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Paris !

Paris !

Publié le 6 oct. 2021 Mis à jour le 6 oct. 2021
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Paris !

Paris !

Nous nous réveillons en gare Montparnasse, dans une sorte de torpeur. ELLE et moi. Concomitamment. Je baille à faire péter les mandibules. Je m’étire sur ELLE, pattes avant, pattes arrière, lentement. Je me dégourdis comme une barbotine de pain que le boulanger élance. Déploie maintenant les muscles de mon corps souple jusqu’au ciel, en un arrondi élégant, pictural. Déplie ma carcasse osseuse, quoique musclée et nerveuse quand je serai tout à fait ragaillardie, tout en l’observant, ELLE, droit dans les yeux. Puis mon regard glisse le long de la vitre. Je dépose mes pattes avant sur l’accoudoir et m’assois sur son ventre, roide. Ma queue enchâle mes pattes. Mes oreilles pointent vers l’avant et s’élancent en direction du plafond, mobiles et alertes. Elles s’animent indépendamment l’une de l’autre. Les paysages ont changé, je le comprends malgré l’allure du train qui superpose les images et grise. Après la traversée de l’Armor et de l’Argoat, les étendues de forêts légendaires où j’ai imaginé apercevoir les lutins, les korrigans et les fées, nous voilà dans l’urbanité la plus dense et fiévreuse. ELLE fredonne : Quand on arrive en ville. Reconnaissance labiale providentielle.

J’ignore encore tout, du capharnaüm grinçant qui m’attend.

La ville, dont je soupçonne la frénésie, une agitation dont je ne sais rien. Ce que je discerne, tandis que la vitesse ralentit ? Des immeubles, des barres de ciment découpées de fenêtres minuscules, carrés austères, du linge étendu sur des rambardes en fer, des tags de formes et de couleurs incroyables, des lettres, des dessins fluorescents et noirs, des graffitis. Une imagination féroce. Bientôt tout ceci constituera mon monde et je m’adapterai au street-art, à l’art brut, au land-art, à toutes les formes d’expressions qui s’entremêlent dans la cité, pour se démarquer de la foule et se soustraire à la promiscuité, exister au milieu des espaces enserrés et cimentés. Après le vert et le bleu purs de la nature, les paysages infinis, sans altérité ni aspérités, voici de nouvelles teintes iridescentes et criardes. Un grège brumeux recouvre cette vie criarde vers laquelle j’arrive. C’est le contraste absolu. J’aimerais savoir déchiffrer, comprendre ce langage vernaculaire, que j’ai l’impression d’avoir méprisé jusqu’alors, dans mon Finistère Nord, mon bord de mer reposant, balnéaire. Tout commence en Finistère, parait-il. Tout finit aussi. Mon épopée se poursuit ici, en capitale.

Les tours sont concentrées et zénithales, je ressens un violent étourdissement. Une sorte de vertige, alors que je suis bien ancrée au sol. Je me sens dans un espace anachronique. Le ciel est gris et bas, les arbres ternes et grisâtres. Les Pantone différents, comme déformés. Je n’ai plus aucun jalon. Derrière la vitre du train, le décor semble bâché d’un halo poisseux. Je la regarde, ELLE, et je la crois sur parole. Son regard loyal. ELLE m’aidera à trouver ma place, en ville, loin de la plage et du grand large. Il fait grand jour. Bientôt vingt-et-une heures pourtant. Là-haut, à l’extrême pointe de l’Occident, près de six-cents kilomètres à l’Ouest, d’où je viens, la nuit doit poindre déjà, revigorante et calme, tempérée et suave. Ici, comment est la nuit ?

#lanouvelleolympe

 

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