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Making-off

Making-off

Veröffentlicht am 22, Dez., 2024 Aktualisiert am 22, Dez., 2024 Fan fiction
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Making-off



Making-off


J’ai récemment ajouté une note au sujet du making-off dans le premier chapitre au moment de la présentation du jeu à Rennes. Ne me résignant pas à ce que les ‘commentaires du réalisateur’ soient absents de la version écrite, j’ai donc transcris à l’écrit et à mon tour quelques aspects de l’histoire vus par d’autres acteurs ou par la technique.   




Ma découverte de Blodeuwedd vue par Aurélien

2014-11-01 07:12:58.000


« Réveille-toi Aurélien, il y a du mouvement dans la chambre d’Erwann ! »


Le technicien de garde scrutait la caméra située dans l’entrée de ma chambre. J’avais volontairement allumé la lumière et j’avais pris mon temps pour m’équiper de mon casque afin d’être sûr d’être repéré.

« Qu’y a–t-il ? » demanda Aurélien d’une voix pâteuse en ajustant ses lunettes.

Il avait dormi sur place dans une couchette et son corps lui faisait comprendre que ces quelques heures de sommeil étaient insuffisantes, mais il avait lui-même donné des consignes la veille à son équipe et il ne voulait surtout pas être pris de court en cas d’activité nocturne de l’un ou l’autre des joueurs.

« Le vestibule chez Erwann s’est brusquement allumé et tout indique qu’il se prépare à une expédition secrète ! dit le technicien.

— En tout cas, il n’hésite pas à nous le faire savoir », constata Aurélien.


Comme je sortais de ma chambre, le technicien manipula son clavier et l’écran devant lui s’anima au rythme de mes propres pas furtifs et gauches dans le couloir. Un deuxième opérateur était entré dans la loge et tous les trois surveillaient maintenant mon avancée dans la pénombre.

« Il se dirige vers la chambre de Blodeuwedd ! chuchota Aurélien. Je savais bien qu’il avait aperçu les reflets lumineux des miroirs hier soir. Sa curiosité est éveillée à présent et l’aura empêché de se rendormir. »


Encore quelques pas et j’arriverais devant la porte. Tous les trois retenaient leur souffle. Ils me virent actionner la clenche, constater qu’elle était fermée, et revenir sur mes pas, apparemment résigné.

« Que va-t-il faire maintenant ? se demanda Aurélien. A-t-il remarqué l’échelle placée au bas du mur à son attention ? »

Ils constatèrent, un peu déçus, que je retournais dans ma chambre, gardant néanmoins de l’espoir au vu de mon attitude tourmentée.

« Que fait-il ? demanda soudain un des techniciens.

— Il enlève ses lacets ! répondit l’autre.

— Pour quoi faire ? reprit le premier.

— Il faut s’attendre à tout avec Erwann », conclut Aurélien.   


Ils me suivirent ainsi dans mon ascension au grenier, cherchant à deviner quelle solution mon esprit retors avait pu imaginer, puis ils s’esclaffèrent en me voyant ouvrir la fenêtre et préparer mon appât. Aurélien réagit le premier.

« Vite, appelez Blaise, qu’il se prépare à monter et à entrer dans la chambre. Il faut à tout prix qu’Erwann pense avoir été surpris ! »


Pendant que l’un des techniciens s’exécutait, Aurélien demanda à son collègue :

« Va dehors et surveille le dispositif d’Erwann. Préviens-moi quand il arrivera en face de la fenêtre ! »


Le temps que je fasse mes calculs et que je déploie ma ligne, Blaise s’était approché de la chambre et le technicien guettait la descente de mon appareil depuis la cour.

« Je t’annoncerai le moment où tu devras entrer, dit Aurélien à Blaise. 

— D’accord, j’attends, j’espère que ce ne sera pas trop long, il faut que j’aille aux toilettes moi ! »


Quand le technicien confirma que mon portable était au bon endroit et qu’il commençait son mouvement pendulaire, Aurélien attendit encore quelques instants puis donna le feu vert à Blaise. On connait la suite et la surprise que j’ai ressentie en découvrant sa tête dans l’encart de la porte.


Le technicien dans la cour se manifesta à nouveau :

« Il remonte sa ligne à présent. Attendez ! L’appareil s’est coincé dans le treillis qui supporte les rosiers ! Il tire dessus, le téléphone va se décrocher ! »


Dans l’espace confiné de la loge on se serait cru à Cap Canaveral, ce dix-sept avril 1970 quand la fusée Apollo 13 terminait son retour mouvementé vers la Terre.

« Il est tombé dans les rosiers ! s’exclama le technicien.

— Mets-toi à couvert, Erwann va sûrement descendre, répondit Aurélien.

— Ok, je me cache et je surveille.

