Congratulations! Your support has been successfully sent to the author
Épisode 92 : La confession de Siegfried

Épisode 92 : La confession de Siegfried

Published Jan 31, 2025 Updated Feb 1, 2025 Tale
time 6 min
0
Love
0
Solidarity
0
Wow
thumb 0 comments
lecture 9 readings
1
reaction

On Panodyssey, you can read up to 10 publications per month without being logged in. Enjoy9 articles to discover this month.

To gain unlimited access, log in or create an account by clicking below. It's free! Log in

Épisode 92 : La confession de Siegfried

- Vingt-cinq ans...

Une fois arrivés dans la forêt, le chagrin de Siegfried a explosé malgré le bras qu'il s'est mis en bouche pour étouffer ses cris et ses sanglots. Il a hurlé le nom de Mélusine. Puis, après quelques minutes, quand il est arrivé à reprendre son souffle : "la grotte... la grotte..." Et puis maintenant : "vingt-cinq ans..."

Il est désormais clair dans l'esprit du Père Adalbéric que quelque chose de grave est arrivé à la comtesse Mélusine. Il pense que cela pourrait être lié au tremblement de terre que tout le monde a ressenti au château : après tout, n'y a-t-il pas une grotte sous leurs pieds ?... Et si quelque chose de grave est arrivé à la comtesse Mélusine, ce doit être aussi quelque chose de définitif, car si elle n'était que blessée ou malade, le comte Siegfried ne serait pas dans un tel état. Il n'aurait plutôt rien eu de plus pressé que de chercher de l'aide, il aurait rameuté le château tout entier, la ville aussi, et il aurait remué ciel et terre pour tenter de la sauver. La comtesse Mélusine, tout le monde le sait, pour le comte Siegfried, c'est bien plus encore que la prunelle de ses yeux, ce sont ses entrailles. C'est la moitié de lui-même.

Mais pour savoir ce qui s'est réellement passé, il faut que le comte Siegfried parle. Et vu l'enjeu, il faut absolument le faire parler. Pour sa famille, pour le château, et aussi pour la ville vu le rôle qu'elle y joue, la disparition de la comtesse Mélusine est un événement suffisamment grave et lourd de conséquences pour que le comte Siegfried soit obligé de s'exprimer à son sujet s'il sait quelque chose.

- Vingt-cinq ans... Vingt-cinq ans...

Le Père Adalbéric prend Siegfried par les épaules.

- Calmez-vous, comte Siegfried. Reprenez les choses dans l'ordre. Qu'est-il arrivé à la comtesse Mélusine ? Savez-vous quelque chose ? Tout le monde s'inquiète à son sujet.

- Vingt-cinq ans... Ça fait vingt-cinq ans... Vingt-cinq ans, mon Père !...

- Ça fait vingt-cinq ans que quoi ?

Siegfried peine à respirer entre des sanglots secs.

- J'ai vécu dans le péché pendant vingt-cinq ans... J'ai engendré dans le péché pendant vingt-cinq ans... J'ai aimé dans le péché pendant vingt-cinq ans... J'étais dans le péché depuis tout ce temps et je n'en savais rien !...

- Comment cela ?... Je ne comprends rien à ce que vous dites. La comtesse Mélusine et vous étiez légitimement mariés devant Dieu et devant les hommes, c'est moi-même qui vous ai mariés !... Comte Siegfried, avez-vous entretenu pendant tout ce temps une maîtresse en plus de votre épouse ?

- Non !

Siegfried a hurlé.

- En avez-vous eu plusieurs ? Avez-vous eu des liaisons ? Des aventures ? Vous êtes-vous parfois amusé avec une domestique ? Avec une femme de votre comté ?

- Non ! Jamais !

Siegfried pose les paumes sur ses oreilles et se prend la tête dans les mains

- Alors où est le problème ? Où est le péché ?

- Mélusine... la comtesse Mélusine...

Les larmes reviennent.

- Quoi, la comtesse Mélusine ?

Siegfried contracte les paupières.

- Elle n'était pas humaine !

Là, le Père Adalbéric marque un temps d'arrêt. Siegfried, lui, est de nouveau étouffé par ses sanglots.

Quand le Père Adalbéric reprend la parole, c'est à voix beaucoup plus basse.

- Comment cela, elle n'était pas humaine ?

Siegfried cherche son souffle.

- Elle était... une sirène...

Siegfried fait des efforts surhumains pour calmer sa respiration. Pour pouvoir parler.

- Elle était une sirène et je n'en ai jamais rien vu ! Pendant vingt-cinq ans... vingt-cinq ans !... Comment est-ce possible ?...

Le Père Adalbéric est tout aussi bouleversé que Siegfried. Il ne pleure pas, il sanglote encore moins. Mais il n'en perd pas moins la voix pendant plusieurs minutes.

Quand il reprend la parole, avant d'approfondir, il a une question plus urgente à poser.

- Et... la comtesse Mélusine ? Pourquoi parlez-vous d'elle au passé ?

Siegfried est repris de sanglots et de larmes. Pour le Père Adalbéric, c'est déjà une confirmation de ce qu'il suppose. Mais il a besoin d'en savoir plus. Il a besoin de savoir comment les choses se sont passées.

Le comte Siegfried est-il un meurtrier ? Il n'y avait certes pas de traces de sang sur ses vêtements ni sur sa dague. Mais on peut tuer sans verser de sang.

Enfin Siegfried arrive à se reprendre suffisamment pour pouvoir parler.

- Elle est... elle est... morte.

Les larmes recommencent à couler, amères.

- Comment est-ce arrivé ?

