D'étudiante à déprimante
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D'étudiante à déprimante
La table basse du salon, la télé, le plaid qui me couvre, l’ordinateur sur mes genoux, la page ouverte devant moi, tout se fige. Plus rien ne bouge. Plus rien ne prend sens. Tout semble s’arrêter. Tout signifie beaucoup. Nos vies au sens large, notre travail, nos passions entendues activités ou amoureuses. JE me suis figée. Je, je, je, toujours à la première personne du singulier. On pense toujours à soi avant de penser aux autres. Dites-le contraire, ça n’en changera pas la véracité. Revenons-en à ma personne. Je me suis arrêtée dans le temps comme s’il avait arrêté de tourner. Mes révisions ne comptaient plus. Ce n’était qu’une suite de mots, de phrases sur une page blanche d’ordinateur. Rien de réel. L’ordinateur s’éteint et ne se rallume plus, miracle, je n’ai plus de cours ni d’études. Pourtant, me voilà en deuxième année de sociologie. Oui de la sociologie, cette science de l’inculte et du « On ne répondra jamais vraiment à rien ». Enfin, de ce qu’en pense autrui ne s’y étant jamais intéressé et ne voulant pas en lire de peur de trop s’interroger et murir. Quelle horreur la maturité. Cette maturité qui m’a poussé à poursuivre mes études, n’ayant aucune perspective d’avenir. Après un BAC ES, une suite logique en sciences sociales. Il aurait fallu me prévenir que le/la covid (je persiste à penser qu’il aurait dû rester masculin) allait débarquer et tout fracasser. Je ne suis pas la seule à qui il a mis un bon coup de pelle sur la caboche, je n’ai même pas été la pire de toutes. Preuve en est, je ne l’ai jamais attrapé – je touche du bois-. A la place j’ai déprimé. Si fort et si profondément que les révisions ont attendues que l’année soit terminée et que l’on m’annonce les rattrapages. Je n’ai jamais redoublé de ma vie et ne souhaitait en aucun cas (covid – excellente blague) que cela m’arrive maintenant. Un bon coup de fouet et quelque Xanax plus tard, me voilà de nouveau devant mon écran pour un troisième round. Cette fois, je l’ai eu, de peu mais je l’ai eu. Pour l’instant tout fini bien. Mais pas vraiment. WOW, surprenant (sarcasme). Mon moral est resté proche de -10 pendant encore une durée indéterminée. Il remontait lors de soirées non prévues auprès parfois de personnes non-prévues non plus. En plein air, l’alcool à flot pour oublier nos malheurs et la covid, mais aussi que nous portions le masque à longueur de journées dans le magasin qui nous embauchait pour la saison. Parlons de masque, après étouffé à l’intérieur, senti mon haleine même dans les plus grandes famines, après la buée sur les lunettes et des boutons plein le menton, je ne sais toujours pas s’il a réellement servi à quelque chose. J’ai protégé les autres certainement, alors qu’ils ne souhaitaient pas assez se protéger manifestement. Il n’est toujours pas recommandé de porter le masque sous le nez, pour celles et ceux qui insistent. Mes trois doses de vaccin ont été réalisées et approuvées, pas toujours à jain je dois l’avouer. Je peux dorénavant vous assurer que l’alcool n’a aucun impact sur la prise du vaccin. Trois doses de vaccin pour espérer retourner à la fac en présentiel à la rentrée, se rendre compte à cette même rentrée que le vaccin ne servait à rien dans notre admission et n’était même pas vérifié. Encore un mensonge de l’Etat, un de plus sur la liste déjà bien longue.
J’ai été oubliée, ainsi que mes camarades étudiants, durant ces années de confinement. Certains se sont défenêtrés. Seul moment où les médias parlaient de nous un tant soit peu. J’avais la sensation de m’être défenestré aussi. Rassurez-vous, je n’avais aucune fenêtre d’où sauter. Durant tout ce temps de déprime en distanciel, je ne pouvais rester dans la colocation que j’occupais avec ma sœur, elle aussi en distanciel. La maison de mes parents a été un refuge pendant un temps. Jusqu’à ce que je ne supporte plus de passer des journées seules devant un écran, loin de ma fac, de vivre des rencontres et des amitiés par téléphone. Je voulais vivre et sentir ma liberté jusqu’aux tripes. Pouvoir sortir comme je le souhaite, ne pas avoir peur pour mes parents comme me le présentais la télé et ses présentateurs. Nous, étudiants, avons été largués et oubliés. Les mesures de l’Etat étaient larges mais à la fois contraignantes et infaisables à l’université.
Une oubliée.
Chantal Perrin Verdier il y a 2 ans
Texte dont la beauté vient de sa sincérité.
J'ai eu autour de moi nombre d'étudiants entravés perturbés, avec parfois un destin plus tragique encore.
Merci d'écrire pour eux.