Mon cœur s’emballe alors que je déverrouille mon téléphone : Jaxon Ryder a répondu à mon message. Je m’empresse de faire une capture d’écran de la notification pour la partager avec ma meilleure amie virtuelle, Savannah.

"OMG, La folie Ravyn ! Il doit crouler sous les messages, surtout après ce post, et c’est TOI qu’il répond ?!"

L’enthousiasme de Savannah me procure un sourire sincère. Bien qu’elle ne sache rien de ma vie réelle, pas même mon vrai prénom, elle se montre toujours présente, prête à me soutenir dans les moments les plus fous. Savannah, c’est celle qui m’a trouvée sur Twitter, celle qui m’a suivie dès mes premiers partages de musique. On ne s’est jamais vues, mais elle connaît ma passion pour le metal, ma timidité, et mon besoin constant de fuir le monde extérieur. Notre amitié s’est construite en ligne, à travers nos échanges sur des groupes, des riffs, et des coups de cœur musicaux. Je lui ai révélé beaucoup de choses sur mes goûts, mais jamais sur ma vie personnelle.

Elle n'a jamais posé de questions intrusives sur qui j'étais vraiment. Pour elle, Ravyn, c’est moi, et c’est tout ce qui compte. Ce pseudo est devenu mon identité sur les réseaux, ma bulle d’expression, et Savannah est la seule à qui je parle réellement de mes passions. Les autres ne voient que mon côté réservé, tandis qu’avec elle, je suis moi-même.

Je décide d’ouvrir le message de Jaxon.

"Haha, désolé pour ça ! C’est un nouveau riff sur lequel je bosse, tu en penses quoi ?"

J’attrape mon téléphone avec une nervosité palpable. Je le garde contre mon cœur un instant avant de taper une réponse. Savannah, elle, n’a pas cessé de m’envoyer des messages de soutien pendant que je composais ma réponse à Jaxon. Elle a un don pour faire en sorte que je me sente moins seule dans cette aventure un peu folle.

Je réponds enfin à Jaxon.

"Je dirais que ce n’est pas assez long, dix secondes et quelques accords ! Il me tarde d’entendre la version complète. Nouvel EP en vue ?"

La réponse ne se fait pas attendre.

"Tu es occupée actuellement ?"

"Non pourquoi ?"

Et là, une notification Instagram me frappe en plein visage. Jaxon Ryder est en train d’appeler.

Jaxon.

Ryder.

Est en train de m’appeler.

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Je ne suis absolument pas présentable ! Pourquoi il m’appelle ? Oh mon dieu, dites-moi qu’il a fait une mauvaise manipulation… Tremblante, je presse frénétiquement le bouton pour répondre, essayant d’ordonner mes longs cheveux noirs emmêlés. Mon esprit est en panique, et je peux presque entendre le battement de mon cœur qui résonne dans mes oreilles.

Je respire profondément une, deux, trois fois, puis, enfin, j’appuie sur "répondre".

— Salut Ravyn !

Sa voix mielleuse envahit l’espace de mon appartement pendant que son visage angélique apparaît à l’écran. Je le fixe quelques secondes de trop, ne pouvant cacher ma timidité évidente. Mon cœur bat la chamade, et je me maudis intérieurement pour être aussi nerveuse. Pourquoi est-ce que je suis aussi maladroite ? Ce n’est qu’un appel vidéo, après tout.

Je prends une profonde inspiration et tente de m’éclaircir la voix avant de répondre.

— H-hey, Jaxon. Salut. C’est Avery, en fait. Je… ouais, je m'appelle Avery.

Merde, pourquoi j’ai dit ça… Je sens mon visage chauffer sous la pression de cette interaction, mais je fais de mon mieux pour garder une voix calme. Pourtant, il y a cette étincelle dans ses yeux qui me trouble, comme s’il savait exactement ce que je ressens, comme si ça lui plaisait.

— Ok Avery. Panique pas, rit-il. Je voulais juste en profiter pour échanger avec toi. Et puisque tu m’as dit que dix secondes n’était pas assez…

Il posa son téléphone plus loin et disparut quelques instants. Lorsqu’il revient, il a sa guitare en main.

— Tu n’auras pas besoin de parler, si tu n’es pas à l’aise. Ecoute juste, et apprécie le moment.

Un frisson me parcourt, l’excitation me paralyse. Il commence à jouer les premières notes, et soudain la tension qui m’étouffait se dissipe. Ses doigts glissent sur les cordes avec une aisance qui me captive, et je me sens emportée par la douceur de l’air autour de moi. Puis, quand il ouvre la bouche pour chanter, c’est comme si tout mon être s’effondrait sous l’intensité de sa voix. La façon dont chaque mot semble résonner en moi, comme si la chanson avait été écrite pour moi, me submerge.

Les larmes commencent à couler sans que je puisse les arrêter. Même si c’est une version acoustique d’un morceau de metalcore, tout ce que je ressens en ce moment est bien plus fort que la musique. C’est comme si la chanson pénétrait dans chaque fibre de mon être, apaisant mes doutes et mes peurs. J’en suis complètement submergée, mais d’une manière si douce, presque réconfortante.

Lorsqu’il eut fini, il reprit le téléphone en main et s’allongea sur ce qui semblait être son lit.

— Alors, tu en penses quoi ? 

Il marque un temps, fixant l’écran, comme s’il pouvait voir mon âme au travers.

— Tu as pleuré?, continue-t-il sans le moindre jugement dans la voix.

Je passe ma main sur mes yeux, comme si je tentais de cacher un crime. C’est ridicule, je suis une totale inconnue pour lui, et pourtant, il a réussi à toucher quelque chose en moi avec cette simple chanson.

— C’est beau, me contenté-je de répondre.

C’est tout ce que j’arrive à dire, alors que mon cœur palpite encore, lourd d'émotions. Il attend un instant, comme s'il mesurait mes mots, avant de sourire. Je le vois presque, à travers l'écran, comme si ce moment d'intimité virtuelle brisait les barrières entre nous.

— C’est précisément pour ça que je chante Avery. Procurer des émotions sincères. 

Nous avons continué à échanger sur les projets de son groupe une partie de la nuit. Le plus souvent, lui parlait et moi, je l’écoutais, captivée par chaque mot qu’il prononçait. Il avait cette manière de partager ses idées avec une passion palpable, et bien que je n’aie pas toujours su quoi répondre, je me sentais bien dans ce rôle de spectatrice, émerveillée par sa vision du monde. Les conversations se sont enchaînées naturellement, sans pression, comme si l’on se connaissait depuis bien plus longtemps que quelques heures. C’était étrange de se sentir aussi connectée à quelqu’un que j’avais vu sur scène, que je n’aurais jamais imaginé pouvoir connaître d’aussi près.