Chapitre 15 - Ou il est question de la 'Cape de Manannan'
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Chapitre 15 - Ou il est question de la 'Cape de Manannan'
Samedi 1 novembre 2014 vers 16h00
« Lughan est tellement sûr de lui qu’il n’a pas résisté à l’envie de nous dévoiler ses intentions, avant même de passer à l’acte », dis-je, désabusé.
Nous étions toujours devant le plateau de jeu à nous demander la raison de cette mise en scène.
« Je n’aurais jamais cru qu’il serait devenu cynique à ce point ! s’exclama Nolwenn.
— De ce que j’ai vu du personnage je ne suis pas surpris, repris-je. C’est pour cela que je rechigne à l’assimiler à Lancelot, car dans les textes ce dernier est amoureux de Guenièvre à son corps défendant et souffre de tromper ainsi son roi. Ici avec ce Cavalier blanc c’est l’inverse, il menace le Roi noir, et en profite pour s’emparer de la Reine. »
Les deux filles attendaient que je poursuive.
« Il existe un autre personnage qui s’empare de Guenièvre puis affronte Arthur ! continuai-je.
— Mordred !
— Oui, Mordred, ce qui correspondrait bien mieux à la double personnalité de Lughan ! Après tout, il est du côté ‘obscur de la force’. Arthur lui a confié le royaume lors de sa malheureuse expédition sur le continent et Mordred en a profité pour s’emparer de la reine ! Le roi n’a pas eu d’autre choix que de revenir avec sa flotte en toute hâte pour l’affronter au cours de la désastreuse bataille de Camlann. »
Comme pour illustrer mon propos nous entendîmes une corne de brume sur le lac. Elle semblait proche, à moins que le brouillard qui était retombé sur le plan d’eau ait perturbé nos sensations. Nous sortîmes rapidement, nous demandant qui pouvait bien braver le blocus de Benjamin avec tant d’aplomb ! Une barque était sur le point d’accoster, ressemblant à un vaste cercueil, avec une silhouette à bord, qui repliait tranquillement une voile dérisoire.
On eut dit Jack Sparrow, arrivant à Port Royal dans son misérable embarcation au début du film La malédiction du Black Pearl 1 ! A défaut d’en avoir le chapeau, il en avait la désinvolture. C’était manifestement l‘image même d’un dieu ou d’un héros celtique. Sa chevelure était divisée en tresses d’un blond foncé. Une barbe brillante, bouclée, fourchue, étroite entourait son menton. Un manteau bleu foncé avec doublure à son extrémité l’enveloppait. Sur sa poitrine nue était fixée une broche de laiton en forme de feuille. La poignée de son épée était de bel argent et cette épée se trouvait cachée sous ses vêtements 2.
En nous voyant sur la rive, il leva les bras bien haut dans un geste de salutation. Sa peau était recouverte de tatouages… Maïwenn eut un léger sursaut.
« Il me fait penser à une statue qui vient d’être inaugurée il y a quelques mois à peine chez moi, en Irlande, en l’honneur de… »
— Manannán, dis-je !
— Exactement, lui-aussi est debout à l’avant de son bateau, les bras levés 3 ! »
Je me souvins de l’histoire racontée par Lughan au sujet du Fils de la Mer. Aurélien nous avait annoncé des rencontres spectaculaires, je ne doutais pas que nous en avions là une première illustration ! La barque n’avait pas été aménagée en cercueil par hasard. La traversée de la mer, où ici d’un lac, symbolise traditionnellement le passage de ce monde dans l’autre ou vice-versa et les morts sont souvent emmenés vers les rivages du Pays de l’Eternel Eté à bord d’un sarcophage. D’ailleurs, dans de nombreuses légendes bretonnes christianisées, les saints irlandais traversent la mer à bord d’un cercueil de pierre pour gagner l’Armorique.
« Je vous souhaite le bonjour, s’exclama le fier guerrier en sautant à terre, bien que pour vous, ce jour sera malheureusement le dernier sur ce côté-ci de la Terre ! »
Nous nous regardâmes sans trop comprendre. Il reprit, soudainement tout aussi gêné que nous :
« Attendez… J’étais censé repartir avec une femme et deux hommes, non l’inverse…
— Ce ne sont pas eux ! » clama une voix derrière nous.
Lughan était là, apparemment sorti de la maison à son tour, et il nous rejoignait rapidement. Un moment de flottement nous étreignit. Nous n’étions pas encore au bout de nos surprises.
« Ah, te voilà, répondit le soi-disant Manannán.
— Excuse-moi, j’ai perdu mon temps avec quelques importuns que j’ai déjà dû « convaincre » tout à l’heure de ne pas fouiller partout… D’ailleurs, ton coup de corne va les faire rappliquer à nouveau! »
Arrivés près de nous, il reprit, en nous désignant.
« Eux sont vivants, les morts sont à l’intérieur !
— Ah ! Alors pourquoi me voient-ils ? » demanda Manannán, en se tournant vers nous.
« N’oublie pas que nous sommes le premier novembre… répondit Lughan.
— Je ne pensais plus à nos anciennes fêtes ! Toutes mes excuses », poursuivit le ‘Dieu’ à notre attention, avec un grand sourire. Il regarda ensuite la maison.
