, pendant ce temps, la magicienne se mit à réciter un sort de protection, un flux magique s'échappa de son bâton pour venir s'enfoncer dans la terre. Il y eut un bruit sourd, puis la terre se mit à trembler. Au pied d'Alice et de Mirabelle, la terre se souleva et s'érigea en un mur séparant les monstres des deux femmes. La plus jeune des deux était impressionnée par les pouvoirs magiques de la vieille dame, elle se demanda si un jour elle pourrait en faire autant.
- Cela va nous permettre de gagner un peu de temps, juste assez pour que je puisse te renvoyer chez toi.
- Déjà ? Vous ne m'avez pas encore tout dit. Si Galak est votre monde que faisiez vous à Alone?
Mirabelle cramponné à son bâton devait lutter pour rester encore debout, l'utilisation de deux sortilèges aussi puissants que la barrière de terre et la libération du sceau sur Alice l'avait vidé de ses forces. Des cernes apparurent sous ses yeux signes qu'elle pouvait s'écrouler à tout moment. Alice ne remarqua aucunement l'état de santé de la magicienne, tant elle était sur les nerfs. De l'autre côté, les suppôts des ténèbres frappaient de leurs mains où se jetait tête la première contre le mur afin de le briser.
- Dans ma jeunesse, raconta Mirabelle. J'ai perdu quelque chose d'important que je n'ai pas pu retrouver en ce monde. Avec les années, j'ai acquis la capacité de traverser le voile qui sépare les dimensions et de voyager de monde en monde. Il y a dix ans, je suis arrivé sur Eléria, j'ai très vite remarqué que la magie s'amenuisait sur la planète. Je me suis demandé qu'elle en était la cause et j'ai fini par découvrir que l'une des réponses se trouvait peut-être dans la forêt de Doucelune. C'est durant cette période que lors de mes recherches, j'ai faite la connaissance de Loga Dreki, un homme venant d'une tribu des mers du Sud. À cette époque, il errait seul, sans attache, sans famille et cherchait à se punir d'une faute qu'il avait commise. Nous nous sommes très vite entendues, car nous étions tous les deux des solitaires à la recherche de quelque chose.
- Doucelune ? C'est près d'Alone, mais pourquoi là-bas ?
- J'ai pu y relever une grande source de magie, comme si celle-ci était venue s'y réfugier. Autant de pouvoir en un seul lieu ne peut qu'attirer des convoitises, le mal se cache partout et en chacun, j'ai craint que le mauvais ne vienne s'y abreuver redonnant ainsi suffisamment de forces aux Seigneurs des ténèbres pour qu'ils se libèrent. J'ai pris la décision de rester vivre à Alone pour surveiller la forêt. Tes parents sont venus à moi, car tout le monde au village me soupçonnait de pratiquer la magie, l'appellation de sorcière s'est très vite propagée dans tout le village. Seuls tes parents et ceux de Natanelle me traitèrent avec égard. Une nuit, ils t'ont amené à moi et m'ont expliqué la situation dans laquelle ils se trouvaient. Comprenant leur détresse, je n'ai pas pu refuser ce qu'ils me demandèrent.
- Que s'est-il passé ensuite ? Redouta Alice
- On s'est rendu dans le sous-sol de ma maison, je t'ai déposé sur une table en pierre, c'est à cet endroit que je pratiquais mes rituels et autres sortilèges pour protéger la forêt au cas où le mal tenterait d'y pénétrer. Quand j'ai commencé l'incantation, tu t'es mise à te débattre, une part de toi ne voulait pas être privée de sa magie. Tu fus entièrement recouverte de flammes, mais elles ne te brûlaient pas, par contre elles se propagèrent très vite dans le sous-sol, les meubles, la tapisserie, tout s'incendia instantanément, je n'avais jamais vu de feu aussi violent. J'ai pu terminer l'incantation, le feu qui était autour de toi se résorba et tes parents t'ont sorti avant que la maison ne brûle entièrement.
- C'est donc de ma faute, c'est moi qui suis la cause des histoires que les enfants se racontent dans le village à propos d'une vieille dame qui serait morte dans un incendie. Mais vous êtes en vie, comment avez vous fait ?
- Lorsque le sceau fut apposé, le feu devint de plus en plus faible, j'ai pu alors l'éteindre plus facilement. Malheureusement, la maison étant en trop mauvais état, j'ai décidé de partir, car j'avais échoué dans ma tâche, j'ai confié à Loga le soin de la poursuivre.
- Grâce à vous, la forêt de Doucelune est toujours aussi belle, je m'y promène très souvent, vous savez. Vous n'avez pas échoué dans votre tâche Mirabelle.
- C'est gentil ma chérie de me réconforter, mais tu n'y es pas. Je ne suis pas resté sur Eléria uniquement pour surveiller la forêt, j'étais également là pour veiller sur toi et te protéger. J'ai échoué à partir du moment où j'ai empêché ton pouvoir de se développer, permettant au seigneur des ténèbres d'envahir tes rêves et ton esprit afin que ta magie ne te revienne jamais.