— Tu as un peu de temps finalement, reprit Aurélien, il remet d’abord ses lacets…

— Alors je vais tâcher de disposer le téléphone là où il sera plus accessible car il est tombé au beau milieu du massif.

— D’accord, je te préviens », conclut Aurélien.


C’est ainsi que je pus récupérer mon bien sans trop m’écharper les mains, ce dont je suis bien gré au technicien, encore que si j’avais laissé tomber l’affaire, je ne me serais pas mis dans tous mes états par la suite !


Le plus comique restait à venir. Blaise les ayant rejoint entre temps ils se prirent à rire tous les quatre dans la loge en me voyant découvrir Blodeuwedd allongée nue sur le lit et surtout en me voyant confondu par le regard de Blaise et ses yeux ronds, faussement surpris devant l’objet qui pendait derrière la fenêtre. On ne s’étonnera pas non plus que ma tentative de fuir son regard en stoppant la lecture soit devenue une scène culte du bêtisier… 


Ils décidèrent d’en rajouter une couche alors que, quelques instants plus tard,  je confirmai à Nolwenn que j’étais bien réveillé et que j’allais la rejoindre dans sa chambre :

« Je peux me débrouiller pour le croiser dans le couloir et le titiller sur sa découverte, proposa Blaise.

— Vas- y, confirma Aurélien, mais sans le faire paniquer, je ne voudrais pas qu’il s’enfuit en courant ! »


 


La machination de Lughan vue depuis sa caméra

2014-11-01 11:03:35.000


Quoi ? C’est Erwann qui est pressenti pour diriger la triade ? Grand-père a l’air ébahi lui aussi ! Erwann sera mort dans moins d’un an, il sait qu’il ne peut pas suivre cette voie ! Ah, si la Pierre m’avait choisi ! J’aurais pris Maïwenn à mes côtés, et tant pis pour Nolwenn, elle doit d’abord payer pour son inconscience !


« Je crois que ton cousin nous en veut… dit Maïwenn.

— Oui, il est susceptible, répondit ma cousine.

— J’irais bien le réconforter mais il me croit certainement responsable. »


C’est le moment de passer à l’action !


« Je vais aller le voir, dis-je en me levant.

— Dis-lui que nous souhaitons lui parler en privé, renchérit Pelléas. Demande-lui de nous rejoindre d’ici une demi-heure, le temps de nous concerter. Nous l’attendrons dans le salon, ce sera moins solennel.

— Voulez-vous que nous vous laissions seuls ? demanda Maïwenn.

— Merci, oui, profitez qu’il ne pleuve pas encore pour faire un petit tour au bord du lac si vous voulez. »


Que va décider Grand-père ? Je peux encore changer le cours des choses... Il est temps qu’il passe la main, depuis le temps qu’Hélène et lui aspirent à retrouver leurs enfants et que Blaise se languit de sa sœur. Je peux leur rendre ce service en profitant de la désillusion d’Erwann et en la transformant en désir de vengeance !   


Je quittai la pièce, montai dans l’ascenseur et tapai un code sur le clavier à ma disposition.


L’ascenseur descendit jusqu’au sous–sol et s’ouvrit directement dans une vaste pièce qui s’éclaira automatiquement. Je me dirigeai sans peine au milieu de tout l’équipement et parcourus le laboratoire en direction d’une armoire, collée au mur du fond. Je ne jetai pas même un coup d’œil sur la rangée de box entièrement vitrés à ma gauche, où s’évertuaient à pousser quelques plantes chétives ainsi que deux ou trois arbustes rabougris dans une terre nantie de capteurs divers et sous une série de lampes blasées. De même à ma droite, les fours à fusion, les marteaux, loupes, pinces et poinçons de bijoutier n’éveillèrent en moi aucun intérêt.


Je m’arrêtai devant l’armoire, composai un code sur le cadenas qui la protégeait et j’ouvris les deux battants. Sur une étagère se trouvaient là six verres emballés individuellement dans leur coffret de protection, je commençai par en sortir précautionneusement deux.


Puis j’hésitai devant deux fioles d’un verre épais, opaque, manifestement anciennes et sur lesquelles apparaissaient juste le mot « oubli » mais je les laissai à leur emplacement finalement1… 


Enfin, je mis des gants et ouvris une petite mallette. Un pistolet noir était tapi là, reposant sur un élégant tissu blanc damassé à côté d’un long tube noir aux implications silencieuses. Je vissai l’accessoire, puis glissai l’arme dans ma ceinture à la manière de Bruce Willis dans Die Hard2.


