Chapitre 22
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Chapitre 22
Quelques jours plus tard, nouveaux mails d’Ana rentrée à Delhi sans encombre. Plongeon dans un nouvel univers aux fonds insondables pour un néophyte. Celui d’un festival indien. J’imprime ses mails afin de les lire sans urgence et la tête bien au calme. J’attends maintenant la fin de journée délicieuse et le coucher de mes enfants pour m’enfoncer confortablement dans mon fauteuil crapaud. Ainsi je déguste par petits bouts les différents mails émanant du sous-continent indien.
Coucou marraine,
Nous sommes rentrées de l’ashram pour débarquer à Delhi en pleine fête. C’est Diwali ici, la fête de la lumière. Je vais de découverte en découverte et mon excitation grandit. Je suis dans le monde merveilleux de la mythologie indienne, emportée dans un monde surnaturel qui plonge ses racines dans l’histoire indienne. Je te verrais très bien raconter à tes enfants cette histoire mythologique pour les endormir. C’est comme de la science-fiction mélangée à de la vieille histoire. On y retrouve dieux, démons, humains et animaux. Ils se battent tous pour le bien ou le mal ou pour découvrir le secret de l’éternité. Les garçons adoreraient toutes ces aventures incroyables. Je t’envoie un petit bout de ce qui m’a été utile pour le journal de la fac. Je copie et colle. Y a beaucoup d’infos au centre culturel.
Les festivals indiens actualisent chaque année ce patrimoine riche en couleur. En parcourant le calendrier indien, le regard saute d’une date festive à un jour férié dévoilant ainsi la diversité généreuse de l’Inde. Pas une semaine sans festival, suite sempiternelle de joyeux moments à l’image de ce pays multiculturel et multiconfessionnel.
Je déambule dans les rues animées. Avec Brianne on rentre dans les maisons décorées, on écoute les voix qui sortent des haut-parleurs des temples et on déguste des sweets. Jusqu’à maintenant, je n’étais pas trop sucre, mis à part le chocolat évidemment. Et là, je découvre un univers gastronomique sucré qui enchante mes papilles. C’est sucrée, bon et gras. Heureusement que nous n’avons pas commencé à nous en acheter nous-même. Il n’y en a donc pas à l’appartement, cela nous sauve d’une obésité foudroyante certaine ! Tiens, encore un bout de mon feuilleton.
Les différentes communautés religieuses, hindoue, musulmane, chrétienne, jain, sikh, bouddhiste cohabitent paisiblement en dépit de quelques conflits. Elles chérissent leur passé commun culturel et historique. En cette fin de mois d’octobre, Diwali déroule son bandeau de festivités, les dates étant fixées selon le calendrier lunaire hindou. L’Inde suit officiellement le calendrier grégorien qui débute avec l’ère chrétienne mais elle garde le calendrier traditionnel hindou pour toutes les fêtes religieuses qui sont indexées sur le calendrier lunaire. L’année est divisée en douze mois lunaires selon les signes du zodiaque traduit du grec au sanskrit.
NB : dans mon feuilleton pour la fac, j’explique en plus pas mal de mots. Y a un petit lexique. C’est un mélange de ce que je vis et d’informations que je récolte au centre culturel ou à la bibliothèque de la fac. Nos copains étudiants nous expliquent aussi pleins de choses. On a maintenant des conversations fluides. On arrive enfin à se comprendre. Au tout début, nous étions tous dans le décodage et le mot à mot.
J’apprends énormément dès que je mets un pied dehors. Du coup je ne culpabilise plus du tout de ne pas m’éterniser sur les bancs poussiéreux de la fac.
Bisous
L’univers indien s’entremêle à celui de ma petite ville. Des odeurs de fêtes toquent à la porte. Ana et Brianne semblent se faire de bons amis là-bas. Je suis en immersion par procuration. Comme un bon roman bien réaliste.
Salut Caméliope,
Ici Ana. La fête continue, ça dure pas mal de jours de la préparation à la fin. Toutes les petites rues du Old Delhi sont illuminées par des éventails de lampes. J’ai encore plus de mal à m’y retrouver et me perds parfois. En revenant de l’ashram, j’avais bien remarqué qu’il se préparait quelque chose. Maintenant je comprends mieux pourquoi il y a des diyas partout. Ce sont des petites lampes en poterie dans lesquelles on brûle des mèches enduites de ghee (beurre clarifié). C’est ma propriétaire qui m’a expliqué tout ça. Il y a partout des lumières. En bus, je me rappelle qu’on voyait aussi des hameaux illuminés dans des vallées magiques. A Delhi, toutes les maisons et les jardins suspendus sont aussi illuminés. Ces lampiotes symbolisent la sagesse, le combat contre l’ignorance, source de tous les malheurs. Il n’y a pas que ça, y a aussi des guirlandes électriques, le bruit et la fumée. Les enfants s’amusent à faire sauter des pétards. J’ai testé le carnage, de quoi rendre dingue un sourd. D’autres se brûlent avec le feu. On n'a pas pu dormir jusque très tard dans la nuit.
D’après la mythologie indienne, la lumière et le feu éloignent les forces du mal. Les maisons sont repeintes pour ceux qui ont les moyens. Les rues des bazars sont plafonnées de guirlandes argentées et dorées sur toute leur longueur. C’est l’occasion d’offrir et de porter de nouveaux vêtements. Les ménagères renouvellent leurs ustensiles de cuisine. Diwali pour les hindous c’est comme Noël pour les chrétiens. Pas de truffes ni de bûche au chocolat mais on distribue à fond des sweets, ladoos, barfies et gulab jammu.
La propriétaire de notre maison a décoré le sol de rangolis. Ce sont des dessins à base de poudre de farine de riz vermillon et de toutes les couleurs. C’est simplement magnifique.
Que de choses à dire ! Je n’en finis pas d’explorer ce pays incroyable. On a eu aussi de la chance d’avoir sympathisé avec nos copains étudiants très amicaux et charmants. Faut dire que Brianne et moi, nous sommes plutôt super open !
Bisous
Ana
Capcity-le-Soubresaut et l’Inde, deux univers parallèles qui se croisent à travers l’expérience sur le terrain de deux jeunes filles. Le témoignage d’Ana à travers tous ces mails me permet de relativiser légèrement tous les désagréments mineurs que je peux rencontrer dans ma vie d’ici. L’Inde me semble plus proche même si je suis bien en-dessous de ce que peut être la réalité.
Je file avec mes garçons sous le bras dans le quartier de la gare du nord pour y trouver en direct quelques bribes des mots d’Ana. De la rue de Saint Denis à la Chapelle, le quartier indien est distendu. Une plongée ou deux dans des boutiques actualisent nos nez.
Mon trépied me relance. J'ai un besoin maintenant aigu d’avancer. Je vais prendre mon courage à deux mains , si je ne veux pas finir vieille fille avant l’heure.