L'Amande - Un récit érotique ( The Almond - The sexual awakening of a Muslim woman )
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L'Amande - Un récit érotique ( The Almond - The sexual awakening of a Muslim woman )
L'Amande retrace le parcours de Badra, une femme musulmane d'une quarantaine d'années, mi-arabe mi-berbère, qui échappe à un mariage forcé avec le vieux Hmed dans le village d’Imchouk. Elle se réfugie à Tanger chez sa tante Selma, une femme indépendante, après avoir subi une vie conjugale marquée par la violence et le malheur. À Tanger, Badra fait la connaissance de Driss, un brillant cardiologue aisé, formé en Europe, qui l’aide à découvrir sa sensualité et à explorer les plaisirs charnels, l’encourageant à s’exprimer librement, sans crainte de préjugés ni de représailles.
Dans les années soixante, Tanger, cette ville porteuse des valeurs occidentales, devient le refuge de Badra, tiraillée entre ses traditions, son éducation rigide, et l’attrait du modernisme. Ce récit semi-autobiographique entrelace les moments marquants de la jeunesse de Badra, jeune fille espiègle avide de liberté, et de sa vie d'adulte, marquée par des amours et des aventures variées, le tout servi par un jeu subtil de typographie.
Badra évoque son enfance perdue, son imagination effrontée qui fantasmait sur les prostituées, et une relation intime avec sa meilleure amie. Elle se vante de son corps et de sa beauté. Son récit érotique surprend par son audace et sa franchise, se faisant le porte-voix d’une révolte intime et sincère. Au-delà de cette confession personnelle, L’Amande explore les tabous de la société marocaine.
« Aucune créature de Dieu ne supporterait d'entendre tant d'obscénités dans la bouche d'une femme. »
Ce roman dévoile le corps féminin voilé, terrain de l'hypocrisie religieuse, et questionne la possibilité pour une femme d'exprimer librement ses véritables sentiments au-delà des normes imposées. La prise de parole audacieuse de Badra, dans ce contexte fictionnel, est un acte de résistance. Ses personnages féminins, en revanche, restent souvent prisonniers de leur destin, paralysés par le poids des traditions.
L'Amande répond au besoin de parler d’amour dans les sociétés du Maghreb et d’ailleurs, où la pudeur limite souvent les expressions de tendresse. Selon l'auteur : « Le malaise du monde arabe est que les gens ne savent pas comment aimer. Ils regardent des feuilletons romantiques par frustration. Ils rêvent de l'amour, écoutent des chansons, sont sentimentaux, mais manquent de tendresse. Ils admirent les poèmes d'amour, mais n’ont pas le courage du cœur. »
Nedjma, l’auteure
Nedjma est un pseudonyme, choisi pour rester anonyme, « sous le voile », par crainte des représailles. Marocaine d’une quarantaine d’années, elle débute sa carrière littéraire avec L'Amande en 2004, récit érotique semi-autobiographique publié chez Plon, qui connaît un succès immédiat. Elle poursuit avec La Traversée des sens (2009) et Toi, l'Arabe (2011).
Son écriture, féminine et féministe, accorde une place centrale aux figures féminines, chacun de ses romans proposant des portraits de femmes aussi uniques que semblables. Le choix du nom « Nedjma », signifiant « étoile errante » en arabe, rappelle l’héroïne du roman Nedjma de Kateb Yacine, figure légendaire de la littérature algérienne. À travers ce choix, l’auteure revendique son identité, participant à la construction d’une voix féminine maghrébine contemporaine.
Dans une interview au New York Times, elle justifie son écriture sur le Maghreb :
« C'est ma façon de dire que j'appartiens à cette tribu, que je ne viens pas d'ailleurs, que je fais partie de ce monde et que personne ne peut m'en exclure. »
Elle y décrit également l'événement déclencheur qui l'a poussée à écrire : le choc des attentats du 11 septembre 2001.
« Deux fondamentalismes sont entrés en collision. L'acte des fondamentalistes était irréversible, choquant. Mais la réponse était aussi monstrueuse. J'ai vu les deux camps parler uniquement de mort et de sang, sans aucune considération pour le corps humain. J’ai dû parler du corps, dernier tabou où se concentrent toutes les censures politiques et religieuses. »
En tant que femme musulmane, Nedjma remet en question les traditions et l’hypocrisie de sa société, en explorant la sexualité féminine dans ses œuvres comme un acte de libération et de révolte. Son écriture brise les tabous, révélant les silences imposés aux femmes et posant des questions essentielles sur leur liberté d’expression. L’Amande devient ainsi bien plus qu’un récit érotique : c’est une prise de parole audacieuse qui interpelle et dérange, un cri de résistance contre les carcans sociaux et religieux. À travers ce récit, Nedjma offre à ses lectrices et lecteurs un miroir sur les contraintes qui pèsent encore sur les corps et les cœurs, et esquisse, entre les lignes, l’espoir d’une émancipation véritable pour les femmes du Maghreb et au-delà.
Jackie H 14 giorni fa
La véritable valeur d'une œuvre réside dans sa capacité à poser des questions et à faire réfléchir 🙂
C'est ainsi qu'elle transcende le genre ou même la forme d'art auxquels elle appartient, pour atteindre à l'universalité ⭐