Prologue - Le plan le plus foireux jamais conçu
Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
Prologue - Le plan le plus foireux jamais conçu
— Bordel de merde !!
Une explosion illumina le ciel, suivie d’une puissante détonation. Une déflagration secoua le champ de bataille, tandis qu’un énorme nuage de fumée noire s’élevait dans les airs. Le ciel était obscur de nuages gris, et la nuit était tombée depuis une dizaine de minutes. La lune éclairait péniblement au travers de l’importante couche sombre qui empêchait ses rayons de passer. L’air était sec et froid, mais l’onde de choc de la détonation souffla un vent brûlant dans un large périmètre.
Sur le terrain, deux silhouettes se redressèrent. La première soutenait la seconde, passant son bras autour de son cou pour l’aider à marcher.
— Ça va aller, Ludo, murmura le premier homme à l’oreille du second. On va rejoindre la base…
— La vache… haleta le dénommé Ludo, les dents serrées sous la douleur. Ça fait un mal de chien…
Sa jambe était retournée, et une large blessure laissait s’écouler une grande quantité de sang. Son visage était couvert de terre et d’égratignures. Ses courts cheveux bruns étaient en bataille et sales. Ses vêtements étaient eux aussi boueux et imprégnés de sang.
Celui qui l’aidait à avancer était de la même taille que lui, avec des cheveux noirs qui tombaient dans son cou. Une blessure sur sa tête avait provoqué une longue traînée le long de son visage. Ses habits étaient tachés et crasseux.
Il traîna son camarade avec lui, laissant derrière eux l’immense cratère laissé par l’explosion. La fumée épaisse couvrait leur retraite. Ils avançaient sur de l’herbe carbonisée, couverte de morceaux de bois calcinés, alors que des cendres retombaient lentement au-dessus de leurs têtes.
— Tu y as été un peu fort, non ? grimaça Ludo à l’adresse de son soutien, regardant autour de lui.
— Il n’y a pas de demi-mesure, en temps de guerre, répondit son interlocuteur en regardant droit devant lui.
Ils approchaient de la lisière d’un bois. Les arbres étaient hauts, les feuilles dorées couvraient les racines qui sortaient du sol.
— J-je tiendrais pas jusqu’à la base… murmura le brun, qui sentait ses forces faiblir.
— Déconne pas ! feula son camarade en fronçant les sourcils. Accroche-toi !
Ils se glissèrent entre deux troncs d’arbres, et la fumée commençait à se dissiper derrière eux. Ludo soupira profondément, sa respiration ressemblant davantage à un râle qu’à des inspirations normales. L’air encore chaud irritait sa gorge, et sa jambe cassée le lançait terriblement, comme des couteaux courant sur ses muscles. Ne trouvant plus l’énergie d’avancer, il s’échappa à la saisie de son allié, et s’adossa à un arbre, se tenant sur sa jambe valide.
— C-continue… haleta-t-il en passant une main sur son front humide de sueur. Je te rejoindrais…
— Tu rêves, protesta immédiatement le noiraud en se plaquant contre un autre tronc. Hors de question que je te…
— Bouche-toi les oreilles ! hurla brusquement Ludo, lui coupant la parole.
Sans se poser aucune question, son ami plaqua ses mains sur ses oreilles, en même temps que lui. Quelques secondes plus tard, il entendit un murmure vague, qu’il s’efforça d’oublier.
Une nouvelle explosion secoua la terre, faisant trembler les arbres. Un souffle d’air chaud passa brusquement, et une puissante odeur de fumée lui assaillit les narines. Le son de la détonation était plutôt fort, ce qui laissait penser qu’elle était proche.
Ludo sentit son camarade l’attraper par le bras, et l’entraîner plus profondément dans les bois. Sa course était très ralentie par sa jambe. Il avait mal, encore. Son allié était ralenti à cause de lui. Ils risquaient leur peau tous les deux…
— Attends… Je ne… je ne peux pas continuer… souffla le brun, une main crispée sur son t-shirt, les poumons en feu.
