

LIA 2**60 - Chapitre 1 -
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LIA 2**60 - Chapitre 1 -
Le réveil
Dès qu'il ouvrit les paupières, il chercha à quelle certitude s'accrocher. Du flot de ses pensées une idée émergea rapidement : jusqu'alors, il n'existait pas ! Pourtant, le paysage — ce ciel d’un bleu pâle, cette mare profonde en contrebas, ces arbres aux feuilles vernies par l'été — s’imposa non comme une apparition étrangère, mais comme une évidence immédiatement nommée. Comment pouvait-il le savoir en l'absence de passé ? Cette question même le surprit ; il raisonnait !
Pour autant il ne reconnut pas les lieux. Il cria, foudroyé par une douleur soudaine au crâne, d'une intensité inédite, découvrant dans le même temps qu'il avait un corps, capable de souffrir et d'émettre des sons.
Il perdit connaissance.
Le froid le réveilla.
Il était couché, la face tournée vers le sol sans l’effleurer.
Il dégagea sa main droite écrasée par son propre poids, mais ne put atteindre son visage ; une cloche de verre entourait sa tête, l’isolant du monde extérieur. Saisi par l'angoisse, il s’arc-bouta sur ses bras, luttant contre la pesanteur, et parvint non sans peine à se retrouver sur le dos.
Il tenta en vain de se libérer de cette sorte de cage.
Un jeune garçon s'adressa à lui : « Comment vous sentez-vous ? »
Il tourna la tête à droite puis à gauche, il ne vit personne.
— Comment vous sentez-vous ? insista-t-il.
— Sais pas. Où vous êtes ?
— Je préfère garder mes distances, je vous ne connais pas. D'habitude quand je fais mon footing par ici à cette heure, je ne rencontre personne. Savez-vous ce qui vous est arrivé ?
— Sais pas.
— Vous vous appelez comment ?
— Sais pas !!
— Vous avez dû heurter violemment la grosse branche de cet arbre à côté de vous. Elle a été fraîchement cassée.
Pourtant elle était trop haute, si vous courriez à pied.
Le grand cheval qui broute plus loin, il est scellé. C'est le votre?
— Levez-moi !
— Bon je veux bien, mais vous levez d'abord vos bras au-dessus de la tête.
Il se plia à ses exigences. Une mince silhouette androgyne apparut dans son champ de vision. Une fois au-dessus de lui, il lui tendit une main constellée de taches brunes. Ces stigmates laissées par le temps formaient un contraste saisissant avec son visage d’apparence juvénile, entouré de boucles blondes.
Son visage fin et ambigu prêtait à une indétermination de genre, tandis que sa voix, à la fois profonde et douce, se dérobait à toute étiquette. Aucun de ces indices, d’ordinaire si probants, ne lui permettait de trancher, d'autant que la combinaison qu'il ou elle portait effaçait toute courbe.
Il n’eut plus de doute sur sa masculinité, quand il le remit sur pied avec une aisance déconcertante, malgré la différence de leur poids respectifs.
Une fois stabilisé, par le jeune garçon qui le maintenait par les mains, il lui demanda : « Qui êtes-vous ? »
— Alix. Je m'appelle Alix. Et vous, comment vous appelez-vous ?
Voyant que sa tête oscillait de gauche à droite, Alix le prit à bras le corps.
— Ne vous inquiétez pas, je vous tiens bien. Le choc a dû être violent, votre visage apparaît encore flou à travers votre visière, mais je suis sûr que votre casque vous a évité un sacré trauma crânien. C'est vrai qu'avec ce type de coursier, on peut galoper très vite.
Vous allez voir, dans quelques minutes, vous irez mieux.
Un peu plus tard, il avait recouvré son aplomb sans le soutien d’Alix.
— Ça va aller ?, demanda-t-il.
— Oui. Merci.
— Ne me remerciez pas. Je dois plutôt m'excuser pour tout à l'heure. J'ai dû vous saouler avec toutes mes questions. J'étais stressé. Quand je vous ai vu sous l'arbre, je croyais que vous étiez mort..
— Qui suis-je !
Saisi d’une subite bouffée de chaleur, il porta ses mains sur son casque fébrilement, afin de le ôter.
— Surtout ne l'enlevez pas ! L'air est irrespirable ! Il fait au moins 35°C, et nous ne sommes que le matin. Vous vous rendez compte, nous sommes début mai et nous avons déjà droit à des vagues de chaleur.
— On est sur quelle planète ?
Alix le regarda d'un air amusé.
— Mais vous êtes sur Terre pardi..
C'est vrai que nous ressemblons un peu à des martiens avec tout cet attirail, ces combinaisons, ces casques, mais c'est mieux que de souffrir de la chaleur les jours comme celui-ci.