Je rangeai la mallette, refermai l’armoire et repris le chemin de l’ascenseur jusqu’au rez-de-chaussée. J’attendis quelques instants afin de  m’assurer qu’il n’y avait encore personne dans le salon puis je me dirigeai vers le fauteuil de Pelléas. Là, je retirai le napperon, pris quelques pas de recul et tirai une balle dans la partie haute du fauteuil, à gauche. La balle traversa le dossier et finit sa course dans le mur du fond. La détonation amortie ne semblait pas avoir été perceptible depuis l’étage. Je recouvris le trou avec le napperon.


Je m’apprêtai à quitter la pièce quand une idée saugrenue me passa par la tête. Je sortis alors une coupe du buffet et la posai sur la table basse. Elle aurait sa justification à travers les chocolats qu’elle contenait. Je fis ensuite un détour dans la cuisine pour prendre dans le réfrigérateur une bouteille de pommeau qui ferait bien mon affaire.


Je montai dans ma chambre, dévissai le silencieux que je mis dans ma poche, cachai le pistolet puis toquai à la porte d’Erwann.

« Tu viens fêter mon départ ? » me demanda–t-il brusquement, l’air défait.


 Je dus lui semble un peu choqué car il reprit, d’une voie adoucie :

« Ne fais pas attention, je ne suis pas dans mon état normal.

— Tu vas partir ?

— C’est bien tout ce qui me reste à faire non ? »


Erwann était toujours persuadé que la Pierre l’avait jugé coupable de quelques méfaits, c‘était parfait.


« Je ne sais pas, ‘ils’ souhaitent s’entretenir en tête à tête avec toi, et moi aussi il faut que je te parle… »


J’eus la discussion que l’on connait avec Erwann, je profitai de sa recherche de gants dans la salle de bain pour cacher le silencieux sous les coussins du canapé et, une fois que nous nous retrouvâmes tous les deux sur le palier, je le laissai descendre dans le salon pour son entretien privé pendant que je rangeai

le verre intact ainsi que les débris du verre cassé dans le placard de la cuisinette.  Je montai ensuite silencieusement les quelques marches de l’escalier, puis, arrivé à mi-chemin entre le pallier du premier étage et le grenier, j’ouvris la fenêtre et jetai les gants dans le chéneau. Je laissai les vantaux légèrement entrouverts pour la suite des évènements et rentrai dans ma chambre pour récupérer le pistolet. J’en ressortis aussitôt et descendis à mon tour.


J’attendis la fin de la discussion dans le patio tout en manipulant les pièces sur le jeu d’échecs. Je venais juste de placer le cavalier blanc en position avantageuse quand j’entendis Erwann sortir par devant. 


Je rentrai alors dans le salon, l’arme à la main.  



 



La scène des meurtres vue du côté technique

2014-11-01 12:02:22.000


« Nolwenn sait-elle aussi pour la malédiction ? s’enquit Hélène.

— Oui.

— La pauvre, elle doit être choquée.

— Dois-je la rassurer sur son avenir ?

— C’est à toi de décider, Erwann, tu peux aller les retrouver et leur révéler ce que tu veux, répondit Pelléas. Tu fais partie de la famille autant qu’elle.

— J’ai… besoin de réfléchir, dis-je en me levant.

— Bien sûr, nous comprenons. »


Je m’apprêtai à quitter la pièce par l’arrière et sortir sur la terrasse. Depuis la loge Aurélien s’adressa à Lughan :

« Attention, il va sortir par l’arrière, il faut que tu l’en dissuades ! Manifeste ta présence, je ne pense pas qu’il ait envie de te voir maintenant !

— D’accord, je vais faire un peu de bruit », répondit le jeune homme.


J’entendis Lughan qui devait attendre dans le patio. Il ne manquerait pas de m’interroger et c’était la dernière personne avec qui j’avais envie de parler. Je me dirigeai alors vers l’entrée principale, ce qui me laisserait d’ailleurs plus de temps pour analyser la situation.


« C’est bon maintenant, reprit Aurélien, c’est à toi de jouer !

— J’arrive, répondit Lughan.

— Attention dans le salon, c’est l’instant crucial ! » avertit encore Aurélien à destination des trois anciens.


On peut ainsi voir sur les enregistrements Blaise, Pelléas et Hélène affirmer leur pose et leur attitude, confortablement assis à la place qui leur avait été assignée. Pelléas vérifia même d’un rapide coup d’œil que son fauteuil était bien dans l’axe qui passait de la position que venait de prendre Lughan pour tirer à celle de la balle fichée dans le mur derrière lui. Il réajusta le napperon que son petit-fils devrait faire tomber dans sa fuite.