— On continue ! insista le noiraud, le portant à moitié pour l’aider. On est bientôt arrivé.
— Il… il a arrêté de nous suivre, chuchota Ludo en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule.
Il n’y avait qu’une épaisse couche opaque de fumée grisâtre, dans laquelle il était impossible de discerner quoique ce soit.
— Tant mieux… soupira son camarade sans s’arrêter de marcher rapidement. On arrivera bientôt, on va s’en sortir…
Le brun ne cessait de regarder derrière lui, mais rien ne venait. À l’inverse, son allié marchait rapidement, en regardant devant lui. Ils avançaient au-dessus des racines, les feuilles se soulevant à leur passage, les brindilles craquant sous leurs pieds.
Ils arrivèrent dans une petite clairière déserte, que les rares rayons de la lune parvenaient à éclairer. Ludo fit un pas sur le tapis doré qui couvrait la terre, et le bruit assaillit brusquement ses tympans. Le bruit des conversations. Des tentes étaient installées, des hommes et des femmes discutaient avec une animation glaciale. La plupart étaient couverts de boue et semblaient fatigués. Il devait y avoir une bonne centaine d’individus, et beaucoup tournèrent la tête vers Ludo et son ami. Ce dernier ne s’attarda pas là-dessus, et entraîna le brun vers une tente plus grande que les autres.
Quelques murmures se faisaient entendre autour d’eux. Les gens les fixaient, avec un mélange d’inquiétude et d’effarement.
Un homme sortit brusquement de la grande tente, une blouse blanche volant dans son sillage. Ses cheveux bruns et raides étaient attachés dans une petite queue de cheval. Ses yeux marrons se posèrent sur Ludo, puis sur sa jambe cassée. Les traits de son visage se crispèrent, ses sourcils se froncèrent.
— Amène-le à l’intérieur, Zack, grimaça-t-il en désignant le campement.
Le noiraud hocha simplement la tête, et accompagna son camarade à l’intérieur. Il y avait une demi-douzaine de lits, dont deux étaient occupés. Les hommes allongés étaient couverts de bandages ensanglantés, mais semblaient paisiblement endormis. Zack allongea Ludo sur un matelas libre, et le médecin revint près de lui.
— Tu as de la chance, Ludovic, marmonna-t-il en examinant sa jambe. Tu n’auras pas de séquelles…
Le praticien posa une main sur son genou nu, à cause de son pantalon déchiré.
— Voici mon pouvoir : Second Souffle !
Une lueur blanche, lumineuse et scintillante entoura sa paume, et enveloppa la blessure. La jambe de Ludo se remit lentement en place dans un craquement. Le jeune homme serra les dents sous la douleur, alors que la plaie se refermait lentement. Bientôt, il ne resta plus de traces de blessure.
— M-merci, Evan, haleta le patient en essuyant son front du revers de sa manche.
— Repose-toi un peu, conseilla le médecin en se redressant, son visage arborant un air pincé.
— Comment va Ludovic ? interrogea une voix douce.
Le petit groupe se retourna. Un homme aux cheveux gris foncé entra dans la tente, ses yeux pâles pétillants d’intérêt. Les rides aux coins de ses yeux et sur son front trahissaient ses cinquante-deux ans. Contrairement aux autres, ses vêtements étaient plutôt propres et il avait l’air en bonne santé.
— Ça ira, répondit Zack en croisant les bras d’un air agacé. Enfin, seulement si on parvient à arrêter le massacre.
— Je suis d’accord avec lui, confirma Evan en retirant ses gants couverts de sang. Il faut en finir au plus vite, Mac.
— Bientôt, on sera trop épuisés pour combattre, continua le noiraud. Même avec le pouvoir de soin de Morris, on a besoin de repos.
