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Hitchcock/Truffaut (1966) François Truffaut

Hitchcock/Truffaut (1966) François Truffaut

Veröffentlicht am 2, Aug., 2020 Aktualisiert am 2, Aug., 2020 Kultur
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Hitchcock/Truffaut (1966) François Truffaut

Quand un ponte rencontre un autre ponte, qu’est-ce qu’ils se racontent ?

Quand il était journaliste aux Cahiers du cinéma, François Truffaut s’entretint plusieurs fois avec Alfred Hitchcock. Une de leurs rencontres est raconté par le futur cinéaste en exergue de Hitchcock/Truffaut : en 1955, il se rend avec Claude Chabrol aux Studios de Joinville, où Hitchcock finalise la postsynchronisation de La main au collet. Suite à une chute dans un bassin, ils se présentent face à leur idole trempés, et cette anecdote remplira pour quelques temps les discussions de Sir Alfred à la presse. Quasiment dix ans plus tard, Truffaut décide d’écrire un ouvrage rassemblant une somme d’entretiens qu’il dirigerait auprès d’Hitchcock. En 1962, François Truffaut vient de sortir Jules et Jim, et Alfred Hitchcock est en train de finaliser Les oiseaux. Ils se rencontrent durant une semaine et discutent sur la base d’un questionnaire de 500 questions autour de l’œuvre du cinéaste anglais. Le Hitchbook sera par la suite augmenté de plusieurs chapitres et sortira en 1966, puis sera plusieurs fois republié. Les entretiens deviendront célèbres et seront bien plus tard diffusés sur la radio publique, tandis qu’un documentaire sera réalisé en 2015 autour du livre.

À Londres, en 1899 nait Alfred Hitchcock, d’un père nerveux et sévère et d’une mère amatrice de théâtre. Il raconte souvent une anecdote qui lui est arrivé quand il avait quatre ou cinq ans et qu’il a été enfermé à la Police, dans une cellule, pendant quelques minutes. Pourtant c’était un enfant sage et solitaire, pensionnaire d’une institution jésuite, ce qui a d'ailleurs peut-être développé son attrait pour la dialectique entre le Bien et le Mal. Toujours dans le haut du classement des élèves, mais jamais dans les premières positions, il souhaitait vaguement être ingénieur, c’est pourquoi on l’envoya faire des études dans une école spécialisée. Puis il entra dans une compagnie télégraphique tout en poursuivant des études dans la sections Beaux-Arts de l’Université. Il s’intéressait depuis plusieurs années au cinéma et au théâtre, et n’a pas tardé à être transféré au service publicité de l’entreprise où il travaillait, pour y dessiner des illustrations d’annonces publicitaires. Il allait tout particulièrement voir au cinéma les films américains de l’époque, ceux de Charlie Chaplin ou de D. W. Griffith, ceux de Douglas Fairbanks et de Buster Keaton.

Pour un cinéphile, la lecture de Hitchcock/Truffaut est absolument passionnante. Les deux réalisateurs sont à des moments de leur carrière où ils ont beaucoup réfléchi sur l’art cinématographique, et leurs dialogues reflètent leur maturité sur les questions de mise en scène ou d’approche du public. On sent le respect qu’ils ont l’un envers l’autre et la délicatesse avec laquelle ils s’entretiennent est assez remarquable. En particulier, de la part de François Truffaut, on se rend compte de l’admiration qu’il porte envers le maître du suspense, mais il a tout de même l’honnêteté de lui dire ce qu’il a ressenti, en bien ou en mal, lors du visionnage de certains de ses films. Par exemple, il n’hésite pas à lui dire qu’un film comme Le grand alibi, « n’ajoute rien à [sa] gloire », ou que certaines séquences de Sabotage ne sont pas tout à fait réussies. Le plus réservé quant à la qualité de son œuvre reste toutefois Alfred Hitchcock himself, et l’on découvre sa modestie, ou en tout cas le perfectionnisme qu’il entretient envers ses films. Ce trait de caractère a d’ailleurs ajouté à sa réputation d’acharné de travail, qui était capable d’être odieux envers ses collaborateurs.

Au travers les entretiens d’Hitchcock/Truffaut se dessine ainsi la discrète amitié qui unit deux réalisateurs animés par une même passion du cinéma. Et l’on ressent la fascination qu’exerce la filmographie d’Alfred Hitchcock sur le jeune cinéaste français, déçu par l’accueil reçu par les films du maître dans les années cinquante et soixante. À cette époque, seuls les Cahiers du cinéma défendait le réalisateur, dont les films étaient considérés comme trop commerciaux par la majorité des critiques, qui souvent méprisaient certains genres comme le policier ou l’espionnage. La réception de ses long-métrages par le grand public est d’ailleurs une des préoccupations majeures d’Alfred Hitchcock, et l’on comprend que le succès de Psychose, qui va asseoir sa célébrité et qui va toucher un jeune public, lui fait énormément plaisir. Il se montre assez suffisant envers la critique, qui le lui a souvent bien rendu, ce qui occasionne certains échanges savoureux lorsqu’il rappelle à François Truffaut ses débuts dans la profession. Cela dit, Hitch n’est pas non plus tendre envers ses producteurs, et l’on se rend bien vite compte de son caractère bien trempé.

Reste que les analyses des films d’Alfred Hitchcock opérées dans Hitchcock/Truffaut sont tout à fait savoureuses. La construction de chacun des échanges autour de thématiques récurrentes permets de donner une cohérence à l’ensemble des discussions, et le lecteur peut piocher s’il le souhaite certains passages où sont évoqués ses films préférés. On se délecte de lire les coulisses de certaines scènes devenues cultes, comme l’attaque de l’avion dans La mort aux trousses, qui débouche sur la théorie d’Alfred Hitchcock sur le temps et l’espace au cinéma. Tout aussi intéressantes sont les analyses de François Truffaut, que ce soit sur le caractère sexuel des films de Hitchcock, ou bien son développement, qui deviendra célèbre, sur les « grands films malades », en citant Marnie comme exemple typique. Tout aussi fameuse est l’expression qu’emploie Alfred Hitchcock sur ses films qui sont plus des « tranches de gâteau » que des « tranches de vie », ou ses longues tirades autour du caractère cinégénique de l’objet filmique, et combien le parlant a pu faire de mal à la qualité d'un certain cinéma.

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