« Tout le monde est prêt ? reprit Aurélien. Erwann s’est arrêté à quelques pas de la fenêtre, c’est le moment idéal ! Go ! »


 Lughan braqua alors son arme en premier vers Blaise, le seul qui aurait pu réagir au moment du tir, et il appuya sur la gâchette. Le coup de feu claqua. Presqu’immédiatement une ampoule d’un liquide rouge éclata dans la pochette intérieure de la chemise du vieil homme qui eut un brusque mouvement de recul, ils s’étaient suffisamment entraînés pour cela. Hélène fut la deuxième victime, elle n’avait pas eu le temps de se rendre compte de ce qui se passait, puis Lughan pointa son arme vers son grand-père et fit seulement mine de tirer.


« Prêt pour la deuxième salve ! s’exclama Aurélien. Erwann s’est précipité derrière le volet, il regarde la scène ! » 


La ronde macabre reprit, un deuxième impact fictif venant déchirer le corps de Blaise et d’Hélène qui ne bougeaient déjà plus. Cette fois Lughan tira bien sur Pelléas et son gilet blanc immaculé s’orna soudain lui aussi d’une vaste tache de ‘sang’. L’effet était surréaliste, dans la loge tout le monde retenait son souffle. Les trois victimes étaient désormais avachies à leur place et ne bougeaient plus.


« C’est bon Lughan, Erwann a tout vu, tu peux remonter maintenant ! » chuchota presque Aurélien, presque gêné de reprendre la parole après un moment d’une telle intensité.


Il fut pourtant surpris de l’attitude inattendue de son interlocuteur car le jeune homme se dirigea tranquillement vers la table, prit la coupe et renversa les bonbons, en parcourant la pièce des yeux sans oublier de regarder nonchalamment du côté de la fenêtre derrière laquelle j’avais assisté aux meurtres. Je m’étais écarté au dernier moment de manière à rester caché.


« Que fais-tu Lughan ? demanda Aurélien. Tu dois remonter maintenant !

— Je viens », répondit doucement ce dernier, en dévoilant au passage la trace de la sixième balle derrière le napperon.


Je sortis de ma torpeur en entendant le pas de course de Lughan qui remontait les marches deux à deux. Quand nous découvrîmes ces images pour la première fois, nous eûmes enfin la confirmation de ce que nous avions supposé ; Lughan posa en effet bien délicatement le pistolet devant sa chambre. Probablement ne voulait-il pas risquer un nouveau coup de feu par accident. Il remonta encore quelques marches et, arrivé près de la fenêtre entrouverte, il demanda entre deux respirations :


« Prévenez-moi quand il sera entré dans la maison !

— Il s’est approché de la porte, il hésite encore ! Ca y est, il entre, il est dans le couloir, il ne sait pas où se diriger ! »


Lughan n’eut qu’à pousser les vantaux, puis il prit la coupe de la main droite, se pencha à l’extérieur, arma son bras comme il le put et projeta le ‘Graal’ au-dessus de lui contre le mur. La coupe s’écrasa dans un bruit sourd et de multiples éclats retombèrent sur le gravier.

« Pourquoi fait-il cela ? Ce n’est pas dans le scénario ! demanda un technicien.

— Les joueurs ont une part de latitude, c’est le jeu, répondit Aurélien, et j’ai une petite idée de ce qu’il cherche à faire… »


Sa dernière phrase fut couverte par le bruit d’une porte qui claque.

« C’est bon, je suis rentré dans ma chambre, annonça Lughan.

— Oui, je vois, reprit Aurélien. L’autre ‘Lughan’ va bientôt te lâcher la bride. Prépare-toi au décrochage ! »


Pendant ce temps, au rez-de-chaussée, Nolwenn et Maïwenn venaient de rentrer dans la maison.

« Que se passe-t-il ? demanda Nolwenn.

— C’est Lughan ! Il est devenu fou ! dis-je. Il a tiré sur Pelléas, Hélène et  Blaise !

Je me vis alors grimper à mon tour l’escalier et m’exclamer :

« Regardez ! Il s’est débarrassé de son arme et il s’est réfugié dans sa chambre ! Il est devenu fou je vous dis ! »

Et d’ajouter cette petite phrase qui avait tant perturbé Benjamin et qui avait failli nous faire perdre la partie :

« Et de plus il me semble bien qu’il s’est emparé du Graal !

— Maintenant ! » lâcha Aurélien à l’attention de Lughan.


Dans sa chambre, on put voir ce dernier prendre une grande respiration et crier d’une voie forte « Il les a tués ! ».

Ce n’était là que la première manifestation de son désarroi.


 



Les explications d’Aurélien


2014-11-01 18:27:45.000



 Les agapes qui suivirent le clap final et réunirent joueurs, acteurs et équipe technique autour d’un apéritif bienvenu furent pour nous l’occasion de poser les multiples questions qui occultaient encore notre esprit.


