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Portrait cubiste
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Portrait cubiste
En guise d'objet-miroir, je choisis le globe terrestre de mon enfance, celui offert par mon père pour un anniversaire. Mes 10 ans peut-être?
C’est un globe terrestre lumineux, posé sur un pied de plastique marron imitation bois. La sphère mesure environ 40 cm de diamètre et est tenue par un arceau en plastique argenté, sur lequel se trouvait une lunette, une loupe plus exactement, qui a disparu aujourd’hui. L’eau sur la carte est représentée en bleu dont l’intensité varie selon la profondeur des fonds marins et les continents sont couleur sable et verts. De nombreux pays ont, depuis sa fabrication, changé de nom, disparu ou vu leurs frontières modifiées. C’est un globe vintage. L’ampoule grille régulièrement et je ne la change plus depuis quelque temps. Le globe reste éteint.
Qu’il est enchanteur ce globe! Même amputé de sa loupe et de sa lumière, il reste l’objet signature qui indique que mon appartement est bien pleinement le mien. Celui, coloré, d’une âme d’enfant exploratrice et joueuse. Pourtant, le choix des couleurs sur la carte est classique. Un globe familial, une valeur sûre, sans océans beiges imitant le papier jauni des planisphères anciennes ni tracés faussement Renaissance. Les belles cartes ne se sont pas frayé de chemin jusqu’à l’idée, terre à terre et empirique, que se faisait mon père de l’apprentissage de la géographie. Le choix de ce globe était un choix utile. Un choix convenable, moderne et pratique. Un choix vite démodé, vieillot d’abord puis délicieusement suranné aujourd’hui, prisé, de nouveau, par un retournement de situation aléatoire.
L’équateur est marqué d’un vilain bourrelet de plastique blanchâtre sur toute la circonférence. Je me suis toujours demandé ce qui était passé par la tête du concepteur. Ce n’est que très récemment que j’ai compris qu’à cet endroit mon globe s’ouvrait, comme un oeuf à la coque, pour permettre le changement de l’ampoule. Jamais je ne m’étais rendu compte de ce détail et je considérais que mon globe avait bien le droit de vieillir et de faiblir jusqu’à s’éteindre.
La loupe, quant à elle, m’a toujours semblé hideuse. De surcroît, les noms inscrits en lettres noires sur la carte sont parfaitement lisibles, sans avoir besoin d’une lunette grossissante inesthétique et ternie. L’ai-je cassée exprès? Je ne me souviens plus.
J’avais une trentaine d’années lorsque, lors d’un déménagement, j’envisageai de donner mon globe terrestre de petite fille à un ami collectionneur (de globes). Il eut la grâce de refuser, m’assurant de la valeur affective de l’objet que je regretterais certainement d’avoir abandonné un jour. C’est ainsi que le souvenir de cet homme s’est définitivement gravé dans ma mémoire, car c’est à lui que je dois de n’avoir pas rompu avec ce chapitre de mon histoire.
Petite, je rêvassais devant tant d’aventures à vivre, inscrites aujourd’hui dans ma géographie intime. Sous mes doigts, la mappemonde grésille. Je lis les replis de mon globe, ne sachant exactement les voyages et surtout les errances que je lui dois.
Il arrive à mon globe d’être mélancolique.
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