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Strangers in the Night - Chapitre 2

Strangers in the Night - Chapitre 2

Publié le 28 nov. 2024 Mis à jour le 28 nov. 2024 Romance
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Strangers in the Night - Chapitre 2

Je reste paralysée quelques secondes face à cet inconnu, que je détaille, par la même occasion. Bien qu’habillé d’un col roulé bleu marine sans histoire et d’un banal jean, les traits de visage de cet homme ne ressemblent pas à ceux qui bordent notre village maritime, ni plus largement notre région. Ses cheveux ont la couleur du blé et sa barbe quant à elle, est plus foncée, similaire à du seigle. Il a dans le regard, quelque chose de fiévreux, d’imminent, d’ombragé et de désintéressé. Une émotion tierce qui n’est pas originaire de nos terres. 

Beaucoup plus grand que moi, il pourrait m’intimider. Mais je ne le suis pas, je suis trop affolée par la malchance que je subis. Et par mon objectif.

            Je ne pense même pas à me méfier, ni à m’attarder plus longtemps que ça sur la beauté évidente dont il a eu le cadeau.

Je m’éclaircis la gorge, lui tends la main.

- Bonjour -bonsoir. Enchantée de vous rencontrer, je suis Sinatra, la voisine de... (Je ne connais même pas les noms de mes voisins aussi je ravale une injure du mieux que je peux). Je suis la voisine. Monsieur et madame sont-ils là ?

            Mon sourire ne sauve pas grand-chose au désastre de cette première rencontre. Alors qu’il allait sortir des paroles de sa bouche, ma voisine surgit dans le paysage en se frayant un chemin par-delà celui qui se tient sous mes yeux.

            - Oh, Sinatra, bonsoir ! Que fais-tu par-là ce soir ? Il fait si froid, tu as besoin de quelque chose ?

J’ai honte d’ignorer son prénom alors qu’elle connaît le mien et qu’à la manière enjouée dont elle le prononce, elle a déjà dû le dire avant. J’ai bientôt 30 ans, ça fait quelques années que j’habite à Port-Louis, je m’y suis installée après que j’ai terminé mes études à Paris et j’ignore encore le nom de ma gentille voisine. 

Une émotion dérangeante me submerge. Je n’arrive pas à la nommer et prends donc sur moi.

- Je suis vraiment désolée de vous déranger, mais j’ai besoin de l’aide de votre mari. Ma voiture refuse de démarrer et je dois absolument aller chez ma mère ce soir.

Énormément de buée s’échappe de ma bouche alors que je lâche ma tirade devant leurs oreilles grandes ouvertes. J’ai l’air désespéré ça ne fait aucun doute.

            Ma voisine resserre sa laine, un tricot rouge et vert, rappel évident aux couleurs des fêtes de fin d’années. Hâtivement, elle se met à étudier l’homme à côté d’elle et qui n’a toujours rien dit depuis que le froid s’est infiltré chez eux à cause de moi.

- Décidément, tu tombes mal, Fernand est chez son frère. Mais James pourrait peut-être t’aider. Hein, James, si ça ne te dérange pas, bien sûr ? envoie-t-elle au visage dudit James qui fait tour à tour des aller-retours visuels entre moi et ma voisine.

            Je le supplie du regard, j’espère qu’il le voit.

            - Je vais chercher un manteau, Agnès, souffle-t-il en s’effaçant dans le couloir.

            Une vague de soulagement m’inonde.

            - Merci, merci beaucoup Agnès, vous êtes formidable, dis-je en m’empressant de l’appeler par son prénom pour qu’elle ne se doute pas que je viens tout juste de l’apprendre.

Il faut à tout prix que je sois plus sociable avec les autres, j’ai le sentiment d’être une mauvaise personne tout à coup.

            - Qu’est-ce que je peux faire pour me dédouaner du dérangement ? J’ai cuisiné des cannes à sucre pour Noël, vous en voudriez ?

J’ignore pourquoi je lui dis ça alors que mes cannes à sucre -sans parler d’être à mourir d’ennui- sont un échec lamentable.

Agnès m’adresse un sourire d’une chaleur qui me fait momentanément oublier que le vent souffle plus que la normale.

            - Tu es adorable, Sinatra, mais ne t’embête pas avec tout ça. 

James réapparaît avec une grosse parka qui l’élargit encore plus, lui donnant tout à coup un côté homme de montagne plutôt séduisant. Je laisse cette réflexion se dissiper en dégageant le chemin pour qu’il me suive. Avant de quitter le perron d’Agnès, je pense cela dit à la remercier.

            - Merci de m’aider Madame Agnès, je suis complètement dépassée par tout ça.

Je lâche un petit rire nerveux qui m’insupporte.