« Mais combien de personnes vivent dans ce château ?
— Pas tant que cela, continua Lughan, et encore moins une fois que tu seras reparti. »
Quand Lughan m’avait répondu qu’à défaut d’être intime avec Manannán, il le connaissait bien, je n’avais pas imaginé qu’il parlait au sens propre du terme ! Quel rôle jouait-il exactement ?
« Entrons alors, allons les chercher ! » proposa le sidhé, en remontant la cour, suivi par un Lughan qui manifestement ne faisait plus attention à nous.
Nous leur emboitâmes le pas, conscients que le scénario nous échappait à nouveau en nous conviant à cette confrontation improbable. Nous rentrâmes par le patio, toujours entraînés par un Lughan déterminé qui s’arrêta devant la porte de la salle à manger et nous engagea à y pénétrer. Nous eûmes la surprise, bien qu’un peu éventée, d’y retrouver debout au milieu de la pièce un Pelléas agité, une Hélène interrogatrice et un Blaise pensif.
« Pourquoi ne pouvons-nous pas entrer dans notre propre salon, nous demanda ce dernier, l’air étonné. Il y a des scellés sur la porte !
— Parce que vous êtes morts ! lâcha brutalement Lughan en entrant à son tour.
— Oh, mon petit Lughan ! s’exclama Hélène en lui ouvrant les bras. Comme je suis heureuse de te voir enfin !
— Bonjour Grand-mère, j’attendais moi aussi ce jour avec impatience ! Mais je ne suis pas ton ‘petit Lughan’. Je suis son esprit, parti au-delà de ce monde depuis l’accident ! Mais il est vrai qu’à l’occasion de Samaïn, je suis revenu recouvrer mon corps… »
Les trois anciens ne semblèrent ni réagir à l’annonce de leur mort, ni aux explications de Lughan et ils vinrent l’embrasser chaleureusement chacun à leur tour. Nous étions stupéfaits.
« Tu es toujours certain que c’est lui qui les a tués, n’est-ce pas ? » marmonna Nolwenn à mon attention.
Je n’étais pas disposé à reprendre cette discussion avec ma sœur.
Je lui répondis :
« Les versions primitives de la quête du Graal étaient fondées sur une vengeance que devait accomplir le héros pour soigner le Roi et lever les enchantements autour de Corbenic. Après tout, c’est bien ce qui s’est passé, Pelléas et sa femme sont apparemment guéris… »
Maïwenn intervint.
« En vieil irlandais, les mots ‘vengeance’ et ‘guérison’ viennent de la même racine. »
Je me doutais qu’Aurélien venait de lui donner cette explication 4, mais elle avait réagi avec un naturel remarquable.
Nous ne pûmes disserter sur le sujet plus longtemps car la porte d’entrée s’ouvrit brutalement et un concert de directives et d’ordres divers en provenance du couloir vint perturber la scène.
Il fallait s’y attendre, Lughan nous avait d’ailleurs prévenus.
« Que se passe-t-il ici ? Que font tous ces gens dans cette pièce ? » demanda Benjamin, passablement excédé.
Son esprit cartésien lui avait même empêché de reconnaître ceux qu’il avait fait évacuer sur une civière quelques heures auparavant.
« Qui c’est celui-là ? » demanda-t-il en montrant Manannán.
Et bien sûr c’est à moi qu’il posait la question !
« Je ne sais pas trop quoi vous répondre, inspecteur ! avouai-je.
— Vous pourriez manifester un peu plus de déférence à mon égard ! s’indigna Manannán, une main sur le pommeau de son épée.
— Ce sont les forces de loi, lui expliqua Lughan. Ils sont là à cause des meurtres !
— Des meurtres ? mais quels meurtres ? interrogea Pelléas.
— Les vôtres, tenta d’expliquer l’esprit de Lughan.
— Une assemblée judiciaire ! » s’exclama Manannán, qui semblait ravi et ne tenait apparemment plus rigueur à l’inspecteur de son irrévérence.
Les trois anciens étaient sonnés. Benjamin en profita pour réagir fermement :
« Mais vous allez me laisser parler, oui ?
— C’est promis, répliqua le sidhé, nous allons vous regarder œuvrer sans dire un mot. D’ailleurs, vous ne vous rendrez même pas compte de notre présence ! »
Tout en terminant sa phrase il fit voleter son manteau devant Benjamin et ses hommes en quelques arabesques ésotériques qui semblaient vouloir les entraîner dans leur chorégraphie envoutante. Sitôt le souffle retombé et les vibrations de l’air apaisées, Benjamin reprit sa prestance habituelle.
« Bien, asseyez-vous, nous avons à parler », dit-il, en s’installant lui-même en bout de table.
Il ne paraissait plus s’adresser qu’à nous quatre à présent. Le sidhé avait dissimulé les non-vivants à sa vue et à sa mémoire ! L’histoire de Manannán et de sa cape ne m’avait pas été racontée sans arrières pensées. J’énonçai ces explications à mes deux comparses qui me regardèrent, surprises.
