Corydon (1924) André Gide
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Corydon (1924) André Gide
Je suis un homo, comme ils disent
Dès 1911, André Gide publie sous le manteau une première version de Corydon. Il lui faudra huit ans pour retoucher au manuscrit, et c’est en partie, et paradoxalement, les mises en garde de la plupart de ses amis qui vont finalement le décider à le publier. Les raisons qui le motivent à écrire le livre sont nombreuses. D’abord son père, professeur de droit à l'université, qualifie dans un ouvrage juridique l’homosexualité de « vice infâme ». Mais également un procès de 1909 vit un homme, dont les soupçons ne pointaient pas vers lui, accusé de meurtre, principalement à cause de ses « mœurs innommables ». Ajoutons à cela la publication d'une biographie de Paul Verlaine quelque peu erronnée. Gide décide de faire un acte militant, de sortir du placard pour qu’enfin cesse l’hypocrisie.
À la suite d’un scandaleux procès, tous les salons parisiens ne parlent que d‘uranisme et de pédérastie. Las d’entendre tous ces commérage, le narrateur, héterosexuel, décide d’aller voir Corydon, qui manifeste ouvertement ses penchants homosexuels. Meilleurs amis au lycée, les deux jeunes hommes se sont perdus de vue depuis dix ans, principalement du fait des mœurs prétendument dissolues dudit Corydon. Le narrateur retrouve avec grand plaisir son compagnon d’autrefois et entreprend d’échanger avec lui des propos autour de l’homosexualité dans le temps et dans les arts. Car Corydon possède un point de vue tout particulier sur la question, qu’il va expliquer à son ami lors de quatre dialogues, dits « dialogues socratiques ».
On pourrait vulgairement considérer que Corydon est l'un des premiers coming-out modernes, si tant est que l'on veuille employer un terme contemporain. Lors de l'écriture de son ouvrage, André Gide sait très bien combien la question de l'homosexualité est taboue et il entend faire du bruit en publiant son roman. Car jusqu’à présent les figures homosexuelles qui peuplent les romans sont de plusieurs natures, mais jamais ouvertement libérées. Soit les personnages vivent mal leur homosexualité, se la cachent à eux-mêmes et aux autres, soit le fait n’est jamais nommé, quand bien même cela ne fait de doute pour personne (tel le Charlus de Marcel Proust), soit l’homosexuel est un homme de mauvaise vie, plein de vices et dangereux (tel le Vautrin d'Honoré de Balzac).
Dans la littérature occidentale moderne, mais également dans la société, aucune place n’est accordée à une sexualité alternative au modèle commun hétérosexuel, et cela André Gide ne peut l‘admettre. D‘autant plus qu‘il n‘a de cesse dans Corydon d‘expliquer que la norme, si tant est qu‘il faille l‘appeler comme cela, a beaucoup évoluée dans le temps. Plus tard Michel Foucault théorisera sur la notion de norme, arguant que c'est une normalisation sociale qui définit cette notion, et, pour simplifier, qu'elle n'est pas figée dans le temps ni dans l'espace. Une large place est accordée dans le livre aux mœurs grecques qui mettaient en valeur l’amour plus que fraternel entre citoyens, voire entre soldats. Un amour qui selon André Gide est un bien tant pour l’homme que pour la femme.
L’auteur a d'ailleurs expliqué longuement, dans le premier dialogue, combien les deux sexes appréhendent différemment les rapports amoureux. Ainsi, s’appuyant sur de nombreux écrivains classiques tels Virgile ou Dante Alighieri, André Gide tente d’expliquer, non sans parfois une certaine mauvaise foi et souvent une solide misogynie, que l’homosexualité, loin d’être répréhensible comme la société hétérocentrée veut nous la montrer, est bénéfique à toutes et pour tous. Texte fondateur, mythique pour beaucoup, certainement très, voire trop ancré dans son époque (certains diront « datés »), mais en tout cas très intéressant, on sent que Corydon est un manifeste cher à son auteur ; il le sera également à nombre de ses lecteurs.