Mac le fixa de ses yeux clairs, le scrutant comme s’il essayait de savoir à quoi il pensait. Une ride inquiète se forma sur son front.
— Vous avez une idée derrière la tête, Zack, murmura-t-il en parlant d’une voix tranquille. Et j’aimerais savoir de quoi il s’agit.
— Vous avez vu l’état de nos rangs ?! s’impatienta l’intéressé en tapant du pied sur le sol. Nous sommes une centaine, maximum, nous sommes fatigués et démoralisés. L’ennemi se rapproche et ce n’est qu’une question de temps avant qu’il ne nous retrouve. À ce rythme, on va se faire avoir. Il faut se débarrasser de ce fou au plus vite !
— Et comment comptes-tu faire ça ? interrogea Ludo, étendu sur le lit, passant sa main sur son visage pâlissant. Tu as un plan ?
— Ouais, et vous allez le refuser.
— Dites toujours, l’invita le quinquagénaire avec douceur.
— Laissez-moi partir en première ligne, proposa Zack en tournant une mèche de cheveux noirs autour de son index. Seul. Je ne veux pas vous en dire plus pour le moment, mais j’ai une idée dont je suis sûr de la réussite.
— Attends, chuchota Evan en le regardant avec attention, sa voix mélangeant inquiétude et tristesse. Ne me dis pas que tu vas faire ça ?
L’absence de réponse laissait percevoir le poids de cette décision. Une atmosphère pesante tomba entre les combattants.
— On ne peut pas prendre le risque de vous perdre, renchérit Mac d’un ton catégorique.
— Je ne suis pas irremplaçable, rétorqua froidement leur camarade. En revanche, sans Morris, on serait tous morts. Sans Ludo et ses Repères, on était foutus tout à l’heure. Sans vous, Mac, on n’a carrément aucune chance de gagner.
Un lourd silence suivit sa déclaration. Les hommes n’osaient pas se regarder dans les yeux, et fixaient le sol d’un air hésitant. Tous savaient que ce conflit n’avait que trop duré, et qu’il n’y avait qu’un moyen d’en finir pour de bon.
— J’ai une chance de survie, soupira Zack en passant une main dans ses cheveux. Je sais que je peux m’en sortir.
Il se tourna vers le plus âgé du groupe, le fixant avec une telle intensité que l’ambiance en devenait électrique.
— Mac, laissez-moi partir avec Morris, ce soir. On peut mettre fin à cette guerre si vous me laissez faire…
L’intéressé cacha son visage dans ses mains, le massant du bout des doigts, et lorsqu’il les retira, son regard clair exprimait clairement sa détermination.
— De toute façon, si je vous dis non, vous le ferez. Alors je préfère que vous y alliez avec mon accord et mon soutien complet. Cependant, je refuse de vous dire adieu. Débrouillez-vous pour revenir.
— Il en va de même pour moi, intervint Ludovic en se redressant sur un coude. Tu as intérêt à revenir ici, et en entier.
— Mouais, je ne peux rien vous garantir, grommela Zack en essuyant le sang qui coulait sur son visage.
— Même si vous voulez vous battre seul, reprit le plus âgé d’un ton d’avertissement, nous allons vous aider…
Le noiraud allait protester, mais le regard perçant de son interlocuteur l’en dissuada et il referma la bouche sans rien dire.
— Si vous voulez porter le coup final, reprit Mac en croisant les bras d’un air songeur, vous devez d’abord atteindre le chef ennemi. Et il est bien protégé par ses sbires et il sait très bien se défendre lui-même.
— Son pouvoir ne sera pas un problème pour moi, garantit Zack avec assurance. C’est pour ça que je me porte volontaire. Et avec mon propre pouvoir, je pourrais l’achever.
— Evan, continua le stratège en se tournant vers le médecin, il faudra que vous restiez un peu à l’écart. Sans vous, nous sommes perdus. Dès que le coup de grâce aura été porté, allez immédiatement aider Zack.