« Mais il a pris ma place ! » s’indigna Pelléas, sans provoquer la moindre réaction de Benjamin.
« Tu n’as plus besoin de t’installer là, le conforta Hélène, tu n’es plus en fauteuil. Viens à côté de moi. »
Elle lui prit la main et tous deux s’assirent ensemble sur les premières places disponibles, dos au salon. Blaise vint les rejoindre. Nous avions suivi leur manège sans bouger.
« Prenez place, je vous en prie », reprit l’inspecteur, en nous désignant d’une main et en montrant de l’autre les sièges pourtant occupés à présent.
J’eu un haussement d’épaules en regardant mes camarades et nous fîmes le tour de la table à la queue leu leu pour nous installer face aux anciens, sous l’œil faussement interrogatif de Benjamin.
Manannán choisit le siège à l’autre bout de la table, pour mieux regarder l’inspecteur. Lughan vint se placer à ses côtés. Benjamin se tourna vers moi, j’avais eu la regrettable idée de me mettre juste à sa gauche.
« Avez-vous quelque chose à dire pour votre défense avant que je commence ? me demanda-t-il.
— Mais pourquoi s’en prend-il ainsi à Erwann ? s’emporta Hélène.
— Votre nouveau petit-fils vous a tué tous les trois ! lui répondit Lughan. »
Je bouillais d’envie de l’apostropher directement mais je dus refreiner mes instincts, sachant que je serais une nouvelle fois raillé par les téléspectateurs, et je me tournai calmement vers l’inspecteur.
« Je suis INNOCENT ! » clamai-je en le regardant, même si mes dénégations ne s’adressaient pas tant à lui qu’aux ‘victimes’.
— Tu vois, dit Hélène à son petit-fils, il dit qu’il est innocent !
— Il ment ! se récriât Lughan, avec un aplomb à toute épreuve.
— Laissons faire cet inspecteur, proposa Manannán, même s’il n’a pas la prestance des anciens druides, et voyons comment votre jeune protégé se sort de cette situation. S’il apparait coupable de ce qui lui est reproché, alors nous laisserons l’inspecteur l’emmener et Lughan prendra sa place comme il le souhaite, sinon son esprit repartira avec moi et ne devra plus intervenir dans leurs affaires. Tel sera prix de l’honneur. Est-ce bien clair ? »
Lughan acquiesça. A nouveau Benjamin me posa une question qui me permit de répondre au sidhé.
« Tous ce que vous direz pourra être retenu contre vous, avez-vous bien compris ?
— Oui, c’est parfaitement clair, dis-je d’une voix forte.
— Bien, reprit l’inspecteur, je vais vous raconter comment se sont déroulés les meurtres ! »
On eut dit Hercule Poirot 5 à présent, se préparant à dévoiler à une assemblée attentive le résultat des cogitations de ses petites cellules grises !
« Voilà ma vision des choses. Vos grands-parents vous ont invités ce week-end afin de vous faire part de leur décision au sujet de la transmission de leurs biens. J’ai retrouvé le brouillon des lettres qu’ils vous ont envoyées à toutes deux. »
Benjamin fit un geste en direction de Nolwenn et de Maïwenn. Il se tourna ensuite vers moi.
« Vous êtes presque de la famille, dit-il, et ils ne vous ont pas oublié, mais à votre arrivée, vous pensiez encore n’être là que pour accompagner votre cousine.
— C’est exact, inspecteur. »
Son regard revint vers Nolwenn, qu’il fixa d’un œil accusateur :
« Ce matin les explications de vos grands-parents sont un choc pour vous, et ne sont pas à la hauteur de vos espérances. Nous avons la copie de leur testament ou il est clairement indiqué que la maison reviendra aux parents de Mademoiselle !
Tout en présentant une liasse de courriers manuscrits, il désignait Maïwenn qui fut surprise. Il continua sur sa lancée.
« Vous découvrez que la mort de votre père est en partie de votre faute, ce qui vous a toujours été caché. Peut-être est-ce même votre ‘cousin’ qui vous l’apprend ; nous avons la preuve de la consultation d’un article de presse évoquant le drame depuis son téléphone. Peut-être pensez-vous même que votre disgrâce est une conséquence de vos actes passés ! »
Mais où allait-il chercher tout cela ? Sa plaidoirie faisait passer ma sœur pour une dangereuse opportuniste.
« J’imagine qu’à ce moment-là déjà votre rancœur vous avait incité à fomenter quelques mauvais plans, reprit-il à destination de Nolwenn, probablement en avez-vous parlé à votre ‘cousin, la suite de l’enquête le déterminera. »
Je n’allais pas tarder à me trouver à nouveau impliqué. En effet, l’attaque suivante fut pour moi. Du coin de l’œil je voyais Lughan se délecter de la situation.
« A ce moment, vos hôtes souhaitent s’entretenir avec vous en privé, me dit Benjamin, vous décidez d’enregistrer la scène, ce qui entre nous est déjà le signe d’une machination, vous apprenez de leur bouche que leur fils ainé est en réalité votre père et que votre cousine devient votre demi-sœur ! Il s’en suit quelques menaces obscures de Pelléas sur votre mort prochaine. Excédé, vous quittez la réunion. »
Un policier demanda à parler à Benjamin en privé. Pendant qu’il lui parlait à l’oreille, les trois anciens s’étonnaient.
