Éteindre la lumière
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Éteindre la lumière
L'obscurité, l'absence de lumière créaient un sentiment d'oppression et même de peur inhabituelle qu'Aïtor n'avait encore jamais expérimenté. Il était perdu au milieu du néant sans savoir vers où il se dirigeait et pourtant il tenait sous sa responsabilité l'avenir de l'humanité. Ce poids qui pesait sur ses épaules lui paraissait chaque jour plus important. Il percevait derrière les faux-semblants que plusieurs personnes tapissées dans l'ombre n'attendaient qu'un faux pas de sa part. Il n'avait pas le moindre doute qu'ils saisiraient la première occasion pour se dévoiler au grand jour pour abattre leur jeu et s'approprier sa position que tous convoitaient sans l'avouer.
À cet instant, les lumières sous lesquelles il avait passé toute sa vie lui manquaient cruellement. Malgré la présence de Jane ou même celle d'Ainhoa il se sentait seul, horriblement seul. À tel point qu'il ressentait l'horrible impression d'avancer seul tel un éclair dans les ténèbres. Un sentiment nouveau venait même à l'habiter, celui de la peur de l'échec. Cette sensation était tellement nouvelle pour lui qu'il ne parvenait même pas à la définir, ni même à admettre sa possibilité. Car, pour quelqu'un tel que lui, il s'agissait d'un véritable affront ainsi que d'une humiliation le simple fait même de l'envisager. Et pourtant il sentait qu'elle commençait à l'envahir, le saisissant jusqu'aux tripes. Elle lui parcourait l'échine. Ce qui provoqua un léger tressaillement de sa part. Cette peur envahissait petit à petit chacun de ses membres, à tel point que des gouttelettes de sueurs commencèrent à perler sur son visage, ainsi que sur le reste de son corps.
Cette appréhension qui grandissait en lui commençait à le faire hésiter ; et s'il se trompait ? Qu'arriverait-il s'il échouait ? Car il ne s'agissait pas seulement de lui, ni de quelques-uns, mais bien de la vie de dizaines de milliers de personnes. Dont l'avenir dépendrait de sa décision et uniquement de celle-ci. Il détenait entre ses mains leur destin, ainsi que leurs vies. Il ne pouvait pas se permettre la moindre erreur, qui inévitablement entraînerait leurs morts à tous. Une erreur si infime soit-elle engendrerait inévitablement une fin tragique à leur voyage. Aïtor savait qu'il ne pouvait plus reculer désormais, s'il ne prenait pas une décision. Personne ne le ferait, car aucun ne voulait supporter son fardeau. Il ressentait à présent le poids des regards concentrés sur sa personne. Ils le fixaient tous avec une inquiétude grandissante, scrutant le moindre de ses gestes. Jane tenta même d'entrer en contact avec lui, après l'avoir vu sursauter et frissonner à plusieurs reprises. Mais il se trouvait dans un état second qui le coupait du monde réel. À cet instant précis, c'était comme s'il était déconnecté de la réalité. Jane ainsi que les autres s'inquiétaient de le voir ainsi, car il s'agissait de leurs vies qui étaient en jeu, rien de moins et ils les laissaient dans le noir total, sans aucun moyen d'action. Comme tous les autres, elle devait s'en remettre pleinement à son jugement, encore une fois. Elle avait confiance en lui, comme tout le monde, mais cette fois-ci, il ne s'agissait pas d'une simple décision, mais de la survie de l'humanité.
Chacun retenait son souffle en l'attente de sa décision. Aïtor inspira un bon coup pour se donner du courage, puis il expira lentement aussi bien pour se libérer d'un peu de pression que pour s'oxygéner un peu le cerveau et les poumons. Il tendit fébrilement son bras au-dessus de la console face à lui. Puis lentement, très lentement, il descendit sa main dans sa direction, avant de presser fébrilement une suite de touches avant qu'un bip sonore se fît entendre. La console afficha ensuite un message lumineux vert de validation de la commande. Leur sort était désormais scellé. Il n'y avait plus qu'à attendre et espérer.
Aïtor sentit immédiatement un poids disparaître de sa conscience. Il poussa un soupir de soulagement avant de repousser la console des deux mains et de s'enfoncer dans le dossier de son siège à roulette, sa tête posée sur ses deux mains jointes. Il put ensuite observer ainsi que tout l'équipage leur vaisseau se faire happer par un vortex aspirant les derniers rayons lumineux projetés par les étoiles alentour, avant de les projeter dans un néant des plus absolu.