La remplaçante (2020) Michelle Frances
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La remplaçante (2020) Michelle Frances
Londres, ton univers impitoyable
La romancière britannique Michelle Frances avait travaillé durant quinze ans à la télévision britannique avant d’écrire son premier roman, La petite amie. Avant cela elle avait étudié le cinéma, au Royaume-Uni puis aux États-Unis. Nul doute que son expérience de productrice et de scénariste à la prestigieuse BBC lui a été utile pour camper le personnage principal de son nouveau livre, La remplaçante. C’est une productrice à succès qui, à l’aube de ses quarante ans, doit mettre de côté sa vie professionnelle le temps de son congé maternité. Si l’on ignore quelle part d’autobiographie l’auteure a pu insuffler dans son thriller psychologique, on peut raisonnablement penser qu’elle a dû s’inspirer de quelques-unes des anecdotes qu’elle a sans aucun doute glanées durant sa carrière. Le personnage d'Adrian, un scénariste accompli, fat et imbu de lui-même, évoque très facilement les caricatures de mâles dominants qui ne se posent pas de questions et peuvent être toxiques pour leur entourage.
Lors de la cérémonie des Baftas, Carrie chuchote à Adrian que la place devant eux porte son numéro fétiche. Le prix du meilleur scénario original est en passe d’être décerné et Adrian a des chances de le remporter. Quand son nom résonne, il est aux anges et fait un discours policé où il n’oublie pas de remercier son épouse Carrie. Elle le retrouve lors de la réception qui suit l’événement et ils croisent son ancienne productrice Elaine, qui raille le choix qu’il a fait de la remplacer par Carrie. Quand ils se retrouvent seuls, elle lui annonce que contre toute attente elle est enceinte et elle lui fait comprendre qu’elle veut garder le bébé. De son côté, Emma regarde l’émission avec ses parents avec qui elle a de plus de mal à cohabiter. Elle est serveuse dans un bar en attendant de trouver un emploi dans le milieu de la télévision. Elle a écrit des scénarios mais son manque de connexions dans le métier l’empêche de progresser, et elle enchaîne stage après stage, au grand désespoir de son père et de sa mère.
La mécanique du thriller met beaucoup de temps à s’installer dans La remplaçante. L’auteure prend un soin tout particulier à présenter ses personnages, et en particulier les trois principaux dont les différentes parties du roman vont porter le nom. Carrie est une productrice de télévision accomplie, qui tombe enceinte dès le début du livre. Elle est mariée à Adrian, auteur en vue grâce au succès d’une série pour adolescents, et avec qui elle travaille sur un nouveau projet. Quant à Emma, c’est une jeune scénariste qui va bientôt remplacer Carrie durant son congé maternité. Les éléments de l’intrigue vont peu à peu faire monter la tension, avec quelques détails a priori insignifiants mais qui vont se révéler inquiétants. La première partie du roman se concentre ainsi principalement sur le quotidien des protagonistes, qui naviguent dans ce milieu privilégié et dont les petits tracas mériteraient sans aucun doute d’être relativisés.
Le style de La remplaçante n’est quant à lui pas très flamboyant. Si on a du mal à entrer dans le roman, c’est sans doute lié aux tournures de phrases, inutilement alambiqués, qui ralentissent la lecture. Le livre est truffé d’expressions toutes faites, sans qu’on ne sache si ce défaut est dû à l’écriture en elle-même de Michelle Frances ou bien de la traduction du livre. Ainsi trop souvent les « larmes coulent en silence », le vent est toujours « glacial » et les collines sont forcément « verdoyantes ». De plus, de nombreux détails inutiles émaillent le récit, et les actions des personnages nous sont détaillées de façon superfétatoire, étape après étape. Par exemple, on frappe à une porte, on attend une réponse, puis on entre et on referme la porte doucement ; ou bien on tire des rideaux, puis on se dirige vers un bureau, on allume un ordinateur et on ouvre un fichier. Sans compter quelques poncifs que l’on a déjà trop lu, comme cette scène du premier rapport sexuel après l’accouchement, forcément inabouti et frustrant.
L’intérêt de La remplaçante se trouve plutôt du côté de la caractérisation des personnages et des thématiques abordées, qui fleurent cela dit un peu trop le réchuffé. On parvient tout de même assez facilement à éprouver de l’empathie, à la fois envers cette productrice qui accuse progressivement le poids des années et qui se rend compte que le milieu professionnel est beaucoup plus sévère envers les femmes, et envers cette jeune stagiaire tentant de percer dans un univers où l’injustice et les coups bas règnent, tandis qu’elle peine à faire comprendre à ses parents qu’elle a trouvé sa voie mais qu’il lui faut du temps avant de pouvoir être autonome. De même la figure du mâle blanc dominant, hétérosexuel et privilégié, est une fois de plus tout à fait bien campée et le lecteur n’éprouve aucune difficulté à comprendre les ressorts inconscients qui sous-tendent les relations entre ces trois personnages. Petit bémol, lorsque le cœur du thriller se met en branle, on a toutefois du mal à comprendre les ressorts parfois erratiques des uns et des autres.