Nous nous retrouvâmes donc à nouveau autour de la table de la salle à manger qui se garnissait de victuailles sorties d’on ne savait où. En dehors de nous quatre et des trois ‘anciens’, cinq des techniciens d’Aurélien étaient déjà là, ainsi que Benjamin et deux policiers tous trois restés en tenue ! Curieusement, maintenant que nous étions laissés à nous-même, nous ne savions plus quelle contenance afficher, ni quel lien nous unissait, en particulier vis-à-vis de Lughan.


S’imposant au-dessus du brouhaha qui commençait à s’installer une voix s’écria :


« Qui a piqué la bouteille de pommeau que j’avais mise au frais ? » 

Lughan se fendit d’une mimique confuse.

— Oups ! Je pensais qu’elle nous était destinée… me dit-il à voix basse. J’ai dû me tromper de bouteille !

— Je vois, nous ne dirons rien alors… » répondis-je, trouvant là le prétexte à une complicité possible.


« Comment as-tu deviné que j’étais le frère de Nolwenn ? lui demandai-je.

— J’étais censé avoir côtoyé les morts tout ce temps, Denez en particulier, et il était plausible que nous ayons pu avoir une discussion à ce sujet. »


Une ovation accueillit Aurélien au moment de son entrée. Il avait conservé un degré de concentration que les félicitations et tapes sur l’épaule fissuraient à

peine.

« Je m‘attendais à ce que Blodeuwedd t’accompagne, s’étonna Maïwenn.

— Oui, et qu’as-tu fait de Manannán ? renchérit Nolwenn.

— Désolé, mais je tiens à ce que les « sidhés » gardent leur part de mystère… »


Donc, nous les reverrions, ce qui n’était pas une surprise.


Il nous remercia, remercia aussi les techniciens pour leur travail dans l’ombre puis, à la demande générale, et bien loin de l’aisance dont il avait fait preuve lors de la sélection, s’engagea dans une ébauche de discours improvisé sans cacher son émotion. Nous étions naturellement restés groupés, tous les quatre, et nous formions le centre de l’assemblée, avec Pelléas, Hélène et Blaise3, car eux ne s’étaient pas dispersés non plus.

« Avons-nous le droit de vous demander ce que vous faites dans la vie, et comment vous êtes-vous retrouvés dans ces rôles ? questionnai-je.

— Bien sûr, dit Pelléas. Je suis le directeur d’une petite école de cinéma, et nous sommes ici dans ses locaux. »


J’eus enfin la raison d’être de ses nombreuses références cinématographiques ainsi que l’explication de la structure de la maison, avec ses petites chambres, sa cuisine collective et sa salle de réunion.



Pelléas continua :

« Blaise est technicien en effets spéciaux.

— Oui, je suis à l’origine de tous les artefacts que vous avez rencontrés ! compléta ce dernier.

— Peut-être alors pourrions-nous visiter votre fameux laboratoire maintenant, celui qui doit se trouver au sous-sol et que nous n’avons pas pu découvrir ?demandai-je encore.

— Pour cela, intervint Aurélien, vous devrez attendre un peu ! Le décor n’est pas encore monté4!

— D’autant plus que dans cette maison, repris-je malicieusement, une ancienne ferme placée au bord d’un plan d’eau dans un sol très humide, il n’y a aucune chance qu’il y ait réellement un sous-sol !

— Tu as parfaitement raison Erwann ! dit Aurélien en souriant, mais c’est la magie du cinéma… » 


Maïwenn se tourna à nouveau vers Blaise en désignant la bague que Lughan portait encore au doigt.

« Donc c’est vous qui avez mis au point cette fameuse ‘bague de Tara’ !

— En effet, reprit-il, et si vous voulez tout savoir, elle contient des capteurs qui se déclenchent grâce à la pression des doigts. Ces capteurs sont reliés à une petite carte à synthèse vocale alimentée par une pile, le tout caché dans la ’pierre’ enchâssé dans la bague. Comme pour les verres, il ne reste qu’à choisir à distance le moment de l’activer !

— Et pour les meurtres ? demanda Nolwenn.

— Pour les meurtres j’ai cousu des poches à l’intérieur des habits, avec une amorce qui, en éclatant, libère du sang artificiel et créé l’illusion d’un impact. Ces poches étaient reliées par un câble de mise à feu à des récepteurs Wi-Fi que nous portions sur nous et l’arme a déclenché un signal particulier vers l’un ou l’autre de ces récepteurs selon la direction du canon.

— Je vous félicite, dis-je, car le résultat était on ne peut plus réaliste !

— Nous nous sommes beaucoup amusés à répéter cette scène ! » compléta Pelléas.


Hélène lui donna un petit coup de coude.

« Parle pour toi ! Moi j’ai trouvé cela horrible !

— Et vous ? lui demanda Nolwenn, qui s‘était tourné vers elle. 

— Moi, j’enseigne la maîtrise du langage corporel et des mouvements dans l’espace. J’ai beaucoup travaillé avec Lughan pour lui faire jouer les différentes facettes de son personnage.

