Scènes coupées
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Scènes coupées
Les doutes de Nolwenn
2014-10-31 18:11:17.000
(Je découvre le nom des chambres et je termine par celle de Nolwenn)
J’en étais là de mes réflexions quand la porte s’ouvrit soudainement.
« Je pensais bien avoir entendu quelqu’un s’approcher en catimini ! Tu écoutes aux portes ?
— Loin de moi cette idée ! »
Elle me fit un signe impérieux d’entrer. Dans le petit salon était accrochée l’affiche de l’exposition intitulée ‘Femmes Fées’ organisée en 2012 par l’imaginaire arthurien et qui représentait Morgane et Mélusine1.
Décidemment Nolwenn était poursuivie par le personnage de Morgane. Je préférai me détourner de l’affiche et tenter de l’amadouer.
« Alors, contente de ta chambre ? Rien à voir avec celles que nous occupions enfants à Folle-Pensée !
— Non, rien à voir », dit-elle sans y avoir prêté apparemment la moindre attention.
Elle m’entraina soudain dans la chambre à coucher, coupa momentanément son micro et sa caméra, puis me demanda de l’imiter.
« Tu m’as trouvée convaincante pendant la première scène ?
— Oui, pourquoi ?
— Je me suis sentie désarçonnée face à Hélène quand elle a commencé à me tripoter !
— C’est normal, personne ne s’attendait à cela !
— Et pas non plus l’apparition de Blaise dont je n’avais aucun souvenir ! reprit-elle en me montrant le livret sur le lit. J’en ai voulu à Aurélien de m’avoir piégé comme cela ! »
J’étais surpris de constater la soudaine fêlure dans la carapace de ma ‘cousine’.
« Je ne savais pas quelle attitude adopter, pas comme cette Maïwenn qui n’a aucun problème pour se jeter dans les bras d’un inconnu ! »
Il est vrai que Blaise avait même paru surpris pour le coup.
« Quant à Lughan, c’est tranquille pour lui, il joue à domicile, il connait tout le monde ! »
Il fallait tout de même reconnaître que Lughan jouait son rôle sans fausse note, loin de ce que sa prestation pendant la sélection aurait pu faire croire.
Je tentai de rassurer ma cousine.
« Ton trouble était tout-à-fait légitime, tu n’étais pas supposé être volubile, ta réserve naturelle était peut-être même ce qu’avait recherché Aurélien dans cette scène.
— En tout cas, je compte sur toi pour ne pas me laisser tomber si je suis à nouveau mise en difficulté. »
Je n’aurais jamais pensé devoir jouer son protecteur !
Elle se calma juste à temps et réactiva son casque au moment où nous entendîmes des bruits dans la cuisine.
« C’est l’heure, je crois, dis-je d’une voix piteuse.
— En avant pour le deuxième round », dit-elle.
Le clown de Lughan
2014-10-31 18:25:52.000
(Nous commençons la préparation du repas dans la cuisine)
« Tu nous courrais après avec ton chevalier noir et ton dragon en peluche qui grognait quand on lui appuyait sur le museau, s’excusa Maïwenn, en disant qu’il
voulait manger une princesse !
— J’ai fait cela moi ? reprit Lughan.
— Tu te promenais souvent avec un clown affublé d’un gros nez rouge et de grelots sur un chapeau fantaisiste, continua Nolwenn. Tu l’avais appelée Perlin… et comme tu avais mal compris l’histoire de l’eau déversée sur le « perron de Merlin » qui provoquait une tempête, l’histoire que racontait Denez aux touristes, tu nous aspergeais car nous avions soi-disant mouillé le ‘nez rond de Perlin’ ! »
Maïwenn éclata de rire et j’entendis également des gloussements en coulisses.
Nolwenn avait sans doute hésité avant de ressortir la blague tordue qu’Aurélien avait dû glisser dans son livret. Mais elle voulait ‘marquer des points’ et s’était enfin lâchée.
Une fois le papier aluminium coupé en rectangle et les légumes tranchés en cubes les sonorités métalliques furent remplacées par le frémissement de l’huile et le beurre dans la poêle.
