20 Desanm : la fête Kaf, ou fête de la Liberté
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20 Desanm : la fête Kaf, ou fête de la Liberté
Le 20 Décembre ici, c'est donc jour férié (cf article précédent). Le 20 Desanm ici, on fête chaque année l'abolition de l'esclavage, et ces festivités prennent le nom de fête Caffre (en référence à la côte caffre du Mozambique, bien que la majorité des esclaves venaient plutôt de Madagascar), ou fête Caf, ou Kaf. Certains voudraient même la renommer Fête Réunionnaise de la Liberté afin de desethniciser la commémoration ; mais c'est ce nom qui reste dans toutes les têtes et toutes les mémoires.
D'ailleurs, en me baladant dans les rues de St Pierre la veille au soir du jour officiel, je remarque que les gens typés africains se souhaitent bonne fête Kaf en se croisant, comme on se souhaite un joyeux Noël dans la rue un 24 décembre au soir. Mai si cette fête est aujourd'hui extrêmement populaire, telle un jour de fête nationale, il aura fallu attendre 1983 et Mitterand pour que la France reconnaisse officiellement un jour de commémoration de l'esclavage, et le rende férié dans l'ensemble des DOM (la date étant variable d'un DOM à l'autre puisque le décret d'application n'a pas été promu à la même date selon les territoires).
Ainsi, le 20 décembre ici, c'est grosse fête Kaf. Partout dans l'île, de Saint Denis à Saint Pierre, de Saint Paul ou Saint Leu à Saint Benoit ou Sainte Suzanne, des festivités sont organisées : cérémonies de commémoration, travail de mémoire autour d'expositions, ateliers de diverses pratiques ou confections, défilés, spectacles de danse, concerts regroupant les plus grands artistes de Maloya de l'île, grands Kabar (entendez cabaret en créole ? Manifestation regroupant l'ensemble de ces différentes festivités, avec une ou plusieurs scènes, des stands, un service de restauration...).
Pour notre part, nous passons l'après midi au musée Villèle, ancien très grand domaine terrien sur les hauts de Saint Gilles de la famille Debassayns, où l'on y cultiva le café, le coton puis la canne à sucre ; ancien domaine sur lesquels vivaient plusieurs centaines d'esclaves qui y travaillaient, le nom de Mme Debassayns étant désormais vivement associé à cette mémoire de l'esclavage et de ces maîtres très sévères envers leurs « biens meubles » que représentaient les esclaves ; et donc domaine devenu aujourd'hui un musée historique, l'un des plus grands de l'île.
On se promène à travers le parc et les jardins, où l'on découvre en détail le Code Noir, titre donné à l’ordonnance royale de Louis XIV de mars 1685, puis aux édits similaires de 1723 sur les Mascareignes et de 1724 sur la Louisiane, et enfin, aux recueils de textes juridiques relatifs aux colonies françaises et à l'esclavage, officialisant ainsi la pratique de la traite négrière et réglementant les droits des maîtres sur leurs esclaves. Les articles les plus marquants étant ceux régentant les châtiments corporels et les pratiques officielles pour décourager le marronnage (la fuite des esclaves, cf article précédent) : 1ère fuite de plus de 1 mois : on coupe les oreilles et on marque une épaule au fer rouge d'une fleur de lys, 2ème tentative on coupe le jarret (creux poplité = jambe?) et on marque l'autre épaule au fer rouge, 3ème tentative condamnation à mort.
On se recueille en déposant une fleur au Mémorial aux esclaves, on suit le parcours d'un esclave marron au travers d'une visite guidée très intéressante reprenant ce que j'ai pu vous dire sur le marronnage précédemment, on visite le Kan des esclaves, on assiste à des danses et des concerts de Maloya traditionnel ; cette musique faite de beaucoup de percussions (cf article précédent) descendant directement des chants tribaux et instruments construits par les esclaves africains et malgaches, et qui s'est depuis fortement métissée avec l'évolution de la société réunionnaise, agrémentée d'instruments plus mélodiques, (guitare, clavier, triangle, mais aussi vahila ou kora..) pour devenir un style à part entière, le Maloya moderne ou électrique, écouté, chanté (en créole) et dansé sur toute l'ile et sur toutes les radios locales, qui donne sa coloration particulière à l'ambiance d'ici.
On aurait aimé ensuite aller voir sur la scène montée à St Leu le groupe Ziskakan, un groupe très renommé ici ; mais la pluie en cette période cyclonique nous accueille sur place, olbigeant à annuler les festivités, et je décide de remonter à ST Denis pour assister au grand défilé, grande parade de musique et de danse des différentes associations de quartier de St Denis commémorant la mémoire de leurs ancêtres esclaves, en descendant l'artère principale du centre ville, la route de Paris, du jardin de l'Etat jusqu'au Barachois piétonnisé pour l'occasion, où se tiennent ensuite des festivités multiples, une fête foraine, des stands de restauration, une grande scène accueillant divers groupes de Maloya. On se croirait un soir de fête de la musique dans les rues de Toulouse, tellement tout le monde est de sortie en ce jour de festivités !
A noter que dans la semaine précédent le 20 décembre, des festivités et des comémorations avaient déjà eu lieu un peu partout dans l'île, avec l'invitation d'une délégation officielle en provenance de Namibie et d'Afrique du Sud, et des concerts des plus grands chanteurs aux 4 coins de l'île : Danyèl Waro, Ziskakan, Zanmari Barré, Baster, Maya Kamati, Lindigo... (si vous voulez taper sur Youtube pour vous faire une petite idée), et même Yannick Noah que je suis allé voir à St Joseph (sud de l'île) le 19 décembre au soir en sortant du boulot !
NB : Après avoir été inscrite à l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France, cette pratique musicale est classée, par l'UNESCO et depuis le 1er octobre 2009[4], au Patrimoine culturel immatériel de l'humanité[5].
Voilà donc la fête Kaf, ma première fête Caf... une très belle journée, qui entame la période de vacances ici (4 semaines pour les écoliers, dites vacances australes), les fêtes de fin d'année, une activité économique qui va fonctionner au ralenti, un certain nombre rentrant en métropole pour les fêtes, les autres allant passer du temps à la plage, car dites vous bien qu'on est en plein cœur de l'été désormais, et qu'il règne une moiteur ambiante très tropicale entrecoupée de grosses averses ; d'ailleurs, la route du littoral a été basculée sur une voie pendant près d'une semaine, constituant des embouteillages monstres pour aller ou venir de l'ouest, l'horreur !!!...
Aie....
quand on commence à commenter la météo et la circulation, c'est qu'on est vraiment ancré dans les préoccupations quotidiennes principales des réunionnais !!;-)))
Passez de Joyeuses Fêtes de fin d'année !!
Je vous embrasse
Charlie 11 mesi fa
OK! Oui c'est ça qui m faut!😊
Stéphane Hoegel 11 mesi fa
Si les concerts à la Réunion te branchent, je te conseille le festival Sakifo qui se tient vers fin mai début juin si ma mémoire est bonne !