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L'Egorgeur : Chapitre 2

L'Egorgeur : Chapitre 2

Published Aug 27, 2024 Updated Aug 27, 2024 Crime stories
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L'Egorgeur : Chapitre 2

Demesy avait sorti son petit calepin à carreaux. Le Commissaire aime revoir ses notes au calme, le soir après le repas, généralement avec une liqueur et une pipe pour se mieux se mettre dans la peau du personnage. Comme s’il écrivait un roman policier. Généralement, Madame Demesy lui tient compagnie avec quelques pelotes et ses aiguilles à crochet.

Mandolini et lui encombraient l’étroit pas de porte jouxtant la terrasse du restaurant. Le Brigadier lui fit remarquer qu’on y mange assez bien pour le prix.— Le restaurant était fermé lorsque la première victime est entrée. Mais la terrasse du café voisin était encore ouverte. Les clients de l’hôtel utilisent leur clef pour déverrouiller la porte d’entrée.

Les deux enquêteurs montèrent les premières marches et Demesy claqua la porte derrière-eux.

— Le verrou n’est pas automatique, constata-t-il à voix haute.

— Les clients ont pour consigne de verrouiller derrière eux.

Petite moue. Il sera difficile de se fier aux témoignages des derniers clients attablés jusqu’à la fermeture du café, pour peu qu’ils se manifestent. L’entrée et l’escalier étroits ne laissaient pas de place à une embuscade. Mais un fêtard tardif revenant du bal des pompiers pouvait très bien oublier de verrouiller derrière lui. Le Commissaire griffonna quelques signes en sténo dans son carnet.
Le reste de l’établissement était à l’image de l’entrée. Les couloirs étroits et les chambres plutôt exiguës n’offraient pas beaucoup d’options pour commettre un meurtre en toute discrétion. Alors quatre… Des bruits de lutte n’auraient pas manqué de déranger les autres résidents de l’hôtel. Et il n’y en avait trace ni dans les couloirs chargés de décorations, ni dans les chambres où avaient eu lieu les meurtres.

Quatre hommes égorgés proprement, par derrière, avec une lame droite très affutée qu’on avait soigneusement essuyée sur les couvertures. Quatre victimes sans lien apparent.

— Qui a découvert les corps ?

— C’est un père et son fils qui ont découvert le premier. Le gamin s’est trompé de porte en revenant du petit-déjeuner et a trouvé Jacob Ehlinger étendu dans une marre de sang. Il n’a pas vraiment l’air d’avoir réalisé. Vous pourrez voir le père et l’enfant plus tard.

— Et les autres ?

— En évacuant les chambres encore occupées. Nous avons relevé les identités des victimes et des clients et nous avons mis un local et un renfort d’Annecy sur les vérifications d’usage.

— La cohabitation se passe bien avec les renforts estivaux ?

— Oui, d’une année sur l’autre on retrouve souvent les mêmes. Du coup, ils connaissent un minimum le terrain. C’est utile, même s’ils sont toujours en binôme avec un local. Sans eux, je ne sais pas comment on ferait. Ce sont les temps de route qui compliquent le plus les interventions.

— J’imagine. D’autant qu’ils doivent être rallongés avec l’augmentation du nombre d'usagers.

— Exactement.

Le Commissaire désigna l’une des caméras-dôme qui quadrillaient la totalité des couloirs.

— Nous avons aussi mis une équipe sur les enregistrements.

— Très bien. Parlez-moi de ces quatre malheureux.

— Nous ne savons pas bien dans quel ordre ils ont été tués et si ça a la moindre importance. Mais déjà, leurs pièces d’identités correspondent aux noms donnés pour les réservations. Les chambres ont été réglées à l’enregistrement.

« Ici, nous avons Jacob Ehlinger, 47 ans. Il est né à Thionville et résidait à Roussy-le-Village, dans le même département.

— En Moselle, c’est bien ça, glissa distraitement le Commissaire en examinant minutieusement la chambre dont le lit était encore fait et les bagages à peine ouverts.