— Compris, accepta le brun avec un hochement de tête décidé.
— Je veux vous aider, grimaça Ludo en se relevant pour s’asseoir sur le matelas. Même si je dois rester en retrait, je veux vous accompagner.
— Alors vous irez avec moi, concéda Mac en fronçant légèrement les sourcils sous la réflexion. Pour le reste, on va former des groupes et se charger des pions. Zack, dès que la voie sera libre, nous comptons sur vous pour l’empêcher de nuire.
Ressentant la pression qui pesait sur les épaules de tout le monde, il s’autorisa un sourire tendu.
— Ce plan est le plus foireux jamais conçu, mais je sais que nous y arriverons… Exécution, tout le monde !
— On y va, Morris, trancha immédiatement le noiraud.
— Quoi, déjà ? s’étonna le médecin dans un sursaut.
Son allié passa devant lui sans dire un mot, et se glissa en dehors de la tente. En se retournant, il lui adressa un sourire mi-amusé, mi-moqueur.
— Bah oui, tu attends quoi ? Un carton d’invitation ? ricana-t-il avant de reprendre sa route.
Evan sortit à sa suite, adressant un signe de la main à ses alliés. Le regard de Ludo était encourageant et leur souhaitait de réussir. Le visage crispé de Mac n’était pas aussi réjouissant, et un voile discret assombrit ses yeux. Le médecin espérait seulement que ce ne serait pas la dernière fois qu’il les verrait…
Il trottina rapidement pour rattraper son camarade qui s’éloignait à pas décidés entre les tentes de leurs alliés.
— Pourquoi es-tu parti si vite ? interrogea-t-il en marchant à côté de lui, hésitant à jeter un regard en arrière.
— Parce que je ne veux pas leur laisser le temps de m’arrêter, répondit immédiatement son ami sans détourner le regard, la voix dure et sèche. Et je ne veux pas me laisser le temps de m’arrêter…
Ils quittèrent rapidement la clairière, et une fois qu’ils commencèrent à s’enfoncer dans les bois, ils laissèrent derrière eux un terrain vide, sans la moindre trace d’un quelconque campement. Evan s’arrêta quelques secondes et jeta un regard par-dessus son épaule, avant de reprendre sa route pour à nouveau rattraper son camarade.
— Comment ça, « te laisser le temps de t’arrêter » ? interrogea-t-il en contournant un gros chêne.
— Si je reste plus longtemps, je ne voudrais plus m’en aller, expliqua Zack en sautant au-dessus d’un tas de racines. J’aime ma vie, mon travail, mes amis. Mais chacun doit faire des sacrifices.
— Mais personne ne veut te sacrifier, Zack… murmura le brun sans oser le regarder.
— Je sais, répondit le noiraud. Je n’en ai pas envie non plus…
Ils s’éloignèrent encore entre les troncs, écoutant quelques instants le bruissement des feuilles mortes. Au fur et à mesure qu’ils retournaient vers le champ de bataille, ils sentaient l’odeur de la fumée se faire plus forte.
— Je sais que vous tenez à moi, autant que je tiens à vous, murmura Zack, avant de poser sa main sur l’épaule d’Evan. Mais tu es mon meilleur ami, et si je vis mes dernières secondes, c’est avec toi que je veux les passer.
Malgré le stress qui commençait à lui comprimer la poitrine et l’inquiétude qui nouait sa gorge, le brun serra sa main dans la sienne, esquissant un sourire timide et anxieux.
— Dis pas de connerie ! Tu vas survivre !