« Comment cela, je l’ai menacé ? dit Pelléas.
— Tu lui as dit qu’il allait mourir, lui souffla Hélène.
— Ce n’est pas une menace, c’est la triste réalité ! dit Pelléas.
— Oui, mais lui n’en sait rien, reprit Blaise en désignant l’inspecteur.
— Je suis désolée que cela doive lui arriver, gémit Hélène.
— Tu t’en es presque réjouit en le ‘voyant’ hier ! lui lança Lughan, sachant que sa mort sauverait la vie de ta petite-fille ! »
Hélène baissa la tête, honteuse.
« Je n’en suis pas fière, mais personne n’y peut rien. »
Benjamin remercia le policier, qui s’en alla visiblement chercher quelque chose.
« Bien, reprit-il, vous sortez donc dans la cour d’honneur, tergiversez un instant, coupez momentanément l’enregistrement, prenez l’arme dans votre voiture, l’équipez du silencieux, en n’oubliant pas de vous munir de gants, puis vous revenez les tuer froidement de deux balles chacun. Vous faites disparaître la coupe, il faudra bien que vous nous avouiez où vous l’avez cachée, puis vous enclenchez à nouveau l’enregistrement. Lughan vous surprend, et monte dans sa chambre en courant dans les escaliers.
L’inspecteur fit une nouvelle pause, le temps d’examiner nos réactions, je présume. Cela permettait aussi à Aurélien de focaliser sur la discussion entre Hélène et son petit-fils. Il fallait penser aux téléspectateurs.
« Tu crois ce que raconte l’inspecteur ? demanda-t-elle.
— Je n’arrête pas de te le répéter, grand-mère ! »
J’écoutais cet échange d’une oreille attentive et Benjamin interpréta mon silence comme des aveux !
« Je continue puisque vous ne protestez pas… Donc vous le suivez tout en dévissant le silencieux, vous ouvrez la fenêtre à l’étage, vous tirez à l’extérieur pour faire croire au crime, malheureusement dans votre précipitation vous vous trompez dans le nombre de coup de feu, puis vous vous débarrassez de vos gants et les jetez avec le silencieux dans le chéneau. »
Je vis Lughan tiquer à cette dernière remarque, surpris. Je dus manifester mon propre étonnement car Benjamin se justifia aussitôt :
« Ne niez pas ! Nous avons des preuves implacables ; d’abord vos empreintes ont été retrouvées sur le silencieux … »
Là je ne pouvais pas le contredire, c’était précisément la manipulation risquée de Nolwenn ! Et Lughan était stupéfié !
« Nous avons un coup d’avance sur Lughan avec cette découverte. Utilisons-là à ton avantage ! J’ai peut-être le moyen d’écarter les soupçons de toi. Tu as confiance en moi ?
— Oui, soupirai-je, en me demandant si je n’allais pas encore me fourvoyer dans un plan tarabiscoté.
— Donne-moi le silencieux, mais à main nue…
— Quoi ? Je ne suis pas suffisamment chargé que tu veuilles en rajouter une couche !
— Précisément, Lughan ne s’attend pas à cet excès de preuves, nous pouvons l’utiliser contre lui. C’est risqué mais nous n’avons pas d’autres choix si tu veux contrer son jeu !
— J’accepte contraint et forcé, que ce soit bien clair. »
Benjamin enchaîna mais aucun d’entre nous ne s’attendait à la suite.
« … et sur le gant également ! »
Comment cela sur le gant ? N’était-ce pas celui de Lughan ? Avions-nous fait fausse route en supposant qu’il s’était débarrassé là de ses propres gants après avoir tiré ? Je me souvins brusquement des débris de verre, le gant que j’avais pris dans la salle de bain n’y était pas ! Lughan ne voulait aucune preuve de notre discussion, c’était donc celui-ci qu’il avait placé dans le chéneau dans l’idée de le faire disparaître et il avait pu le mettre là tranquillement à la sortie de ma chambre, bien avant les meurtres !
Lughan était carrément hilare à présent; lui qui avait peur de voir réapparaitre un indice qu’il pensait bien avoir fait disparaître proprement, voilà que par un coup du sort tout se retournait maintenant contre moi !
J’étais accablé, Benjamin poursuivit :
« Vous redescendez les quelques marches et, arrivé devant la chambre de Lughan, jetez à terre l’arme qu’à ce moment vous tenez avec un mouchoir ou un tout autre textile. Vous reprenez à nouveau les escaliers vers le rez-de-chaussée juste-à-temps pour voir arriver votre sœur et Mademoiselle. Vous leur racontez que Lughan a tiré sur vos hôtes et qu’il aurait volé le Graal avant de s’enfermer dans sa chambre. Vous coupez l’enregistrement, tout est dit. »
Benjamin était fier de ses explications. Avec une telle accusation je ne voyais pas comment justifier ma bonne foi.
