Départ pour les Balkans
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Départ pour les Balkans
Certains voyages sont plus difficiles à vivre que d'autres. Cela ne veut pas dire que le voyage est complètement raté ; il y a toujours une expérience à vivre et des leçons de vie à tirer. Cela veut dire que le voyage n'est pas seulement une succession de plaisirs, une errance bohème libérée de toutes contraintes, mais il comporte aussi son lot d'intempéries. On peut fuir son quotidien, mais on ne peut se fuir soi-même ; et c'est cette confrontation à soi-même qui rend le voyage si riche, mais pas toujours de tout repos. Il faut alors savoir laisser le temps à sa digestion avant de pouvoir en comprendre sa portée.
J'embarque dans ce voyage au lendemain de ma démission de la clinique de Quint-Fonsegrives, dans un véritable état de burn-out. Le manque d'éthique dans la gestion des durées d'hospitalisation des patients et le manque de considération humaine dans la gestion du personnel ont tout autant contribué à mon état que la surcharge immense de travail et la médiocrité notoire des outils mis à notre disposition. Le cercle infernal de la fatigue, les injonctions contradictoires et la demande d'un toujours plus avec toujours moins ont vite fait d'avoir raison de mon abnégation et de mes velléités de bien faire, et je suis dans un tel état d'épuisement psychique que ma raison d'être médecin et le sens de l'orientation de ma vie ont perdu tout ancrage.
Démission enfin posée après être allé au bout de mes dernières ressources, j'espère dans ce voyage que j'ai rêvé depuis longtemps en achetant et en aménageant mon Van, trouver une issue salvatrice à ce non-sens général qui m'a gagné et le repos de mon âme, mais c'est une tout autre voie que j'emprunte. L'esprit a ses ressources que l'on imagine pas. Et au lieu de pouvoir me rendormir sur mes deux oreilles, c'est l'insomnie quasi-totale qui me gagne, chaque nuit, depuis une quinzaine de jours, accentuant encore plus ma fatigue.
C'est donc dans cet état que je prends la route avec mon vieil ami argentin Alvaro, lui même en proie à de grands questionnements sur l'orientation de sa vie au lendemain de la fin de ses études, en direction des Balkans. Nous embarquons dans mon van que j’aménage depuis maintenant 3 ans, et avec lequel mes études ne m'ont pas encore laissé le temps de faire mon premier grand voyage digne de ce nom. L'installation reste assez rudimentaire, une banquette et un coffre qui s’aménagent pour faire un lit, une petite glacière électrique, un double réchaud à gaz, des bassines et un bidon pour faire cuisine et toilette, mais cela assure un confort amplement suffisant, et je suis content de voir que tous ces petits détails matériels auxquels j'ai réfléchi antérieurement trouvent pleinement leur utilité ici.
Des pochettes complètes de CD des sixties ou des seventies, les Doors, Bob Dylan, Janis Joplin, Cat Stevens et autres légendes dans les oreilles, les récits de Kerouac en mémoire, une carte de l'Europe comme guide, et l'objectif vague du Guca Festival en Serbie comme ligne de mire, nous prenons la route au départ de Toulouse. Première étape Digne-les-Bains, où nous voulons retrouver notre troisième comparse de toujours Eliane, avec qui nous nous entendions si bien du temps de l'internat d'Avignon.
On profite de la route avec Alvaro pour faire nos retrouvailles depuis un an, évoquer nos aventures et mésaventures, nos états d'âme du moment, convaincus que rien de tel qu'un bon voyage pour nettoyer tout ça et recommencer à y voir un peu plus clair dans nos vies, que l'on veut avant tout aventureuses et riches d'expériences, de découvertes et de rencontres. Superbes retrouvailles avec Eliane, qui habite désormais avec un berger dans un coin paumé de l'arrière-pays dignois. On traîne à l'apéro, on boit, on fume, on se raconte et on se blague, on écoute de la musique et on danse autour d'un barbecue, dans un cadre magnifique et isolé où les étoiles prennent un éclat tout particulier.
Bref, idéal pour commencer ce roadtrip !!!... Malheureusement le sommeil ne m'a pas gagné...