La ‘Quête du Graal’
2014-10-31 22:09:32.000
(Les trois « anciens » viennent de nous apprendre qu’ils ont trouvé le Graal.)
Nous nous dirigeâmes sous la véranda, un peu sonnés par les confidences de nos hôtes. Au passage je profitai que Lughan était un peu en retrait pour l’aborder discrètement :
« Tu étais au courant pour ce remake de La Quête du Graal ? lui demandais-je en aparté.
— Non, mais personne ne fera mieux que l’original !
— Que veux-tu dire ?
— Ce chevalier qui, au cours d’un duel, regarde sans ciller son sang gicler à chaque fois qu’il perd un membre et qui continue pourtant à apostropher son adversaire en qualifiant de couardise son refus magnanime de continuer le combat !
— De quoi parles-tu ?
— Et cette cavalcade à pied des chevaliers d’Arthur, mimant leurs montures, avec le bruit des sabots remplacé par le claquement de noix de coco frappées les unes sur les autres ! »
Devant mon air hébété, Lughan se reprit :
« On parle bien du film des Monty Python, Sacré Graal, de 1974 ? » demanda-t-il en pénétrant dans le patio sans que je puisse esquisser la moindre
réponse. Je le suivis, sans rien rajouter.
A cette heure-ci les vitres extérieures s’étaient parées d’un noir profond, sombre émanation du lac aux aguets. Quelques lampes d’ambiance artistiquement installées et propices aux jeux d’ombres s’efforçaient néanmoins d’atténuer par leur douce et chaleureuse lumière la sensation anxiogène qui en résultait.
Les trois boutons
2014-10-31 22:47:42.000
(Nous venions de lire la lettre de Blaise dans le grenier.)
Nous en restâmes là pour cette soirée, Aurélien aurait eu ses rushs. Son montage serait assuré. Nous replaçâmes la lettre là où Lughan l’avait trouvée après que Maïwenn l’ait consciencieusement photographiée. Chacun retourna ensuite dans sa chambre.
Je constatai en me regardant dans le miroir de l’entrée deux boutons qui poussaient sur mon visage.
Lughan ne m’aurait pas adressé une satire2 par hasard ? Je savais qu’il était jaloux de l’intérêt que Maïwenn semblait me porter. Je me demandais avec un peu d’ironie ou allait être le troisième bouton…
Je tâchai de sortir cette idée peu flatteuse de la tête et pris tout de même un antihistaminique.
Ce pouvait aussi être juste une réaction au saumon…
J’avisai au mur, dans mon entrée, la toute récente affiche de l’exposition 2014 organisée par l’imaginaire arthurien intitulée… ‘Le miroir aux fées’.
Ou sommes-nous tombés ?
2014-11-01 13:19:12.000
(Benjamin et les policiers viennent d’emporter les corps.)
« Tu te rends compte que tu fais le coupable idéal Erwann ! »
Nolwenn ne mit pas longtemps à m’apostropher après le départ des policiers.
« La scène était criante de vérité, avec le sang et les corps », s’exclama Maïwenn.
Elle était visiblement encore choquée par cette vision, loin de celle que l’on aurait pu imaginer pour un jeu de rôles. Aurélien n’était pas là, aucun technicien n’était visible non plus comme si la situation avait échappé à tout le monde.
« C’était tellement réaliste ! » poursuivit-elle.
— Justement, qui nous dit que tout ceci était bien planifié ? demandai-je.
— Pourquoi dis-tu cela ? » demanda Nolwenn.
Je leur demandai de me suivre, dehors, et je les entrainai dans le hangar à bateaux. Puis je leur fis signe de déconnecter leur casque.
« Et si tout ceci n’était pas dans le scénario ? »
Nolwenn et Maïwenn attendaient la suite de mon raisonnement.
« S’ils étaient vraiment morts ? continuai-je.
— Si nous étions sur une vraie scène de crime, l’inspecteur ne nous aurait pas laissés ici ! Et puis personne ne nous a demandé pourquoi nous étions équipés de casques !