— Ton rôle était déroutant ! lâcha Maïwenn en direction de Lughan.

— Disons que je suis un joueur un peu particulier car le rôle du ‘méchant’ devait être minutieusement préparé. Je suis étudiant dans l’école de Pelléas, je prépare une Licence Universitaire de Mise EN Scène5 . J’ai été auditionné comme d’autres candidats avant la sélection officielle des joueurs et je suis venu ici plusieurs jours répéter avec Aurélien et Hélène.

— Donc, tes facéties dans la salle d’examen étaient du bluff ? reprit ‘ma sœur’.

— Ma première scène ! Je devais m’assurer que les joueurs retenus m’auraient bien identifié comme l’un des leurs lors de ce concours.

— Mais… les autres candidats qui postulaient pour ce rôle ont passé la sélection pour rien alors !

— Tous des techniciens de l’équipe, grimés car il ne fallait pas qu’on les reconnaisse par la suite ! Une partie d’entre eux est d’ailleurs présente dans cette salle. »


Aurélien intervint :

« Lughan avait tout de même une certaine liberté dans son rôle.

— Par exemple, j’ai pris le risque d’opter pour la variante dans laquelle le silencieux serait caché dans ta chambre, Erwann.

— Ravi de constater que je t’ai inspiré quelques audaces, dis-je d’un ton ironique. »

Nolwenn demanda :

« Où aurait-il été retrouvé dans l’autre option ?

Lughan répondit en riant.

— Là où tu l’as toi-même caché ! J’ai également choisi d’ajouter un autre élément dans le scénario. Constatant avec quelle vigueur Erwann s’intéressait au Graal, j’ai imaginé un mobile du crime supplémentaire à ce propos. J’ai donc cherché et trouvé une coupe qui ferait office de Graal, je l’ai posée sur la table sans en parler aux autres personnages et je l’ai jetée sur le mur comme vous l’avez finalement compris. »

Il se tourna vers Maïwenn.

« La perspicacité dont tu as fait preuve et ta réaction pour désamorcer mon initiative m’ont impressionné !

— Moi qui avait peur d’avoir oublié une partie du scénario ! s’exclama Blaise, rassuré. Je ne comprenais pas les allusions de Benjamin à propos de cette coupe ! »


L’ ‘inspecteur’, qui nous avait entendus, rejoignit la discussion.

« Il est vrai que moi aussi, je devais rester concentré pour ne pas perdre de vue le déroulement de la confrontation ! »

Il s’adressa à moi.

« Vous m’avez donné du fil à retordre ! »


Ainsi, il nous vouvoyait toujours. De toute manière, il n’incitait pas à la familiarité  dans son uniforme.


« Je pense que nous aurons l’occasion de nous revoir, que ce soit au sujet du non-lieu d’aujourd’hui ou… pour une autre affaire », ajouta-t-il.


Je comprenais mieux sa réserve maintenant. Ce n’était pas ce soir-là que je fraterniserais avec un policier, fût-il de cinéma.


Il m’adressa un salut réglementaire avant de retourner auprès de ses subordonnés, qui cachaient mal leur amusement.


« Si nous sommes ici dans vos locaux, je comprends mieux pourquoi vous connaissiez tous les livres de la bibliothèque ! dis-je à Blaise.

— Je suis désolé de vous décevoir mais notre discussion autour de la littérature celtique faisait partie du scénario et je ne connais pas tous ces auteurs Les

livres ont été apportés par Aurélien.

— J’aurais dû m’en douter ! »


Nolwenn se tourna vers le réalisateur et demanda :

« Comment as-tu eu toutes ces idées ?

— J’ai commencé par lire et étudier tous les textes que j’ai trouvés et que vous avez aperçus ici… » répondit Aurélien.


Je voulais bien croire qu’il avait fallu du temps pour s’imprégner de tout l’environnement légendaire.


« Je suis venu à plusieurs reprises pour m’inspirer des lieux, continua-t-il. Le Val sans retour était une étape rendue obligatoire par l’action de l’abbé Gillard, qui n’a pas ménagé ses efforts pour que sa paroisse, Tréhorenteuc, sorte de son anonymat. Un jour, lors de mes relevés, je suis passé devant la station biologique de Paimpont, et il ne m’a pas fallu longtemps pour décider que le personnage de Blaise devait avoir travaillé là. L’historique de cette station, son ancienneté et son originalité étaient particulièrement propices à son incorporation dans l’histoire.


Petit à petit, les conversations s’étaient tues autour du réalisateur.