« Lughan aurait volé le ‘Graal’ ? s’étonna Blaise. Qu’est-ce donc que cette nouvelle ineptie ? »
Ma petite remarque sur cette fameuse coupe allait m’attirer le discrédit des anciens en plus ! Un vrai traquenard ! D’ailleurs, cela en était un en fait, patiemment élaboré depuis des mois par Aurélien ! Il m’avait sélectionné pour ma naïveté ! Voilà pourquoi il avait rechigné à me le dire.
Le policier revint avec un verre à pied dans un sachet.
Bon sang, le verre de Cormac ! Nous l’avions bêtement laissé en plan dans la salle de réunion !
J’entendis nos hôtes manifester leur surprise.
« A propos du Graal, pouvez-vous me dire si c’est la coupe que vous avez vu sur la table ? me demanda Benjamin.
— Non, ce n’est pas cette coupe. »
Il prit délicatement le pied à travers le sachet et poursuivit :
« Pouvez-vous me dire à qui elle appartient ? »
Je ne pus pas m’empêcher de lui jouer un tour sous l’œil désapprobateur de Blaise.
« Elle appartient à un certain Cormac !
— Cormac, dîtes-vous ? »
Et aussitôt une lueur orangée apparut fugacement sur le verre. Benjamin s’inquiéta.
« Que s’est-il passé ? Je risque quelque chose à le garder en main ?
— Vous risquez qu’il vous éclate à la figure…
— Vous vous moquez de moi ?
— Je n’oserais pas ! »
Manannán s’étonna :
« Cormac ? Mais c’est moi qui lui ai donné une coupe et elle ne ressemblait pas à celle-ci ! »
Benjamin reposa le verre pendant que Blaise expliquait son origine au sidhé.
Je ne pouvais rien dire à l’inspecteur mais il me vint une idée qui pouvait peut-être encore me permettre de prouver ma bonne foi à Pelléas, Hélène et Blaise.
« Voyez-vous inspecteur, nous nous serions croisés ce matin encore, nous aurions partagé notre goût commun pour les lectures autour du roi Arthur ou du Graal, mais ce soir vous avez… EN FACE DE VOUS… »
Je suivis le regard des anciens qui s’étaient tournés machinalement vers Manannán. Ce dernier marqua sa surprise.
« … quelqu’un bien loin de son monde…
— S’il parle de moi, c’est effectivement le cas ! »
Benjamin, lui, se devait de ne pas me quitter des yeux, et continuer à croire que je parlais de moi à la troisième personne du singulier.
Je repris :
« … et qui, croyez-le ou non, est le premier à souhaiter que le voile se lève enfin sur cette tragique histoire et qu’éclate … »
A ce mot je pris le verre en main et poursuivit :
« … non pas le verre de Cormac mais la vérité ! »
Ma tirade avait fait sensation auprès de l’inspecteur qui ne repéra pas la lueur bleue fugitivement apparue sur le verre. Les autres avaient remarqué, eux.
« Comment se fait-il qu’il soit immunisé ? s’exclama Blaise.
— Que cherche-t-il à me faire comprendre ? demanda Manannán.
— Je pense qu’il souhaiterait que lui soit retirée cette immunité ! dit Pelléas.
— Pourquoi pense-t-il que je puisse faire cela ? s’interrogea à nouveau le sidhé.
— Il a parlé de « lever le voile », cela ressemble au tour que vous avez joué avec votre manteau à l’inspecteur et à ses hommes pour qu’ils oublient notre présence ! Erwann souhaiterait se faire « oublier » du verre !
— Et je peux faire cela moi ? »
Manannán avait glissé un regard interrogatif vers Aurélien qui réfléchissait à toute allure. Je remarquai dans un angle mort au fond de la pièce un technicien un peu nerveux qui attendait ses consignes, une télécommande en main.
Je les avais perturbés ! Personne ne s’était attendu à ce coup de poker ! Nolwenn me regardait avec des yeux interrogatifs.
« Comment pourrais-je vous croire ? dit Benjamin, qui se devait d’enchainer. Vous m’avez menti plus d’une fois déjà ! »
Tout le monde se rendait compte qu’Aurélien avait besoin d’un peu de temps pour analyser la situation et prendre une décision. Sous mon air dépité, je jubilais de les voir s’agiter. Après tout, j’avais eu ma dose ! Benjamin vint à nouveau à la rescousse du réalisateur.
« En attendant, dessinez-moi la coupe que vous avez vue ! » dit-il en me tendant un stylo et une feuille vierge sortis de son porte-documents.
Je pris la feuille et dessinai de tête la forme assez caractéristique de la coupe, son large socle, son réceptacle évasé et assez plat. Je ne me rendis donc pas compte de la confirmation qu’Aurélien adressa au sidhé, ni du mouvement du technicien à la télécommande. J’entendis simplement Manannán dire, en se levant et en dépliant sa pèlerine :
« Je peux en effet essayer de supprimer cela de sa mémoire. Cela fait partie des pouvoirs du manteau. J’aime que l’on prenne des risques ! » Il s’approcha de moi puis il fit tournoyer sa cape dans ma direction ainsi que je l’avais vu faire précédemment.