— J’ai supposé que le crime pouvait être vrai, je n’ai pas dit que les policiers l’étaient eux !
— Explique-toi !
— Supposons que nous soyons ici pour autre chose qu’un simple jeu de rôle… que nous ayons été sélectionnés pour participer malgré nous aux expériences de Pelléas et de sa bande ! Le pistolet n’était pas réglementaire ! Je crains que quelque chose ait mal tourné, que la police et le SAMU soient des complices, qu’ils gagnent du temps ! Nous ne pouvons joindre personne, on ne peut pas nous appeler, aucun membre de notre famille ne s’inquiétera de notre silence jusqu’à demain ! »
Pas de réponse, comme si les deux filles étaient dans l’expectative. Je poursuivis :
« Nous avons entendu les ambulances arriver mais il n’y a aucune trace de pneu dans les graviers devant la maison donc personne n’est réellement entré ni sorti du domaine !
— C’est normal, Aurélien n’allait pas mobiliser toute une escouade de pompiers pour une unique scène !
— Toujours est-il que morts ou vifs, Pelléas, Hélène et Blaise sont encore ici ! »
Soudain ce que je craignais arriva. Aurélien approchait avec deux techniciens.
Il avait l’arme à la main ! Et il souriait en plus !
« Félicitations Erwann ! Tes soupçons sont parfaits !
— Comment cela ? Tu nous as entendus ?
— Bien sûr, j’imagine que la production sera enchantée de votre comportement ! Ils vont disposer d’une scène d’enfer pour le making-off ! »
Je protestai :
« Mais le hangar ne devait pas être équipé de caméra !
— J’ai menti, répondit Aurélien.
— Comme pour l’arme du crime, qui devait être parfaitement identifiable ?
— Oui, je ne suis pas fier de moi, mais je n’avais pas le choix. Néanmoins je me dois de vous rassurer ! »
Il fit face à un des techniciens qui portait une caméra à l’épaule et, sans prévenir, tira plusieurs coups de feu dans sa direction ! Trois impacts apparurent aussitôt sur sa veste mais le technicien continua à filmer, impassible malgré ses blessures.
« Vous voyez, nous sommes bien au cinéma. Une arme bariolée n’aurait pas fait sérieux et la production voulait s’assurer que vous auriez vraiment l’air affolés…
— Pour cela, ils doivent être satisfaits ! ne put s’empêcher de clamer Maïwenn.
— Je suis désolé, c’est à cela que je faisais allusion en parlant de quelques entorses dans les règles de base d’un jeu de rôle. »
Nous devions donc en conclure que le scénario suivait son cours… Malgré le sale coup qu’il nous avait fait, je ne pouvais que me sentir soulagé ! Pourtant le scénario ne correspondait pas au découpage entraperçu dans la loge.
« Les meurtres, tu les places plutôt dans l’intronisation ou dans la conclusion ? demandai-je, goguenard.
— Je me doutais bien que tu avais regardé les notes que j’avais volontairement accrochées ! » me dit-il en souriant.
Encore une fausse piste ! Décidemment Aurélien avait pensé à tout !
« Tes notes ? De quelles notes parles-tu ? demanda Nolwenn.
— Laisse tomber, je me suis fait avoir une fois de plus, c’est tout ! »
Nous rentrâmes donc dans la maison, à nouveau harnachés, et reprîmes le jeu là où nous l’avions interrompu :
— Même si Lughan n’est pas aussi faible d’esprit que l’inspecteur le pense, il n’aurait eu aucune raison de tuer ses grands-parents ! dit Maïwenn.
La fouille des policiers
2014-11-01 16:23:27.000
(Deux policiers fouillent les chambres pendant que Benjamin procède au relevé des empreintes.)
Les deux hommes avaient presque terminé la fouille des chambres à l’étage. Il n’en restait plus qu’une, au bout du couloir. Seulement, la porte était fermée.
Ils examinèrent le trousseau de clés qui leur avait été remis mais aucune d’entre elles n’ouvrait cette dernière pièce.