« Un autre jour, je me suis perdu du côté de la fontaine de Barenton et de l’Hotié de Viviane, symboles dérisoires dépourvus de toute magnificence mais je n’aurais pas pu faire abstraction de ces quelques pierres. »


Tous à présent écoutaient les explications du maître d’œuvre et se laissaient emportés par ses envolées lyriques.


« Felix Bellamy évoque le village de Bréholo dans son livre Brecheliant. C’était un village de douze à quinze maisons entièrement disparu depuis près de soixante-dix ans déjà à son époque. Ce n'était plus qu'un landier, un pâtis avec tas de pierres disséminés et envahis par les ronces et la mousse, comme il dit. La population entière avait émigré et n'avait laissé que quelques ruines et un désert. Il fait également allusion aux ruines d'un moulin à vent détruit par un incendie à quelques pas de là; On l’appelait ‘le Moulin Brûlé’ et c’est lui qui a fourni l’étincelle, si je puis me permettre, à l’histoire que vous venez de vivre… »


Nous eûmes un sourire convenu, en particulier Nolwenn, dont la culpabilité se lisait encore sur le visage.

« Bien entendu j’ai visité le centre arthurien, dans lequel la matière de Bretagne déborde devant un public parfois surpris par cette profusion d’informations et qui tente de comprendre en l’espace de quelques heures cette légende touffue dont il ne connait souvent, en entrant, que les grandes lignes.

— Dommage que le centre soit fermé pour l’hiver, regretta Nolwenn.

— Vous aurez l’occasion de revenir…  la consola Aurélien, avec un clin d’œil amplifié par ses verres de lunettes.

— Ah, merci pour cette indiscrétion ! reprit Nolwenn.

— Je me suis procuré toutes les affiches des expositions passées et je les ai installées ici, comme vous avez pu vous en rendre compte.

— Je te suis d’ailleurs reconnaissant de pouvoir les conserver … intervint Pelléas, elles sont très belles. »


Aurélien eut un geste de gratitude et continua :

« J’ai agrandi alors mon champs d’action en associant à la tradition locale bretonne les récits irlandais toujours aussi fascinants malgré l’épuration qu’ils ont subie par la plume des moines pourtant farouchement attachés à leurs particularités celtiques et derniers héritiers d’une tradition orale druidique dont les mots résonnaient encore entre les murs de leurs couvents rigides et autoritaires.

— C’est de la poésie ! s’exclama Maïwenn.

— J’ai joué et rejoué chaque scène de nombreuses fois, sculptant et peaufinant l’histoire jusqu’à obtenir le grain le plus lisse possible. Je me souviens du jour où la vie de Saint-Moran est venue confirmer  mes élucubrations. Un moment, je me suis même cru découvreur d’une vérité oubliée, il y a de quoi douter !

— C’est vrai que cette partie de l’histoire racontée par Pelléas était particulièrement crédible, je ne savais plus si nous étions dans un jeu ou une véritable enquête littéraire ! ajouta Nolwenn en jetant un œil à son ‘grand-père’.

— Nous avons longuement travaillé cette scène », intervint Blaise.


Le bruit d’un bouchon, enfin libéré de son goulot d’étranglement, fut salué par toute l’assemblée, et donna le coup d’envoi des réjouissances.


Je me rendis soudain compte que nous n’avions rien mangé depuis le petit-déjeuner ! 


Comme nous nous étions un peu dispersés et trinquions deux à deux, je m’étais rapproché d’Aurélien et lui avouai :

« J’étais bien loin de me douter du rôle que j’aurais à jouer finalement !

— Si tu avais vu comme j’étais particulièrement à cran lors de notre première entrevue, à me demander si j’avais fait le bon choix, car tu étais sans le savoir le personnage principal de cette aventure !

— Et je te remercie de m’avoir donné une si charmante partenaire !

— Nolwenn ? s’amusa Aurélien.

— Ma ‘sœur’ est prodigieuse, mais je parlais de Maïwenn.

— Bien sûr ! Je ne te cache pas qu’elle aussi était anxieuse à l’idée de rencontrer son prince charmant !

— J’espère ne pas l’avoir trop déçue !

— Au contraire, et je trouve qu’elle a magnifiquement joué son rôle !

— Oui, cela restera un bon souvenir pour moi.

— Mais, je ne lui ai jamais demandé de t’embrasser… », reprit Aurélien, avec un nouveau clin d’œil.


Plus tard je me rapprochai de Maïwenn.


Nous avions passé une partie du week-end côte à côte mais curieusement, j’étais redevenu timoré à l’idée de l’aborder.


« Aurélien m’a dit que ton rôle ne prévoyait pas ce baiser… »


Maïwenn rougit.

« C’est vrai, excuse-moi, je me suis laissé aller…

— Non, c’est plus émouvant encore comme cela ! Tu m’intimidais tellement !

— Moi ? »


Et c’est ainsi que nous fîmes connaissance pour la seconde fois.


