La première fois que je les ai vus, je devais avoir vingt ans.
On entrait alors par l'aile droite du musée lorsque celui-ci est face à vous et si ma mémoire est bonne la visite démarrait sur les sculptures que la clarté des hautes fenêtres nacrait en douceur.
Mon regard volage captait un geste, une courbe, se perdait entre les plis et les drapés, se laissant brièvement tenté par la fluidité d'un nu ...

Puis

Une apparition
La leur
Au coeur des marbres.

Vraisemblablement vient-elle de se réveiller et encore endormie sent la main de l'amant qui penché sur elle lui soutient tendrement la tête.

Tout n'est que mouvement :
Elle
lève ses bras vers lui comme pour s'assurer que c'est bien lui, sans doute le sait-elle seulement la caresse a son prétexte.
Lui
vient de se poser, le pied en équilibre car il n'a pas voulu perdre de temps, les ailes se replient, sont presque oubliées tandis que la main arrondie autour du sein féminin en même temps retient son élan et tient l'être aimé. Leur enlacement forme cet anneau qui les marie dans une étreinte si légère qu'elle en devient puissante. Son pied à elle glisse sur l'autre ramenant sa cuisse sur le devant parce qu'elle se tourne vers lui.
Quel que soit l'angle, il vous offre la perfection.

En s'approchant encore on lit sur le visage du bien-aimé le miracle de parvenir à scupter la tendresse dans la pierre : le rendant humain, l'égal de celle qu'il aime. 

La certitude de ne pouvoir les séparer nous prend le coeur.
On oublie le mythe, ne subsiste que la magie d'un pas de deux dans cet instant privilégié qui nous fait toucher l'éternité.
Le sculpteur l'a saisi.

Ô Combien aurais-je aimé être Canova pour avoir sculpté "Psyché ranimée par le baiser de l’Amour" !

Photo de couverture : Aurélien Verdier
Film : Chantal PerrinVerdier - Musique : extrait Pas de deux, Adagio, La Belle au Bois Dormant, Tchaïkovski