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Le chien en tête de la file n'était pas le bon

Le chien en tête de la file n'était pas le bon

Publié le 2 mars 2022 Mis à jour le 2 mars 2022 Voyage
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Le chien en tête de la file n'était pas le bon

 

 

Le chien en tête de la file n’était pas le bon, chapitre 1

 

Je ne suis pas toujours à l’aise en avion. L’avion, cela représente une destination, de nouvelles sensations, de nouvelles rencontres. Mais à condition d’être arrivé : je sais que pour beaucoup, l’avion est le début de l’aventure, de vacances, pour moi il n’est qu’un outil qui m’intrigue pour me déplacer d’un point à un autre mais dans lequel je peux prendre tous les journaux gratuitement et connaître des sensations culinaires rares, ou pour le moins nouvelles.

 

Nous arrivons à Kiev, capitale de l’Ukraine, ancienne république du bloc soviétique et l’une des dernières à s’être affranchie du grand frère. Son drapeau est une bande bleue et en dessous une bande jaune. Le bleu représente le ciel, le jaune le blé, tous nos livres d’histoire nous rappellent que ce pays fut le grenier à blé de la Russie, mais cela ne saute pas vraiment aux yeux alors que mon regard embrasse la campagne à perte de vue, lors de la descente de l’avion.

 

Aucune trace de cultures dans la région, ou le blé n’est-il pas encore sorti de terre, plutôt de vastes étendues boisées de bouleaux, un peu mélancoliques, le printemps vient d’arriver, mais lentement, les feuilles ne sont pas encore revenues. Seuls les sapins, éternels mauvais garçons de l’école buissonnière de la feuille caduque, jouent les gros bras sous l’avion qui bat des ailes pour rejoindre la terre ferme.

 

Cet avion là, je l’ai pris, sans savoir ce qui m’attendait ensuite, la tête vide de tout sentiment, ou peut-être tellement pleine que j’en perdais déjà le sens

Marie-Claire, mon épouse, assise à ma droite, est dans un autre état d’esprit : Elle sait ce qui l’attend, elle tient la certitude de ce qu’elle vient chercher.

 

Là, je regarde paisiblement - comme si j’étais assis au pied d’un olivier dans notre petite maison du Var - l’avion descendre, et enfin toucher la piste, dans cet éternel bruit de frottements, de pneus qui souffrent et s’appliquent, ce comique regard de voisin de siège qui semble toujours vous demander si l’atterrissage est bien, très bien, ou alors s’il faut s’attendre à une vraie catastrophe en bout de piste : Chacun devient le commandant de bord de l’autre, ça rassure l’inconscient … Dans ma tête, depuis quatre heures que nous avons quitté Paris, trottine en boucle le début de la cantate pour deux flutes à bec de Bach, lorsque les deux instruments, subtilement s’emmêlent. C’est ma façon à moi d’appréhender la vie, en musique.  

 

L’humour Ukrainien, il vous saute à la figure à peine l’avion posé sur le tarmac : en bordure de la piste, dorment quelques vieux coucous, du Tupolev des années 1970, et au milieu d’eux, une carcasse d’un autre oiseau de fer qui lui a visiblement raté son atterrissage il y a quelques années. Il est là, avachi, dévertébré, comme un avertissement : Ami passager, tu as réussi à atterrir, il faudra maintenant ne pas rater ton départ ...

 

Aéroport de Kiev Boryspil, température extérieure 20°, pas mal pour un 18 avril, moi qui avais pris mes bottes, j’aurais pu gagner 1,2kg sur mon excédent de bagages. Il faut dire que notre périple pourrait nous faire demeurer en Ukraine entre six et huit semaines, et comme mon épouse est d’une nature à la fois organisée et coquette, les bagages avaient significativement pris du volume.

 

Il y a encore un mois, nos contacts nous annonçaient -15° dans la journée, ces journées que vous vivez uniquement en souterrain, dans un des ces centres commerciaux qui ont fait de Kiev une ville sous la ville.

 

D’habitude, l’homme voyageur maugrée lorsque le zélé douanier, ou policier, prend tout son temps pour apposer le tampon sésame sur votre passeport. J’ai toujours remarqué ce regard suspicieux du préposé qui vous dévisage pendant dix huit secondes, et enfin vous rend votre précieux document : En dix huit secondes, il a pu faire défiler dans son cerveau-machine les trois cent quatre vingt onze mille fiches de personnes recherchées pour vol, les cinquante huit mille pour homicide, les quarante trois millions pour différent avec les autorités fiscales, les comparer avec les vôtres et enfin compris qu’il faudrait qu’un jour le chef fasse quelque chose pour cet ordinateur encore en panne.