La jeune demoiselle commençait à y voir clair, depuis toute petite, elle faisait des cauchemars ou une entité malfaisante lui voulait du mal, au départ elle pensait que c'était des mauvais rêves comme n'importe qui en ferait. On racontait souvent aux enfants de ne jamais mentionner le nom du Ténébreux où ils risquaient de venir les hanter dans leurs rêves. Si elle en croit sa propre expérience cette histoire n'était peut-être pas qu'un mensonge pour faire peur aux enfants, et le simple fait de prononcer son nom n'était pas le seul moyen pour qu'ils s'insèrent dans les rêves.
- Pourquoi s'acharnerait-il sur moi ? Je ne suis personne s'alarma Alice.
Mirabelle s'approcha de la jeune fille et lui caressa affectueusement la joue. Jamais elle ne s'était senti aussi désespérée, elle ne pouvait pas tout lui révéler et le poids des secrets la rongeait. Plusieurs chocs violents firent résonner le mur, la puissance des coups était tellement forte qu'il commença à s'effriter, il pourrait tomber d'un moment à l'autre.
- Détrompe-toi Alice, tu es bien plus que tu ne le penses, tu apprendras à le découvrir. Il est temps que tu partes maintenant. Dorénavant, Loga sera ton instructeur, ma mission s'arrête ici.
Alice fut chagrinée, elle ne voulait pas partir, pas maintenant alors qu'il lui restait tant de choses à découvrir sur la vieille dame, sur Galak et sur ce mystérieux manoir. Maintenant, que sa magie revenait, ses sens s'affûtaient et elle sentait que la demeure cachait une histoire qui la concernait. Soudain, le mur s'effondra dans un vacarme assourdissant, les créatures poussèrent des hurlements à glacer le sang, prêtent à fondre sur les deux femmes. Alice recula d'un pas, le cri des monstres l'avait tétanisé, toute l'adrénaline récemment acquise lors de la libération du sceau s'était dissipée. La vieille magicienne s'avança vers les créatures déterminées à ne pas les laisser passer. Elle attrapa la cithare qu'elle portait dans son dos et se mit à jouer une mélodie comme celle que Loga avait joué. Tandis que les monstres étaient comme envoûtés par la musique, le corps d'Alice se mit à scintiller et elle commença à s'élever dans les airs.
- Mirabelle, non ! Faites-moi redescendre, je ne veux pas vous abandonner.
L'adolescente implora la magicienne d'arrêter, mais Mirabelle n'écoutait plus, elle la fit s'éloigner très loin dans le ciel avant de se faire entourer par la horde de monstres qui s'étaient libérés de l'emprise de la musique. Ils sautèrent subitement sur la pauvre veille dame sans aucune chance d'y échapper, son corps assailli s'évapora en de petits filaments de lumière. Quelques-uns accompagnèrent Alice pendant quelques instants comme pour lui dire adieu avant que celle-ci ne finisse par disparaître.
De retour dans la salle sans limite, Alice ouvrit brusquement les yeux criant le prénom de Mirabelle, mais elle n'était plus là, seul Loga et Natie étaient présent.
- Tout va bien, Alice, tu es revenu, c'est terminé ! Dit Loga
- Mirabelle est encore là-bas, on doit faire quelque chose pour l'aider, s'écria Alice qui chercha dans tous les coins de la pièce un moyen d'y retourner.
- Je suis désolé, même si je le voulais, je ne pourrais pas te renvoyer, le sortilège ne marche qu'une seule fois.
- Mirabelle, elle, Mirabelle... Les monstres l'ont eu.
Alice se mit à pleurer à chaude larmes, Natie la prit dans ses bras ne sachant trop comment la consoler car elle ne savait pas ce qui s'était passé là bas. Loga se gratta la tête, il ne s'était pas attendu à ce que les événements prennent une telle ampleur. Il craignait également qu'il ne soit arrivé malheur à la vieille dame.
- Vous avez vécu pas mal d'émotion forte, oui toi aussi Natie dit Loga en voyant le regard interrogateur de cette dernière. On s'arrête là pour aujourd'hui, rentrez chez vous et prenez un repos bien mérité.
Alice sécha ses larmes et accepta de rentrer, la tension retombant peu à peu, elle se sentait fatiguée subitement. Son amie la suivit et toutes les deux quittèrent la salle sans limite. Loga se retrouvant seul, fit apparaître dans ses mains un miroir qui ne reflétait pas son visage. Il appela Mirabelle à plusieurs reprises, mais il n'y eut aucune réponse. L'homme au tatouage de dragon se laissa tomber dans le fauteuil qu'avait fait apparaître la jeune rousse.
- Mirabelle, j'espère que vous avez eu raison de faire ce que vous avez fait ?
Le plafond se transforma en un ciel orageux. La pluie tomba silencieusement sur le visage de l'instructeur d'Alice, cachant ses larmes qui coulèrent en signe de tristesse face à la perte de sa vieille amie. Doucement, le miroir glissa de sa main et vint se briser en mille morceaux au contact du sol.