

L’odyssée du devis, ou l’art de compliquer le simple
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L’odyssée du devis, ou l’art de compliquer le simple
Tout commence quand vous cherchez un service.
Vous tapez quelques mots sur Google, vous faites défiler Instagram, vous cliquez sur un lien. Vous arrivez sur une page remplie de phrases courtes, percutantes, soigneusement polies pour vous émouvoir.
« Transformez votre vie grâce à une méthode exclusive. »
Point. Parce que la partie la plus importante ne vient jamais tout de suite.
Quel est le service, exactement ? Comment ça marche ? Combien ça coûte ? Rien de tout cela n’a d’importance. Pas encore. Ce qui compte, c’est la promesse.
Un bouton en bas de la page vous propulse vers WhatsApp.
Vous demandez, avec toute la politesse du monde :
— Je voudrais un devis pour... Quel est votre tarif ?
— Oui. Mais pour mieux comprendre comment transformer votre vie d’auteur, il faut d’abord planifier un appel vidéo.
Vous soupirez. Vous savez déjà où cela mène.
On appelle ça un funil de ventes : un tunnel qui aspire les auteurs là où ils n’ont jamais voulu aller.
Vous entrez dans l’appel en pensant que le service sera au moins personnalisé.
Pas industriel, pas froid comme dans les grandes structures.
Vous imaginez que vos besoins seront entendus et que vos contraintes seront prises en compte.
Peut-être qu’on vous proposera même une solution à laquelle vous n’aviez pas pensé.
Douce illusion.
Les questions sont fermées, millimétrées. Vous ne pouvez répondre que par oui ou par non, pendant qu’on vous fait glisser le long d’un « parcours client ».
Des interrogations d’une profondeur abyssale :
« Souhaitez-vous que nous réglions tous vos problèmes d’écriture et transformions votre carrière en conte de fées ? »
« Ben oui, évidemment. Mais tu ne sais même pas encore ce que j’écris, charlatan. »
Et quand le client ne veut pas passer par le tunnel de ventes ? On l’y pousse jusqu’à l’autre bout, à coups de pied.
Aujourd’hui, on ne propose plus un service clair. On vend une « expérience », une « transformation », un « processus créatif ». Un alignement de vie et d’œuvre, avec PDFs colorés, tableurs et communauté « exclusive ».
Vous vouliez une réponse simple. Vous voilà coincé dans la machine. Tout n’est plus que langage.
Un langage lisse, digne d’un PowerPoint récité en comité de direction.
On entend « processus », « transformation », « accompagnement », et l’on a l’impression de participer à quelque chose de très sérieux, sans savoir précisément à quoi.
Le travail serait mystérieux et important. Un peu comme dans la série télévisée Severance.
Vous vouliez fuir le chaos des grandes structures. Vous tombez dans l’illusion de l’humain.
Vous pensez parler à une personne. C’est un script.
Vous demandez le prix. Erreur rituelle. On ne donne jamais le prix d’emblée.
Le service serait « sensible », « unique », « sur mesure ».
« Pour mieux comprendre vos besoins, il faut un appel. »
Pourtant, vos besoins sont là, écrits noir sur blanc.
Clairs, urgents, concrets.
Mise en page, correction, couverture. Illustrations aussi, et oui, il existe encore des autrices et des auteurs qui rémunèrent des illustrateurs et n’utilisent pas l’IA pour toutes leurs œuvres illustrées.
La présentation du service pendant l’appel n’est pas plus précise.
Vous espériez entendre : « Oui, je le fais. Voilà comment. Voilà le tarif. »
À la place, on sert une salade composée : cours enregistrés, PDFs, tableurs, accès à un groupe WhatsApp de 400 personnes.
Tout, sauf le service demandé.
Et le prix ? Tout en dernière diapo.
Étrange, pour quelque chose de « personnalisé ».
Cours en direct ? Non.
Correction sans IA ? On sourit poliment.
Les mentorats, ça fait fureur en ce moment. Mais un vrai mentor s’engage dans ton projet, lit ton texte, comprend tes difficultés et travaille avec toi sur des solutions.
Pas un émoji balancé à chaque notification.
On appelle cela « accompagnement ». Comment accompagne-t-on 400 manuscrits à la fois ?
Vous vouliez une mise en page nette, pas un coaching pour la faire vous-même.
Mais la machine vous a fait oublier l’essentiel.
Si vous hésitez, on vous bombarde d’« offre exclusive », de « dernière chance », d’« accès à vie ».
Comme si prendre une nuit pour réfléchir trahissait un manque d’engagement.
Vous vouliez sortir du système. Le système a désormais un visage aimable, un feed harmonisé et un logo minimaliste.
Vous pensiez que les prestataires indépendants seraient plus humains. Ils sont formatés. Entraînés à convertir, pas à écouter.
Je ne parle même pas des coachs...
Je parle de celles et ceux qui devraient offrir un service simple : mise en page, correction, bêta-lecture, illustration, couverture. Et qui transforment cela en odyssée spirituelle.
Vient le moment de dire non.
Dans leur monde, le non n’existe pas. Ni au premier refus, ni au second.
Vous finissez par vous demander si quelqu’un lit vraiment vos messages, ou si un logiciel réagit mécaniquement à chaque refus. Indigné qu’on puisse oser dire non à un service aussi mystérieux et important.
Moi, je l’ose.
Parce qu’au fond, je ne veux qu’un service simple, clair, honnête. Pas un énième épisode d’une série où tout est important sauf le client.


Yvon Stein il y a 4 heures
Execllente la référence à Severance!Je ne sais pas exactement quel(s) service(s) vous recherchez , mais je connais une vraie personne qui en offre : https://www.riviere-d-encre.com/#service - (Sarah Croci, elle est aussi sur Instagram) je précise que je n'ai toutefois jamais eu recours à ses services! par contre je pense que c'est une personne réellement sérieuse et bienveillante
Jackie H il y a 6 heures
Petite correction : "[...] un énième episode d'une série où la seule chose importante est combien le vendeur (prestataire) va pouvoir s'en mettre dans les fouilles" 😉