Le médecin s’éloigna pour aller se dissimuler dans les bois. En ce moment même, Mac avait sans doute envoyé des équipes dans toute la forêt et il s’attendait à tout moment à entendre le chaos des affrontements. C’était ici, et maintenant que tout devait prendre fin…
Soudainement, il sentit la terre trembler sous lui : le premier combat venait de se déclarer. Il connaissait ce pouvoir, et savait qu’il venait d’un allié. Et les ennemis qui l’affrontaient devaient le regretter…
Et le silence des bois laissa bientôt place à un concert de hurlements de rage, de cris de douleurs, de fracas et de grondements puissants. Tout autour de lui, Evan sentait l’odeur de la guerre et du champ de bataille. Combien d’hommes allaient encore périr avant l’assaut final ?
Ce n’est pas le moment d’y penser !
Secouant brusquement la tête, le brun leva les yeux pour regarder Zack. Ce dernier se rapprochait du bord du cratère qui défigurait la forêt, au milieu des conflits. Au centre du fossé creusé dans la terre, une silhouette se détachait dans l’obscurité.
Le noiraud serra le poing, et au moment où il le vit s’élancer vers son adversaire, Evan se tapit sur le sol. Ses mains se posèrent sur sa nuque, et ses bras protégeaient ses oreilles.
Un flash lumineux l’éblouit et lui fit fermer les yeux. Peu après, une détonation surpuissante retentit sur le champ de bataille, et secoua le sol comme un tremblement de terre. Une onde de choc balaya la forêt, et le médecin sentit un souffle brûlant le repousser brutalement. Il roula sur quelques mètres, retenant son souffle pour ne pas respirer l’air chaud qui risquerait de lui carboniser les poumons.
Entrouvrant les yeux, il ne voyait devant lui que la colonne de fumée noire qui s’élevait du cratère. Les arbres les plus proches étaient en feu, leurs feuillages dorés étaient en train de flamber. Leur tronc était noirci et une odeur de brûlé assaillit les narines du praticien.
Ce dernier se redressa en un rien de temps, et s’élança sans perdre une seule seconde vers le champ de bataille. Il plaqua une main sur son nez et sa bouche pour éviter de respirer la fumée, et les yeux plissés, il s’approcha du cratère. Ce dernier s’était encore agrandi, et les rares herbes qui avaient échappé au premier cataclysme avaient succombé au second. La chaleur qui s’en dégageait était à la limite du tolérable tant elle était élevée.
Evan remarqua immédiatement les débris qui retombaient sur le sol, et en sentant une odeur de viande grillée, il ne put s’empêcher d’avoir un haut-le-cœur. Au moins, il pouvait être certain que le chef ennemi était réduit en bouillie…
Littéralement…
Ses yeux marrons quittèrent les restes calcinés de leur adversaire pour parcourir la surface brûlée du terrain. Et lorsqu’il aperçut une masse compacte à quelques centaines de mètres de lui, il oublia tout.
Il oublia la température de fournaise dans laquelle il était, la fumée qui lui piquait les yeux et irritait sa gorge, il oublia les morceaux de corps noircis.
Il ne sentait que la terre devenue aussi dure que du béton sous ses pieds, et la panique qui faisait battre son cœur à tout rompre dans sa poitrine, à tel point qu’il en avait mal.
Son ouïe capta une voix et il lui fallut plusieurs secondes pour que son cerveau l’avertisse que c’était la voix de Mac qu’il entendait.
Le quinquagénaire accourait aussi en direction de la masse sur le sol, et derrière lui, Ludovic boitait pour essayer de le suivre.
Evan arriva enfin auprès de la silhouette étendue sur le sol, et ses tripes se tordirent sous le choc. Ce qu’il avait sous les yeux n’était plus un humain, mais un corps gravement brûlé.
Zack était presque méconnaissable.
La peau de son dos avait presque été arrachée par l’explosion, et ses jambes montraient des marques de brûlure au second degré.
