

#balancetapimbêche
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#balancetapimbêche
Salut pimbêche,
Pimbêche, c’est marrant, ça sonne presque comme princesse. Ça tombe bien, car aujourd’hui, je t’écris pour te parler de ton trône.
Ces mots, j’aurais voulu te les dire lorsque nous étions toutes les deux dans la même classe, au collège, en 4e, quand la honte m’a cousu la bouche.
Dans cette salle de techno aux murs gris, la voix du prof flottait dans l’air, comme si elle hésitait, elle aussi, à exister. J’étais là. Juste à côté de toi. Un peu floue. Une silhouette effacée. Ta camarade. Voisine de table comme on dit. D’habitude silencieuse, ce coup-ci, je voulais t’adresser quelques mots. Je ne me souviens pas quoi. Sûrement une chose insignifiante. Un truc banal, trois fois rien. Peut-être à propos d’un devoir ou une bêtise d’ado. Mais c’était déjà trop. Tu t’es tournée vers moi. Agacée par ma présence. Toi qui portais l’assurance comme un parfum trop cher, trop fort. Tu as sorti ça, dans un soupir, en me regardant à peine :
– Dis-toi bien que si je suis là, c’est parce qu’y a pas de place ailleurs…
Pas un mot de plus. Une barrière levée, une pancarte invisible qui hurlait sur ton front :
Accès réservé aux êtres supérieurs
Et moi ? J’ai pas bronché. J’ai baissé les yeux sur mon cahier, le ventre noué comme une page mal pliée. J’ai cru que tu savais. Que tu savais mieux que moi ce que je valais. Oui, ce jour-là, j’ai rangé ma voix dans ma gorge, comme on range un secret qu’on n’ose plus relire. J’ai fait semblant. Comme si ton mépris était une évidence. Comme si mon mutisme était le prix à payer pour ne pas déranger.
Aujourd’hui, j’ai grandi. Pas en centimètres. En lucidité. Tu te crois sortie de la cuisse de Jupiter ? Très bien. Moi, je viens du silence, et crois-moi, il fait du bruit, quand y a plus rien à taire.
T’avais ton armure d’attitude. Tes regards en vitrine. Ta voix bien aiguisée pour blesser sans ciller. Mais moi… moi, j’étais vraie.
Si je pouvais remonter le fil, défaire ce nœud au ventre, je te dirais : Je ne suis pas un meuble dans le décor, ni une erreur de placement. Pas « celle d’à côté » par défaut.
Je suis une tempête tranquille. Je suis les larmes qu’on ravale et qui deviennent force. Je suis celle qu’on sous-estime et qui pourtant, se relève, intacte.
Toi, tu brillais d’arrogance comme on s’éclaire quand on a peur du noir.
Moi, j’ai allumé ma propre lumière. Pas pour te battre. Pour mieux me voir.
Maintenant, je te tends un miroir. Tu vois, le temps passe. Je t’ai observée. Tu voguais sur les apparences. Moi, longtemps, j’ai cru que tu étais forte.
Mais à présent, je le vois : la vraie faiblesse, c’était cette peur en toi. Peur d’être normale. Peur de n’être qu’une fille parmi d’autres. Tu te souviens de ta petite phrase ? Celle que tu as lâchée comme une bombe fielleuse ?
Tu pensais me jeter une vérité tranchante. En réalité, tu parlais de toi. Tu étais là par dépit. Pas dans cette classe, dans ta vie. Tu n’avais pas trouvé ta vraie place, alors tu posais ton cul n’importe où. Princesse Pimbêche. Tu crois quoi ? T’as la fesse d’or ? Tous les matins, plein de gens font comme toi, tu sais… Les pauvres, les riches, les cons, les intelligents… On naît tous dans la merde et dans le sang.
Alors, l’heure est venue de te rendre ce que tu as donné. Mais moi, je rends proprement. Avec des mots. Avec du courage. Pas en balançant des phrases empoisonnées sous des faux airs de rien.
Je ne te déteste pas. Non. Je te reconnais. Je reconnais cette façade. Parce que je l’ai crue, un jour. Maintenant, je te vois. Pas comme la fille que tu affiches, mais comme celle que tu caches et que tu fuis.
T’étais ma pimbêche. T’es pas la seule, va. Tout le monde croise au moins une fois une version de toi. Ce jour-là, tu t’es juste assise à côté de moi.