« Ainsi tu es irlandaise ?

— Pure souche, mais je vis en France, à Morlaix, depuis cinq ans.

— Et tu es vraiment naturaliste ?

— Oui, je travaille pour l’association Bretagne Vivante6, dans la maison des réserves des monts d'Arrée du bourg du Cloître Saint-Thégonnec.

— Et qu’y fais-tu ?

— En ce moment, je m’occupe d’une station d’élevage de moules perlières afin de conserver l’espèce. Et toi ? »


Ne m’en voulez-pas, ami lecteur, de garder pour nous la suite de ce tête-à-tête enchanteur...


Plus tard Nolwenn ne manqua pas de me demander :

« Si tu m’avouais maintenant comment tu as été sélectionné ?

— Ah ! Dois-je comprendre que je ne t’ai pas semblé suffisamment perspicace ? »

Nolwenn se contenta d’une légère moue.

« Disons que tu as fait un beau discours sur les origines du Graal…

— Désolé de te contredire mais j’ai passé le test comme tous les autres candidats !

— Et tu as eu quelle note ? »


Il aurait été délicat de continuer à feindre.


« Neuf sur vingt… »

Nolwenn ne parut pas étonnée. Elle réfléchit quelques instants puis reprit :

« Ok, je comprends, Aurélien ne cherchait pas le meilleur pour ce rôle… et finalement c’est ton orgueil qui nous a permis de réussir.

— Mon orgueil ?

— Oui, tu as été soupçonné tout le temps du scénario jusqu’au moment où tu as provoqué Lughan en demandant à perdre ton immunité par rapport aux verres de Cormac !

— Ah ça !

— A première vue, c’était totalement crétin… mais finalement c’était un vrai coup de génie ! Manannán a été bluffé, et c’est pour cela qu’il a conclu en notre faveur. Yoan n’aurait pas osé, lui…

— Yoan ? Ah, le beau brun ténébreux !

— C’est comme cela que tu le vois ?

— Désolé, je ne voulais pas t’offenser !

— Je crois qu’il n’aurait pas supporté le rôle finalement… Aurélien a fait le bon choix, mais je ne le dirai pas à Yoan ! »


Plus tard encore, alors que se terminait l’apéritif :

« Alors ? Quel est la suite du programme ? »


J’avais fini par poser la question qui nous brûlait les lèvres à tous les trois.


« Vous êtes désormais investis d’une mission, répondit Aurélien.

— Mission dont nous ne comprenons pas grand-chose pour le moment, précisa Maïwenn.

— Les explications vous seront données en temps utiles…

— Aurons-nous l’occasion de nous revoir ? demanda encore Nolwenn aux ‘anciens’.

— Malheureusement, nous sommes bel et bien morts, répondit Hélène, vous devrez vous débrouiller seuls. 

— Rassurez-vous, reprit Aurélien, plusieurs des personnes dont vous avez entendu parler viendront à votre aide. Je pense en particulier à l’une d’entre elles que vous aurez bientôt l’occasion de croiser.

— Antoine Quéril ! s’exclama Nolwenn.

— Lui-même.

— Je le pensais mort ! Il doit bien avoir 90 ans maintenant !

— C’est le bon ordre de grandeur.

— Alors il ne faut pas traîner ! »


Aurélien se mit à rire, pour la première fois du week-end.

« Nous verrons cela dès le prochain épisode ! »


Parvenu cette fois-ci à la toute fin de mon récit, si je ne vous ai pas lassé, ami lecteur, il ne me reste donc plus qu’à vous donner rendez-vous le premier février prochain, à l’occasion de la fête d’Imbolc, pour le second tournage au cours duquel nous ne manquerons pas de faire de stupéfiantes découvertes liées à la généalogie de notre famille !






[1] On le sait, Aurélien n’hésitait pas à laisser quelques indices pour ses futurs épisodes, quitte à en éventer l’effet !

[2] Premier film de la franchise américaine du même nom, sorti en 1988.

[3] Pour une meilleure lisibilité le nom des personnages a été conservé pour désigner les acteurs.

[4] La scène ou Lughan descend dans le laboratoire a été filmée ultérieurement, au début du quatrième épisode. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

[5] L.U.M.E.N.S, comme l’unité de flux lumineux, acronyme tout-à-fait adapté à une formation liée à la maîtrise du son et de la lumière ! Bien sûr, cette licence était une pure invention d’Aurélien !

[6] Bretagne Vivante est, depuis 1959, la principale association de protection de la nature et de la biodiversité en Bretagne. Reconnue d’utilité publique, elle œuvre au quotidien pour une meilleure connaissance et préservation du patrimoine naturel régional. Elle gère également un réseau de sites protégés et réserves naturelles à travers la Bretagne et Loire-Atlantique.


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