            - C’est normal, je m’en voudrais de ne pas t’aider à rejoindre ta mère pour Noël quand même !

Je hoche la tête en la saluant de la main. Il est hors de question que je revienne de mes vacances de Noël sans un présent pour eux. Je m’en fais la promesse, me disant déjà ce que je pourrais ramener de mon séjour chez ma mère, quand une voix d’homme me tire de mes pensées.

            - Pardon, mais je ne sais pas où est votre voiture.

            Je me concentre.

            - C’est vrai. Je vais passer devant, vous n’avez qu’à me suivre. Ce n’est qu’à quelques mètres.

Ma maison est plutôt cachée aussi, je comprends son désarroi. On rejoint rapidement ma petite automobile.

            - Voilà la souffrante, dis-je en donnant une petite tape sur le haut de ma voiture. 

Je lui tends aussitôt mes clefs pour qu’il puisse se rendre compte lui-même de l’état de la situation. Intimement, je me dis qu’il va trouver la faille, qu’il ne s’agit pas de grand-chose et que d’ici dix bonnes minutes, je serai sur la route à solutionner un autre problème que celui-ci. Et pourtant, après que James se soit essayé à la démarrer et qu’il ait jeté un coup d’œil sous le capot, le regard qu’il pose sur moi ne m’annonce rien de réjouissant.

- Elle ne va pas démarrer. Je crois bien que votre moteur est foutu.

La façon qu’il a de dire sa dernière phrase me confirme qu’il ne vient pas d’ici car je décèle un léger accent. Je ne saurais avancer d’où est-ce qu’il peut bien venir. Je me place à côté de lui, défaitiste. Le ton solennel, je déclare, les bras croisés :

- Vous croyez en la malchance, James ?

Je le fixe alors qu’il remet ses gants en cuir. Je n’avais même pas vu qu’il les avait enlevés, je suis bien de trop bouleversée.

- Non, assène-t-il en me rendant mes clefs.

Je ne m’attendais pas à cette réponse, si franche, si coupante. Je ne trouve pas quoi redire, c’est donc le silence de la nuit qui achève notre conversation. À la va-vite, je réfléchis à quoi faire et c’est naturellement que la solution me vient. Je n’ai vraiment pas envie de les déranger mais je me dis que la distance n’est pas si longue que ça et qu’en une soirée le trajet peut bien se faire. Aussi, je prépare mes arguments.

- Je suis embarrassée d’avance de vous demander ça donc pardonnez-moi. James, pourriez-vous me déposer chez ma mère ? Elle habite à Quiberon, je dois absolument y être ce soir.

Le regard que je jette à ma Twingo n’a plus rien de bienveillant. Je la dévisage, profondément heurtée qu’elle me lâche comme ça, dans la nuit, dans le silence. La colère ne me parvient pas encore, pour le moment je suis surtout secouée, frustrée bien sûr, mais rien d’autre. Il est hors de question que mon humeur dégringole plus bas que ça. Offrir à ma mère une Sinatra mal lunée ne rendra pas notre soirée des plus agréables.

James ne répond pas tout de suite. Il pousse un long soupire, regarde sa montre et se frotte le visage. Les secondes me paraissent interminables. 

- Vous êtes au courant qu’une tempête est en approche ?

- Écoutez, je ne compte pas vous forcer à m’emmener, même si je vous paierai l’essence. Si ce n’est pas grâce à votre bonté, je trouverais un autre moyen de me rendre là-bas. 

Dans ma tête, je pense à Agnès, ma deuxième option cachée. Cela dit, Agnès n’est plus toute jeune et ça me met mal à l’aise de lui demander un tel service. Je pourrais sans problème conduire l’aller, mais la laisser prendre le volant pour le trajet retour alors que la tempête grandit ne me plaît pas du tout. Et puis son mari pourrait m’en vouloir, je ne veux pas m’encombrer avec tout ça, ni les impliquer plus.

Face à James, je fais semblant de parcourir mes contacts téléphoniques et ça va vite dans ma tête. D’un instant à l’autre, je serai en communication avec un chauffeur de taxi.

- Je vais vous emmener, avance-t-il tout à coup d’une voix aussi profonde que lointaine.

Complètement excitée par ce que je viens d’entendre, je m’empresse de poser une main sur son épaule pour le remercier. Mes yeux traduisent déjà toute la joie que je ressens intérieurement.

- Vous me sauvez la vie, vous ne vous en rendez pas compte ! Merci, merci, merci.

Et alors qu’il s’éloigne pour rapprocher sa voiture afin que je puisse charger mes affaires dans celle-ci, je me dis que je vais passer la prochaine heure -si ce n’est plus- dans le véhicule d’un homme que je ne connais que depuis une vingtaine de minutes.

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