- Il y a eu... comme un tremblement de terre. C'était... biblique. La terre s'est ouverte, il y a eu une faille...

- Où cela s'est-il passé ?

- Ici en bas, au Bockfiels. Dans sa grotte, celle où elle allait toujours... celle où elle se réfugiait dès qu'elle n'allait pas bien. Celle où elle... elle... elle... chantait parfois...

Les larmes coulent à nouveau, amères, incontrôlables.

- Prenez votre temps, comte Siegfried. Nous avons tout notre temps.

Il accueille le comte Siegfried sur son épaule comme il y aurait accueilli son fils s'il avait eu un fils.

Après plusieurs minutes de lutte, Siegfried retrouve son souffle. Il raconte ce qui s'est passé dans la grotte.

- Ainsi donc c'était ça, ce tremblement de terre.

Siegfried s'écarte du Père Adalbéric pour le regarder.

- Vous l'avez senti ici au château ?

- Le château est sur le Bockfiels. Juste au-dessus de la grotte. Donc oui, nous l'avons senti. Tout le monde se demandait même ce que c'était.

Un moment de silence.

Au moins ce récit expliquerait l'apparence enfarinée du comte Siegfried quand il est revenu au château dimanche matin. Et aussi l'état de choc dans lequel il se trouvait. Un tremblement de terre dans une grotte avec tout ce que cela implique, y compris le danger vital, comment dire... ce n'est pas une chose qu'on a l'occasion de vivre tous les jours. Heureusement d'ailleurs.

- Donc vous étiez sur place quand ça s'est produit.

- Oui.

- Et vous avez vu la comtesse Mélusine se faire engloutir dans cette faille qui s'est ouverte dans le sol lors du tremblement de terre ?

Siegfried est agité de frissons.

- Oui... Et la rivière aussi.

Le Père Adalbéric voudrait accueillir à nouveau le comte Siegfried sur son épaule comme un père y accueille son fils, mais il garde sa réserve. Il a d'autres questions à poser d'abord.

- Vous affirmez en avoir été témoin ?

- J'ai vu tout ce que je vous ai raconté comme je vous vois à présent. Comme je vois cette forêt autour de nous. Comme je vois la Petite Forteresse là-bas.

- Hum. D'autres personnes que vous ont-elles également assisté à la scène ?

- Non. Nous étions seuls.

- Ce qui signifie que pour attester du décès de la comtesse Mélusine, tout ce que j'ai, tout ce que nous avons tous, c'est votre parole.

- Oui. Pourquoi ? La parole du comte Siegfried ne vous suffit pas ?

- Cela reste la parole d'un seul témoin.

- Mais c'est ma parole d'honneur.

- Pouvez-vous également affirmer sur l'honneur que la comtesse Mélusine n'est pas décédée de votre main ? Pouvez-vous affirmer sur l'honneur que vous n'êtes responsable en rien de son décès ? Ni de ce qui y a mené ?

Siegfried prend ces paroles comme un coup de poing dans l'estomac.

- Comment pouvez-vous croire une chose pareille ?...

- Il aurait pu y avoir lieu de le penser si je me rappelle que vous avez déjà levé la main sur la comtesse Mélusine. J'en ai été témoin, ça s'est passé dans mon étude. Et pas il y a vingt-cinq ans. Sans parler d'autres façons dont vous avez pu la rendre malheureuse. Si en plus vous veniez de constater chez elle la nature que vous venez de me rapporter...

- Je suis innocent ! Aussi innocent que l'agneau qui vient de naître !

- Ai-je votre parole d'honneur ?

- Vous l'avez.

- Bien. Nous pourrons - et devrons - donc annoncer publiquement le décès de la comtesse Mélusine.

- Et... les circonstances du décès ?...

- Elle se promenait dans les parages du château et se trouvait dans la grotte au mauvais moment. Elle a été ensevelie sous l'éboulement. Son corps n'a pas pu être retrouvé.

Une pause.

- Je pense que nous n'avons pas besoin d'en dire plus.

Siegfried pousse un soupir de soulagement.

- Tant mieux... Comment pourrais-je expliquer aux enfants que... que leur mère était une sirène et pas un être humain ?... Comment pourrais-je l'expliquer à quiconque, d'ailleurs...

Le Père Adalbéric hoche la tête.

- Ce serait effectivement quelque chose de très... délicat à expliquer.


Musique : Bliss - Wish You Were Here


Épisode 93 : Qu'on parle maintenant ou qu'on se taise à jamais


Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos

lecture 9 readings
thumb 0 comments
1
reaction

Comments (0)

You must be logged in to comment Log in

You can support your favorite independent writers by donating to them

Prolong your journey in this universe Tale
Chapitre 7
Chapitre 7

Chapitre un. Le nouveauAprès mes aventures celtiques, la réalité new york...

Inna Grim
4 min
Chapitre 6
Chapitre 6

Les Druides BienveillantsSur la carte laissée par mamie, il y avait une d...

Inna Grim
7 min
Chapitre 5
Chapitre 5

La Traversée.Jour 1Ils disent q...

Inna Grim
14 min
Chapitre 4
Chapitre 4

La décisionOn dit souvent que le travail, c’est comme une relation. Parfo...

Inna Grim
4 min
Chapitre 3
Chapitre 3

Les signes de l’univers et HenryLa découverte de l'histoire de la vie de...

Inna Grim
4 min
Chapitre 2
Chapitre 2

Héritage inestimableJe me suis toujours demandée ce que l’on fait avec le passé. Est-ce qu’on le l...

Inna Grim
4 min

donate You can support your favorite writers

promo

Download the Panodyssey mobile app