Une fois mon dessin terminé, je fis mine de déplacer le verre pour poser ma feuille devant Benjamin et une couleur orange vint animer son pied. Benjamin ne sembla pas s’en rendre compte, regardant attentivement mon dessin. Le verre toujours en main j’en profitai pour énoncer distinctement en prenant bien garde à chacun des mots que j’employai :
« Je n’ai tué personne. Je n’ai jamais touché l’arme du crime ! Quant au silencieux… »
Aurélien attendait la fin de ma phrase avec fébrilité, car je ne pouvais pas user du même démenti pour le silencieux.
« … je peux vous assurer que je n’y ai pas laissé mes empreintes de plein gré, et que j’ignorais qu’il était sur le toit, tout comme le gant d’ailleurs ! »
Lughan surveillait lui aussi attentivement toutes mes explications et le verre ne se brisa pas.
« Il dit la vérité… » énonça Blaise.
Manannán appréciait le jeu entre les protagonistes.
« Cela me rappelle les fameuses joutes verbales entre les nobles ! »
Benjamin reprit, tout en restant dans son rôle :
« Vous me semblez sincère, mais il y a bien trop de preuves contre vous ! »
Nolwenn intervint alors :
« Précisément ! L’assassin fait bien attention à ne laisser aucune trace sur l’arme, il porte des gants au moment de tirer mais il les enlèverait AVANT de dévisser le silencieux ? Vous avouerez que ce n’est pas banal ! »
L’inspecteur sembla perturbé en effet.
Finalement la folle tentative de Nolwenn pour contrecarrer les ruses de son cousin allait peut-être fonctionner ! Lughan faisait la moue à présent.
Benjamin se tourna vers moi. J’avais toujours le verre en main et je continuai mes dénégations.
« J’ajouterais, en pointant le dessin, que je n’ai jamais eu envie de dérober quelque coupe que ce soit ! »
Maïwenn intervint à son tour en se penchant vers moi et en prenant mon croquis.
« Pardonnez-moi, mais si c’est cette coupe que vous cherchez je crois savoir où elle est ! » dit-elle d’une voix ingénue.
Elle s’était rapprochée au point que je sentais la chaleur de son être faire corps avec la mienne. Je n’osais plus bouger de peur que le moindre geste ne l’incitât à prendre du recul.
J’étais sûr qu’une caméra était braquée sur moi. Je devais absolument paraître serein.
Surprise, même chez Lughan.
Maïwenn continua :
« Regardez dans le salon. C’est le seul endroit que vous n’avez pas fouillé complètement puisque l’assassin est censé être sorti de cette pièce AVEC le Graal ! Et je me souviens avoir vu, enfant, une coupe comme celle-ci dans le vaisselier ! »
L’inspecteur fit mine de réfléchir quelques instants, attendant fébrilement les consignes du réalisateur puis donna l’ordre à l’un de ses subordonnés de rompre les scellés et de regarder dans le meuble indiqué par Maïwenn. Pendant ce temps, nous restâmes tous à notre place, Aurélien aurait vraisemblablement mal vu que nous nous égayions dans la pièce.
Le policier revint avec une coupe à bout de bras, en ayant pris la précaution de mettre des gants à son tour.
Je fus étonné car c’était bien la coupe que j’avais vue sur la table du salon et dont Lughan s’était emparée ! D’ailleurs il était blême.
Le policier posa solennellement la coupe devant Benjamin, qui la compara avec mon dessin.
« Qu’en pensez-vous ? me demanda-t-il.
— C’est bien cette coupe, inspecteur.
— Et comment expliquez-vous qu’elle se soit retrouvée dans le salon alors que vous avez toujours affirmé que Lughan était sorti de la pièce en la tenant dans la main ! poursuivit-il.
— Je ne sais pas… Quand il a tourné son regard vers la fenêtre je me suis reculé et je n’ai pas vu ce qu’il en faisait. Elle n’était plus dans le salon quand nous y sommes rentrés, j’ai donc naturellement supposé qu’il l’avait emportée. Je n’aurais jamais imaginé qu’il l’avait replacée dans le meuble ! »
En la laissant dans la seule pièce qui ne serait pas explorée, Lughan assurait son coup et me rendait suspect !
Maïwenn reprit, d’un air naïf :
« Pensez-vous vraiment qu’il s’agisse … du Graal ? »
Benjamin s’arma d’un gant à son tour, puis examina la coupe, la tournant sous tous ses angles puis la reposa, sans trop de ménagement.
« Je ne crois pas non… »
J’étais un peu déçu, curieusement.
« Il y a un numéro de série sous le pied… »
Manannán trouva que la démonstration était faite et qu’il était temps de rendre son verdict. Il se leva et annonça :
« Il semble que toutes les charges qui pesaient sur ce jeune homme aient été levées ou, du moins, qu’elles soient devenues très confuses. Je déclare donc qu’Erwann est lavé de tous soupçons et qu’en conséquence, il est digne d’assumer la fonction qui lui revient. »
Il se dirigea vers l’inspecteur et procéda de nouveau à quelques mouvements avec sa cape. Benjamin apparut perturbé puis il leva la tête vers nous et déclara :
« Il est manifeste que nous sommes là devant une cérémonie de suicide collectif, Pelléas a tué Hélène et Blaise de deux balles puis a il retourné l’arme contre lui et a tiré, une seule fois, bien sûr… d’où les cinq coups de feu. La culpabilité a rattrapé les victimes après vingt années passées à ressasser leurs remords et leurs douleurs d’avoir été à l’origine de la mort de leurs deux enfants. Toutes les charges sont donc levées à l’encontre de leurs petits-enfants. »
Le soulagement était général, enfin presque. Seul Lughan me regardait d’un air mauvais. Je ne boudais pas mon plaisir et affichait mon apaisement.
