Chapitre 13
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Chapitre 13
La volubilité des premiers jours de la rentrée des classes s’estompe dans la précipitation de septembre. La douce soirée de ce primo vendredi s’écoule paisiblement. Une odeur de crêpes brûlées flotte encore dans l’appartement. Les voisins ont regagné leurs pénates après une orgie démoniaque de crêpes arrosées de cidre. C’est le silence feutré de la nuit où les rêves batifolent dans la grande cour de récréation onirique. Je dors mais mon sommeil est imparfait.
J’entends au loin des petits pas. Ma vigilance rarement en berne est fichée sur le ponton. Une petite main mal assurée pousse la porte du salon qui racle le parquet de plus en plus rayé.
De mon demi-sommeil, j’interroge d’une voix embrouillée :
– De quoi ? C’est qui ? Qu’est-ce qui se passe ?
– Je n’arrive plus à respirer, émet Peter, du haut de ses huit ans, avec un son guttural alarmant.
Je me redresse d’un coup et actionne l’interrupteur de la lampe de chevet. Je fais asseoir Peter sur le bord du canapé-lit et l’observe pendant une longue période de deux secondes trente. Sa respiration est rauque, sifflante, sa poitrine se soulève, Peter cherche son souffle, le chemin devient impraticable. Je sens monter en moi un flux de panique.
Je prends le téléphone, appelle le SAMU qui me passe immédiatement le médecin de garde. Peut-être de l’asthme ? Jusqu’à présent, il n’a jamais eu de crise en pleine nuit. Une lumière s’allume dans mon cerveau. Je regarde sous mon lit, balaye la main avant de saisir une mallette en plastique. Je l’ouvre comme une forcenée en cassant l’attache. Vide. Je cherche partout la ventoline que Peter n’a encore jamais utilisée en urgence. Je cherche comme une folle dans la salle de bain, dans le sac de sport pour la trouver finalement dans le placard de la cuisine. Comprendre le mode d’emploi. Se casser les dents pour enlever le film protecteur du médicament. Observer Peter. Répondre aux questions du médecin au téléphone. Repousser du genou Sacha, un des petits frères de Peter qui s’est réveillé…
Je semble rester calme devant la respiration maintenant parcimonieuse de Peter. Une inspiration de ventoline, deux inspirations. Cela ne passe pas. Les pompiers arrivent. Préparer le sac, la carte vitale, le carnet de santé… Non, c’est pour plus tard. Par contre, s’habiller même dépareillé, oui, c’est mieux. Je saute fébrilement dans des fripes encore humides du tancarville. Mon fils ainé a la voix déformée, inhumaine. D’abord, attendre les pompiers ? Ils n’ont pas le code du bas. La nouvelle rue-impasse qui a déjà six ans n’est pas répertoriée dans les plans de Capcity-le-Soubresaut… Les pompiers ont-ils un GPS ou un compas dans l’œil ? J’envoie les six ans de Sacha sonner chez les voisins. Ogron et sa famille ne sont pas là. Dune n’est pas rentrée de sa soirée et Lucifile est partie passer le week-end sur la péniche de ses parents.
Sacha insiste chez les voisins bizarres d’à côté qu’on ne voit jamais. Le monsieur, bedaine à l’air et pyjama endormi, débarque, l’air parfaitement ahuri. Je lui explique que ce serait judicieux qu’il attende dans le froid les pompiers au coin de la rue pour être sûre qu’ils ne perdent pas de temps, parce que je suis seule avec les enfants, oui, je suis divorcée, et oui j’ai la garde presque exclusive et non, le père n’habite plus ici et oui c’est compliqué, et vite, s’il pouvait se dépêcher de comprendre et de descendre, ça arrangerait tout le monde et qu’il y a un petit frère qui dort, un autre qui commence à être impressionné et à pleurer, le grand ne respire presque plus et vite il faut qu’il ramène les pompiers.
Le voisin se prend en main et plonge dans le colimaçon noir de l’escalier. Les sept minutes qui suivent sont terriblement longues. Enfin le voisin rafraichi par l’air de la nuit, arrive suivi des pompiers. Très vite, c’est le masque à oxygène. Déjà je mets en retrait mon esprit affolé. J’ai confiance en tous les gestes des pompiers qui vont convoyer Peter aux urgences. Il faut aussi que j’y aille, impossible de laisser Peter seul dans cet état. Se pose alors le problème des deux petits, de celui qui dort à poing fermé et qu’une avalanche de rochers ne réveillerait pas et de celui qui est parfaitement réveillé et a assisté à toute la scène. Je me tourne spontanément vers mon cher voisin qui m’a déjà tant épaulée et de l’épaule duquel j’ai encore besoin.
– Il est trois heures du matin, j’aimerais que vous dormiez sur mon canapé. Mais avant si vous pouviez lire une, deux ou trois histoires à Sacha, ça le rassurerait. Ça va l’inquiéter de me voir partir avec son grand frère et les pompiers. Votre femme, qui est avant tout une femme et une mère, comprendra.
Il est adorable, ce voisin qui ne pipe mot. Je m’arrache à l’étreinte d’un Sacha désorienté et m’enfuit avec Peter. La scène a été rapide, les pompiers sont restés tout au plus cinq à six minutes.
L’ambulance des pompiers traverse silencieusement la ville pour arriver à l’hôpital. La nuit, tous les chats dorment. Les belettes musardent ivres de liberté. Peter est pris en charge sur le champ. Cela va mieux très vite. Il respire presque normalement. Ce n’était pas une crise d’asthme mais une laryngite aiguë. Vers six heures du matin, je rentre en taxi avec Peter sous le bras à Capcity-le-Soubresaut. Le voisin si gentil et Sacha dorment tous les deux sur le canapé en vrac. Assis en tailleur le dos bien droit sur le fauteuil crapaud de son arrière-grand-mère, Tolstoï, le frère jumeau de Sacha qui dormait à poing fermé pendant le remue-ménage nocturne, les regarde dormir, le sourcil à peine interrogateur.
Je réveille en douceur le voisin si gentil. Mes remerciements sont à la hauteur de son état de délabrement physique. Yeux mi-clos, il retourne à son lit de palier, non sans avoir embrassé rudement le mur non anticipé du couloir.
Il commence à faire jour et je me mets au lit avec ma couvée. Des vagues de froid et de chaud m’inondent. Je suis assaillie par un terrible flashback en montagne russe. Je revois la scène de la pharmacie où quelques jours auparavant je suis passée pour faire renouveler les ordonnances. Prémonitoire des ennuis de cette nuit ?