Bien qu’il n’attendait pas la réponse, Mandolini confirma.

— Cette odeur me dit quelque chose.

— Chloroforme, Commissaire.

— Quelqu’un a sérieusement pensé qu’on pourrait tomber dans le panneau ?

— Qu’est-ce qui vous fait dire ça, Commissaire ?

— Vous n’ignorez certainement pas que le chloroforme met plusieurs minutes à agir. Pendant ce temps, la victime a toute latitude pour se débattre. Un client, ça peut encore passer. Mais plus on augmente le nombre, plus on augmente le risque d’être surpris par quelqu’un dérangé par les bruits de lutte. Ce qui n’a pas été le cas.

— C’est certain. Et vous pensez qu’on cherche à nous mettre sur une fausse piste avec ce chloroforme, Commissaire ?

— Peut-être qu’on veut nous mettre sur une fausse piste. Peut-être qu’on veut adresser un message en particulier. Tout est possible.

— Un message à qui ?

— Bonne question.

Demesy hocha la tête et griffonna à nouveau dans son calepin.

— Les trois autres sont tous à l’étage supérieur.

— Intéressant.

La deuxième scène de crime se trouvait proche de l’escalier.

— Le suivant, c’est Benoît Thill, avec deux L.

— Deux ailes comme un ange.

— Je peux vous la piquer, Commissaire ?

— Vous pouvez, Mandolini. Il venait d’où ?

— Né à Fécamp et résident à Saint-Martin-Sur-Ocre, dans le Loiret. Apparemment, c’était un client régulier.

Tout en griffonnant, il passèrent dans un autre  couloir de l’établissement.

— Ici, nous avons Vasco de Borja, né au Cap-Vert. Et plus loin c’est Pierrot Carella, de Nice.

Comme il l’avait fait pour les deux autres chambres, Demesy inspecta minutieusement tout ce qui pouvait l’être, faisant parfois remarquer l’originalité d’un porte manteau ou d’une vue offerte par une fenêtre. Il avisa aussi un roman de William Harrington, posé sur une table de chevet.

— Tiens ! Meurtre en différé !

— Vous connaissez, Commissaire ?

— Oui, j’ai vu tous les Columbo. C’est ma femme voyez-vous. Elle est fan de Peter Falk. Et je lui en ai offert un exemplaire pour son anniversaire.

Ce disant, le Commissaire avait pris la même pose que l’acteur sur la couverture du livre, le mégot de cigare en moins. Mandolini avait envie de rire, mais n’osait pas. Il se demandait si le Commissaire amusait toujours son auditoire de la sorte ou si c’était les soldes.

— Le créole résidait en France ?

— Saint-Gervais-Les-Bains.

— Joli coin.

« Et Pierrot, c’est le prénom officiel du niçois ?

— C’est celui qui est inscrit sur sa carte d’identité.

— Ce sont quatre hommes dans la force de l’âge, plutôt bien bâtis qu’il a fallu maîtriser là. Même avec un certain degré d’alcool dans le sang des victimes, cela demande une très bonne condition physique. Et même de la chance ou de l’entraînement pour en enchaîner quatre dans la même bâtisse, la même nuit.

— Mouais. Nous nous sommes fait la même réflexion avec les collègues.

— C’est ce chloroforme qui m’intrigue. Je serais curieux de voir le rapport toxicologique. L’assassin a probablement utilisé un tranquillisant. Mais lequel ?

— On risque de ne pas avoir l'analyse avant lundi.

— Si vous n’avez rien d’autre à me montrer, je poserai volontiers quelques questions aux tenanciers.

 

Photo couverture de Craig Whitehead sur Unsplash

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Jean-Christophe Mojard 2 months ago

Très étonnant ce ton du commissaire, intriguant même.

Et bravo pour le chloroforme ! J'avoue bondir, et pas qu'un peu, quand je lis, ou vois, les victimes tomber dans les vaps après un chiffon de chloroforme posé quelques secondes sur leur visage. En général ça laisse présager de pas mal de conneries.

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