L’inspecteur fit signe à ses deux hommes et après nous avoir salués, ils quittèrent rapidement la scène.
« Tu as gagné Erwann, me lança Lughan, il ne me reste donc plus qu’à me plier aux conditions de Manannán.
— Pourquoi as-tu voulu me rendre coupable de tes actes ? lui demandai-je, depuis le temps que cette question m’obsédait.
— Je n’ai pas supporté que la Pierre de Tara te désigne pour diriger la triade alors que c’est à moi que devait revenir ce rôle !
— La Pierre de Tara ? s’étonna Manannán, elle fonctionne toujours ?
— En fait, répondit Blaise, il s’agit d’un tout petit morceau de cette Pierre monté sur une bague et qui gémit quand le futur roi la passe à son doigt !
— C’est formidable ! reprit le sidhé. Plus besoin de traverser toute l’Irlande pour s’assurer de la légitimité du souverain ! Cette bague est bien plus pratique ! Donc c’est ainsi qu’Erwann a été choisi si je comprends bien ?
— Oui, intervint Pelléas. Nous pensions que Nolwenn ou Maïwenn seraient désignées pour diriger le groupe et s’occuper également de Lughan. Mais nous avons été surpris de constater qu’aucune d’entre elles n’était pressentie pour cela et encore plus de voir qu’Erwann l’était lui !
— Ce n’est pas que nous ne voulions pas de toi, continua Hélène en s’adressant à moi, mais hélas, à ce jour la malédiction qui touche notre famille n’a jamais pu être levée et nous étions réticents à l’idée de te confier les rênes dans cette situation.
— Une malédiction, à présent ! s’étonna Manannán.
— Oui, reprit Lughan, il lui reste moins d’un an à vivre ! Mais ce n’est pas tant à Erwann que j’en voulais, mais à elle ! »
Il désigna Nolwenn d’un doigt rageur.
« Moi ? s’étonna ma sœur. Je ne t’ai rien fait pourtant.
— Te souviens-tu de notre discussion, quand nous étions enfants, devant le moulin ? Quand tu voulais me montrer la machinerie encore en place ?
— Je m’en souviens en effet.
— J’avais peur du noir, te rappelles-tu tes arguments pour me décider à vous suivre, Maïwenn et toi ?
— Non…, répondit Nolwenn, de plus en plus troublée.
— Tu m’as dit de ne pas m’inquiéter ; tu as sorti de ta poche une bougie… et des allumettes ! »
Nolwenn comprit soudain et resta sans voix.
« C’est de ta faute si ma mère est morte ! reprit son cousin.
— Non Lughan, dit Hélène, la malédiction aurait trouvé un autre chemin de toute façon !
— Vous n’êtes pas sans reproches non plus ! poursuivit le jeune homme à son attention mais en englobant du même regard les trois anciens. Toi Hélène, qui propose la rénovation du moulin, toi Pelléas, qui excite notre curiosité au sujet de son mécanisme, et toi Blaise, qui ne réagit pas après avoir reçu une vision décrivant précisément ce qui allait se passer ! »
Hélène se défendit :
« Nous voulions tant empêcher un nouveau drame de se produire ce premier août 1994. La réfection du moulin n’avait été qu’un prétexte pour faire venir vos parents, nous avions décidé de les faire venir dès la veille et de surveiller le moindre de leurs gestes toute la journée. »
Blaise intervint :
« Contrairement à ce que tu crois Lughan, j’ai analysé cent fois ma vision, je m’étonnais qu’elle ne fasse pas allusion au feu qui nous guettait, et si j’avais parfaitement saisi l’allusion au moulin, à travers le mat en chêne, le silo de grains et les godets de la roue, je ne comprenais pas où la malédiction voulait nous entrainer.
— J’avais même caché la clé pour qu’ils ne puissent pas y monter sur un coup de tête, reprit sa sœur.
— Et moi, poursuivit Blaise, j’avais versé dans leur verre une décoction de plantes qui devait les faire dormir, ils n’auraient vu là que les suites d’un repas trop riche et trop arrosé. »
Pelléas ne fut pas en reste :
« Nous avions tout fait pour surseoir aux travaux et attendre le lendemain avant de commencer la moindre tâche. Malheureusement nous avions négligé de nous occuper de vous, nous n’avions pas imaginé le moyen que trouverait le destin pour arriver à ses fins. Quand le feu s’est déclaré et que Denez et Enora se sont précipités encore indolents vers le moulin, nous avons compris que rien finalement n’aurait pu contrer la malédiction, et nous avons payé notre outrage au prix de notre propre intégrité physique…
— Nous avons défié le sort, continua Hélène, et il nous l’a fait payer cher, car cette fois-ci nous avons non seulement perdu notre fils ainé, mais également sa sœur…
— Vous allez bientôt les retrouver, dit Manannán. C’est l’heure de partir, la ‘marée’ n’attend pas !
