L'Egorgeur : Chapitre 3
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L'Egorgeur : Chapitre 3
Le couple de Bretons attendaient dans la salle de restauration, l’air un peu hébétés, comme s’ils ne réalisaient pas.
— Vous en pensez quoi, Commissaire, demanda la femme en lui servant machinalement un café ?
— Je ne pense rien. J’enquête.
Demesy huma son café avec plaisir avant d’en aspirer une petite gorgée qu’il aurait volontiers accompagné d’une prune ou d’une mirabelle. Mais ça aussi, ça se perdait. Il consulta son calepin, captant ainsi toute l’attention du couple et du Brigadier qui ne savait pas trop s’il devait s’asseoir ou rester debout. Scène interrompue par un ASVP venu chercher les clefs de la voiture du Commissaire pour la déplacer.
— Je la gare devant le poste de Police Municipale, précisa-t-il en partant.
— Faites. Je viendrai récupérer les clefs plus tard.
Le couple attendait toujours, bras ballants, sans même relever l’incongruité de la scène.
— C’est un autre client qui a trouvé les corps ?
— Juste celui de la 5. Les autres, c’est en évacuant les étages.
— La numéro 5… Ehlinger, c’est ça ?
La femme acquiesça.
— Les victimes étaient des habitués ?
— Juste Monsieur Thill. Il descendait tous les ans pour assister au bal des pompiers et au feu d’artifice.
— Est-ce que vous avez remarqué quelque chose d’inhabituel chez lui ?
— Difficile à dire, Commissaire. Nous ne faisons que croiser nos clients, principalement, aux arrivées, aux départs et aux petits-déjeuners. Nous ne connaissions pas assez Monsieur Thill pour noter quelque chose d’inhabituel.
Demesy griffonna encore dans son carnet, puis observa un peu la salle de restauration avant de reporter son attention sur la patronne.
— Votre établissement est décoré de façon assez plaisante. Certains objets du couloir pourraient facilement être renversés. Vous avez dû en remettre en place, ce matin ?
— Non, Commissaire.
— Ni avant, ni après l’évacuation des étages ?
— Ni avant, ni après.
— Avez-vous constaté des objets manquants ?
— Non, pas que je sache, répondit la femme après une légère hésitation.
— Comment entrent les clients après la fermeture ?
— Ils ont leur clef pour déverrouiller la porte du bas. Nous leur demandons de verrouiller derrière eux car ce n’est pas automatique.
— Et ils le font tout le temps ?
— La plupart du temps, oui, Commissaire.
La plupart du temps… Forcément, pensa Émile pour lui-même. Tout le monde n’a pas la même rigueur d’esprit, surtout après une certaine heure et quelques verres.
— Le meurtrier avait pris soin de refermer les portes des chambres ?
— Oui, mais pas à clef, Commissaire.
— Et la porte du bas ?
— Il me semble qu’elle était verrouillée ce matin, répondit le mari demeuré silencieux jusque-là.
— Il vous semble ?
— Oui, je vérifie toujours, machinalement. Mais là, avec l’émotion…
— Bien sûr. Dites-moi simplement comme vous vous souvenez des choses.
— Dites, Commissaire…
Demesy se tourna vers la femme qui semblait préoccupée mais n’osait pas exprimer le sujet de son tracas.
— Oui ?
— Notre affaire… Ça va être compliqué avec tout ça, non ?
— A quel niveau ?
— Pour faire revenir des clients.
— Pensez-vous ! Vous connaissez l’Auberge de Peyrebeille ? C’est à quelques kilomètres d’ici. Les clients se bousculent pour voir le lieu, y manger et y dormir.
Le couple ne semblait pas partager l’optimisme du Commissaire. Le Brigadier Mandolini non plus. Mais il ne se laissa pas impressionner par leurs visages sceptiques.
— Bon, dit-il en se levant. J’aurais peut-être encore une ou deux questions plus tard. En attendant, si vous permettez…
Le Commissaire se leva pour rejoindre le Maire attendait le Commissaire sur la toute petite Place de la Résistance.
Photo couverture de Craig Whitehead sur Unsplash
Jean-Christophe Mojard 3 months ago
"Je ne pense rien. J’enquête."
J'adore.