 

Nous avons rendez-vous avec Michka, il sera notre taxi attitré pendant notre séjour, ce qui signifie qu’il a pris l’engagement avec notre contact d’être honnête et ponctuel avec nous. Il est en retard, nous en profiterons pour prendre notre premier café sur le sol Ukrainien.

 

L’humour Ukrainien, il vous saute encore arrivés au bar / restaurant / wifi à tous les étages de l’aéroport international.  Vous ne trouverez pas de carte en Français, après tout la France n’est pas le pays le plus desservi par l’Ukraine, pas en Anglais non plus ? Non, en revanche, une très belle carte en Ukrainien, alphabet cyrillique inclus.

Va pour le café, je retrouve à peu près le mot « expresso » sur le menu. Et puis comme ce nouveau mot est précédé d’un magnifique logo Segafredo, je prends le risque…

Marie-Claire, plus intrépide, se lance dans une magnifique salade, elle héritera, résignée mais amusée, d’un éclair au chocolat. Pourtant, la photo était prometteuse.

 

Juchée sur un tabouret, une Russe – simple déduction, son bagage à main est estampillé d’une étiquette de l’Aeroflot – quarante ans, belle femme, tape fébrilement sur son notebook. Elle porte un manteau de fourrure qui aura dépeuplé la moitié des créatures à poil de Sibérie. Je me demande si les ordinateurs Russes tapent en caractères romains.

Vingt minutes auront été nécessaires à la serveuse renfrognée pour s’adresser à nous, visiblement le client l’ennuie. Par chance, le café s’avérera bon.

 

Michka nous a rejoint, mi-confus, mi curieux de nous rencontrer.

Il a pris du retard pour prendre la rocade, ah, les travaux pour l’Europa Cup de football, ce n’est pas bon pour la circulation, ni pour le business. Cela ne va pas arranger notre facture de taxi : nous voici prévenus, en langage initié, comptez trente pour cent de plus que ce qui vous a été annoncé par tous.

Au moins est-il accueillant, affable, il parle quelques mots d’Anglais, nous vantera les charmes du Dniepr, des restaurants nombreux et très abordables, des night clubs que fleurissent un peu partout, pour accueillir les joyeux supporteurs de football, célibataires de quelques semaines.

Il ne s’étendra pas sur les sex shops, eux aussi croquent dans la juteuse pomme de l’Europa Cup.

Il nous parlera de l’anniversaire de Tchernobyl qui sera célébré cette semaine, et de la France qu’il ne connait pas, ce sera donc assez court.

 

Et que venez-vous faire à Kiev ? Aucun Français ne vient jamais à Kiev, ou alors en coup de vent, pour aller faire du tourisme voyeuriste là-bas, à 80 km au nord, autour des réacteurs de sinistre mémoire. Ou alors pour travailler à l’ambassade, mais vous n’avez pas le genre, ni les bagages. Perspicace.

 

Nous sommes en voyage … d’agrément, nous nous sommes entraînés hier soir encore à dire cette phrase indolore.

 

En vérité, nous sommes venus à Kiev pour clore, après cinq années d’attente, ou de galère, selon, une procédure d’adoption. Clore, c'est-à-dire rencontrer les autorités qui nous mettront en contact avec un enfant. Nous resterons en Ukraine le temps qu’il faudra, plusieurs semaines, au moins. Mais ca, il est difficile d’en parler, tout est tellement long à expliquer, la pudeur – ou la lassitude - s’est imposée à nous depuis longtemps.

 

Le mot - agrément - doit être inconnu de Michka notre chauffeur, il ne poursuivra pas la conversation.

 

Nous échangerons quelques regards par rétroviseur interposé, ou au moins nos regards se croiseront-ils, mais je ne le cherche pas : Le mien sourit, mollement, devant la croix orthodoxe qui joue les métronomes, suspendue autour de cet appendice automobile. Tous les véhicules sont ainsi décorés, disons plutôt ornés, j’en viens à penser que le rétroviseur a été inventé pour suspendre sa foi.

Nous parviendrons à Kiev dans un relatif silence, c'est-à-dire littéralement pris en otage par un autoradio qui hurle du Ramazzotti.

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Crédits photographiques Jean-Marc Sire

Jean-Marc Sire
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