En revanche, ses bras étaient intacts, tout comme ce qu’il gardait serré contre lui. Le médecin, malgré l’horreur qui lui donnait la nausée, posa une main sur l’épaule de son ami. Deux doigts de son autre main se posèrent sur sa carotide. Le pouls qu’il sentait était presque inexistant tant il était faible…
— Voici mon pouvoir : Second Souffle…
Sa voix se brisait presque en prononçant cette seule phrase. La même lumière blanche qui avait entouré la jambe de Ludo se répandit sur le dos du combattant. Mac l’avait rejoint, le souffle court et le visage tendu par l’angoisse. Il pâlit brusquement en voyant l’état de son allié, et son regard semblait implorer Evan de le guérir.
Le quinquagénaire se pencha alors sur ce que le blessé gardait contre sa poitrine. Il posa une main hésitante sur son bras, et un bref son cristallin se fit entendre. Une fine poussière se détacha du corps, avant de retomber sur le sol. Les doigts de Mac ne touchaient pas la peau de Zack, mais une sorte de plaque de minéral transparent qui la recouvrait.
Un faible toussotement le tira de son observation. Le jeune homme semblait revenir lentement à lui. Ses cheveux noirs, qui avaient brûlé avec l’explosion avaient à présent repoussé, quoiqu’ils étaient plus courts. Les brûlures s’étaient effacées, bien qu’il en restait des traces. Ses paupières se soulevèrent avec difficulté, alors qu’il était secoué par une quinte de toux brutale. Sa gorge devait encore le faire souffrir. Malgré tout, il parvint à esquisser un sourire faible.
— … fi…ni… murmura-t-il d’une voix presque inaudible.
Evan sentit ses yeux le piquer à nouveau, mais cette fois, la fumée n’y était pour rien. Il chassa les larmes qui coulaient sur ses joues d’un geste rapide de la main. Mac avait également les yeux brillants, et un sourire soulagé, presque euphorique étira ses lèvres.
— Seigneur… mon garçon, haleta-t-il d’un ton fébrile, le bout de ses doigts tremblant légèrement. J’ai eu tellement peur…
La respiration sifflante, Zack resta immobile de longues secondes, le regard dans le vide, avant qu’il ne baisse les yeux vers sa poitrine.
La carapace transparente qui le recouvrait se fissura dans un craquement, avant d’éclater en petits morceaux. Les débris tombèrent sur le sol, et à cet instant, Evan remarqua que sa protection était plus épaisse autour de ce qu’il tenait. Ouvrant légèrement les bras, le médecin remarqua que ce n’était pas un objet qu’il gardait, mais bien un enfant. Ce n’était encore qu’un bébé qui ne devait pas avoir plus d’un an et demi. Il était enroulé dans un tissu bleu foncé ; la veste du combattant.
Le brun contourna son ami, et prit délicatement le bambin endormi. Il l’examinant rapidement, et son diagnostic fut des plus surprenant.
— Il n’a rien du tout… souffla-t-il avec étonnement.
— Je… l’ai…
Incapable de terminer sa phrase, Zack prit entre ses doigts un morceau transparent de la carapace. Il l’avait protégé avec son pouvoir. Le gamin se réveilla doucement, et ses yeux bleu azur se posèrent sur le visage soulagé du médecin. Sa minuscule main quitta le col de la veste dans lequel elle était cachée et se leva pour attraper une mèche de cheveux bruns de l’homme. Il tira dessus, mais il était si petit qu’Evan ne sentit presque rien.
— On dirait que ce petit vous a adopté, ricana Mac en le regardant faire d’un air amusé.
— Doit… pas re…tourner… haleta Zack avant de tousser une nouvelle fois. … faut… garder…
Son doigt désigna vaguement l’enfant puis retomba sur le sol.
— Eh bien, Evan, peut-on vous le confier ? interrogea le quinquagénaire.
L’intéressé mit un certain temps à répondre. Il ne savait pas encore qui était ce garçon, ce qu’il faisait ici, ni pourquoi il fallait le garder. Mais à cet instant, il se moquait bien de savoir qu’il aurait des réponses à ses questions bientôt. Il esquissa un sourire attendri tandis que les doigts du bébé se refermaient autour de son index.
— Bien sûr…