— Un instant encore », demanda Pelléas.
Il s’était levé sans éprouver la moindre difficulté et se dirigeait lentement vers le salon dont la porte était restée entrouverte, laissant entrevoir les silhouettes qui se trainaient toujours lascivement au sol, froid et brutal témoignage de ce qui s’était passé quelques heures auparavant.
Il me semblait que cela était si loin pourtant déjà.
Nous n’avions pas bougé, ne sachant quelle attitude adopter. Hélène rejoignit son mari la première et lui prit une nouvelle fois la main sans rien dire, dans un ultime geste de communion. Puis Blaise franchit le pas à son tour et nous finîmes tous par les rejoindre. Sauf Lughan.
« C’est ainsi que nous sommes morts, alors, dit Pelléas. Je ne me souviens de rien, c’est peut-être mieux ainsi. »
Blaise s’était mis à ramasser les chocolats mais Hélène l’interrompit gentiment.
« Tu peux laisser Blaise, je crois que ce n’est plus de notre ressort, maintenant. »
Il haussa les épaules, fataliste, puis relâcha les quelques bonbons qu’il avait en main. Pendant ce temps Manannán s’était rapproché du tableau.
« C’est un portrait de famille ? demanda-t-il.
— Non, nous n’avons aucun lien en commun, répondit Hélène, un vague sourire aux lèvres.
— Pourtant, ils habitaient ici même, vous le saviez ?
— Nous nous en doutions, répondit Blaise.
— Comment s’appelaient-ils déjà ? se demanda Manannán. Cela fait si longtemps !
— Elle se nommait Viviane et lui Merlin, répondit Pelléas, enfin remis de ses émotions.
— C’est cela ! reprit Manannán. C’est curieux, je ne les ai jamais croisés ‘là-haut’, je veux bien croire que Viviane soit peut-être encore vivante, et repartie avec les siens, mais Merlin, lui, n’était qu’un humain et devrait être mort depuis bien longtemps ! »
Aurélien nous faisait ainsi savoir, en « spoliant » volontairement les futurs épisodes de la série, que les sidhés n’avaient pas tous disparus ! Il fallait donner envie au public d’attendre la suite !
« Les Tuathas Dé Danann vivent donc toujours ? se hasarda à demander Maïwenn.
— Seulement les plus prudents ! répondit Manannán en riant. La plupart d’entre nous ont fini par mourir d’un accident ou d’une mauvaise rencontre ! J’ai moi-même été bêtement victime d’une altercation avec un mari jaloux ! »
Il semblait totalement anachronique d’imaginer que cela ait pu arriver à ces héros de légende, pourtant la mythologie celtique était truffée d’histoires de ce genre.
« Pour revenir à Merlin et Viviane, dit Blaise, nous pensons qu’ils sont toujours en Brocéliande, endormis au creux d’un arbre ou sous une pierre levée, attendant le moment de terminer leur grande Œuvre.
— Il est vrai que Merlin était engagé dans une noble tâche qui lui tenait particulièrement à cœur. Il nous avait demandé de nous investir une fois encore dans les affaires des Hommes. Notre roi a d’ailleurs confié son épée à celui qui allait devenir le plus grand souverain de Bretagne, le jour même de l’inauguration de cette maison ! Quelle fête ce fut cette nuit-là ! Nous étions tous splendidement vêtus et magnifiquement armés ! Il faut dire qu’à cette époque déjà, nos lances et nos épées tenaient plus de l’apparat que de la guerre ! Je me souviens maintenant de nos retrouvailles, ici même, quelque temps après. J’avais accompagné deux jeunes filles de mon peuple qui avaient une folle envie de contempler leur enfant à tous deux.
— Viviane et Merlin ont eu un bébé ? s’étrangla soudain Hélène.
Manannán réfléchit un instant.
— Il s’agissait d’une adoption en fait. L’enfant s’appelait Galaad, il était le fils du roi de cette contrée, mort dans une guerre avec son voisin et il leur a été confié par sa mère. J’ignore par contre ce qu’il est devenu. »
Galaad était tout simplement le nom de ‘baptême’ de Lancelot, quoique cette notion ne fût pas adaptée aux versions initiales de la légende. Ce même nom désignerait son fils, plus tard, qui terminerait les aventures du Graal.
[1] Premier opus de la saga « Pirates des Caraïbes » produite par Jerry Bruckheimer et Walt Disney Pictures en 2003 avec Johnny Depp en vedette.
[2] Description de Sencha dans La razzia des vaches de Cooley traduit par Joseph Loth.
[3] Sculpture de Manannán mac Lir par John Sutton installée en 2014 à Gortmore, Magilligan, County Derry, Ireland.
[4] D’après une analyse de Jean Markale dans Brocéliande et l’énigme du Graal.
[5] Hercule Poirot est un détective belge de fiction créé par la romancière anglaise Agatha Christie.