« Ce doit être la chambre d’un invité qui aura gardé sa clé », dit l’un des deux.
L’autre regarda son listing, perplexe.
« Pourtant, les deux filles occupent les chambres ‘sorbier’ et ‘noisetier’ au rez-de-chaussée tandis que le cousin s’est vu proposé la chambre ‘Aulne’ au début du couloir, à l’étage. Et pour toutes celles-là, nous avons un double des clés.
— Vous cherchez quelque chose ? » demanda quelqu’un juste derrière eux et que les policiers n’avaient ni vu ni entendu venir.
Surpris, ils se retournèrent pour se retrouver devant le jeune homme à la chevelure impeccable, et qui les regardaient en souriant.
« Nous nous demandons qui loge ici, répondit le premier policier.
— C’est moi ! répondit le jeune homme.
— Comment cela c’est vous ? Il est noté ici que vous occupez la chambre ‘Pommier’ ! Et d’ailleurs, ne devriez-vous pas être au poste ?
— Ah ! vous parlez de l’autre ‘Lughan’, lui dort effectivement au bout du couloir, mais moi je dors ici !
— Comment cela, l’autre Lughan ? Vous êtes deux ?
— Bien sûr ! Vous aurez remarqué que je lui ressemble, non ?
— Mais personne ne nous a parlé de deux Lughan ! reprit le deuxième policier.
— Je pense que vous avez mal écouté les explications de votre chef ! » se moqua le jeune homme, l’index levé comme pour une remontrance.
Les deux agents suivirent le doigt des yeux, non pas qu’ils redoutaient la réprimande de leur interlocuteur, mais il y avait dans ses gestes comme un agréable mouvement de va-et-vient hypnotique, une oscillation douce et apaisante de l’air autour d’eux.
Lughan continua :
« Bon, pouvez-vous m’ouvrir la porte, puisque vous êtes là ?
— Mais…, nous n’avons pas la clé ! »
Lughan amplifia ses gestes. Les policiers semblaient subjugués par la chorégraphie que faisaient ses dix doigts à présent.
« Avouez plutôt que vous l’avez perdue ! Décidemment, votre chef ne va pas être content !
— Ça, c’est sûr ! Il ne va pas être content du tout ! »
La voix du policier était devenue monocorde. L’autre acquiesça sans pour autant perdre de vue la danse digitale.
« Je vais vous dire ce qu’il y a dans ma chambre, continua Lughan, comme cela vous n’aurez pas à raconter vos déboires à l’inspecteur ! »
Il leur désigna une ligne vide sur leur listing, en face du dernier nom, et correspondant à la chambre ‘Aubépine’.
« Notez ; une armoire avec du linge de maison, un lit d’une place, quelques miroirs, une table de chevet et une petite lampe d’ambiance, voilà !
— C’est tout ? » demanda le premier policier tandis que l’autre notait soigneusement le descriptif de la chambre.
Lughan se pencha vers eux et leur dit encore d’une voix basse :
« Dans le lit, il y a une jeune femme nue qui attend que je m’occupe d’elle ! Vous comprenez maintenant pourquoi j’ai hâte de rentrer !
— Mais je ne peux pas écrire cela ! s’indigna le policier au crayon.
— Je plaisante ! répondit Lughan. A présent, allez faire votre rapport à votre chef !
— Oui, maintenant que toutes les cases sont remplies, nous pouvons redescendre !
— Une dernière chose, compléta Lughan, alors que les deux hommes lui avaient déjà tourné le dos, l’inspecteur n’a pas besoin de savoir que je vous ai aidé pour la dernière chambre, ne lui parlez pas de notre petite discussion ! »
Il entendit encore la fin de la conversation entre les policiers avant qu’ils n’atteignent l’escalier.
« Heureusement que nous l’avons rencontré, il nous a rendu un fier service !
— Que nous avons rencontré qui ?
— Je ne sais plus… »
[1] Mélusine est un personnage féminin légendaire souvent vue comme fée et issue des contes populaires et chevaleresques du Moyen Âge.
[2] Malédiction druidique.