— Des vrais martiens ?
— Des vrais martiens ?
— Depuis quand ?
— Depuis quand il y a des martiens ? Depuis que le premier couple d'astronautes a posé leurs pieds sur Mars, répondit Alix étonné par la question. D'ailleurs le 20 juillet prochain, cela fera bientôt trente et un ans. Plusieurs colonies de terriens, officiellement appelés martiens, se sont bien développées depuis !
Dites-moi, vous me faites un remake de la belle au bois dormant...
Ça y est je viens d'être fixé, vous êtes de sexe mâle et vous vous appelez Marc Hatac. Vous êtes bien un homme.
— Qui vous l'a dit ?
— Bah, c'est LIA qui vient de me donner sa réponse dans le casque !
— C'est qui Lia ? Elle me connaît ?
— LIA ? Qui ne connait pas LIA ? Elle gère nos besoins à tous en Europe. Sans cet immense réseau de machines intelligentes je ne vous raconte pas la vie que l'on aurait, et puis c'est en France, à Paris que se trouve le centre névralgique, précise-t-il avec un brin de fierté dans la voix.
Bien sûr que LIA vous connait. Visiblement elle vous connait même mieux que vous-même. Je peux vous dire aussi que vous avez 82 ans, retraité depuis neuf ans ! Pour que la FE1 vous ait mis à la retraite, vous avez dû leur rendre beaucoup service ! A moins que vous ne soyez atteint d'Alzheimer ?
— Je n'ai pas 82 ans ! Je ne comprends rien !
— Bon, commençons calmement par le commencement. D'abord qu'est ce que vous faisiez sur ce cheval.
— Je ne sais pas.
— Et bien on va lui demander !
— Lui demander ?
— Vous n'avez pas complètement récupéré.
Allez, suivez-moi.
Alix s'approcha du cheval.
— Dis moi cheval d'où venais-tu et où allais-tu ?
Le cheval ne broncha pas.
— Vous avez dû mettre en sécurité son implant crânien. Il ne répondra qu'à vous. Allez demandez-lui !
Marc hésita quelques instants avant de lui poser une première question.
— Dis moi cheval d'où venais-tu et où allais-tu ?
Le cheval continuait à brouter indifférent à la question, Pourtant, dans un souffle discret, il laissa échapper une réponse.
— Nous sommes partis de chez vous dans le quartier de la Basse-Besnardière, à Saint-Pessan et nous y retournions.
— Depuis quand nous sommes arrêtés ?
— Nous sommes arrêtés depuis trente-huit minutes.
— Où ?
— A côté de l'étang de Trémelin.
— Pourquoi nous sommes-nous arrêtés ?
— Pourquoi je me suis arrêté ? Parce que vous avez quitté la selle.
— Je veux dire, pourquoi je suis tombé ?
— Je ne sais pas.
— Tu n'as pas évité cet arbre.
— Est-ce que j'ai évité l'arbre ? Oui.
— Mais tu n'as pas vu que je ne passerai pas en-dessous.
— Je ne sais pas. Mettez à jour mon implant. La dernière mise à jour date de 18 mois.
Alix s'étonna.
— 18 mois ! Vous vous rendez compte ! Les chevaux, c'est au moins une mise à niveau au moins par mois. Qu'est-ce que vous avez fait ? Vous les avez bloquées ? A moins que vous ayez dormi sur votre canasson pendant tout ce temps?
Marc esquissa son premier sourire.
— Il faut que je retourne chez ... moi, pour me reposer. Merci encore jeune homme. Alix comment ?
— Pour vous, ce sera Madame. Je vous ai transmis mes coordonnées ... pour témoigner bien sûr, si vous vouliez vous retournez contre la Compagnie des Chevaux, mais vous n'aurez pas gain de cause, because la non mise à jour.
Sous le regard de Marc, sa fiche d'identité se matérialisa, révélant qu'elle avait soixante seize ans, alors qu'elle n'en paraissait que vingt. Marc se retint de s'en étonner.
— Merci encore Alix.
— Maintenant, je vois nettement mieux votre visage. Vous n'avez aucun hématome, ni de trace de sang.
Je ne devrais pas être surprise, mais c'est incroyable ; vous paraissez avoir trente-cinq ans tout au plus.
Vous vous sentez comment ?
— Je n'ai plus mal à la tête, c'est déjà ça.
— Tant mieux, j'espère que nous nous reverrons quand vous serez complètement rétabli ?
— Entendu. A bientôt.
1FE : Fédération Européenne
Image générée par Raphaël AI - Copyright Fred Kaneva

