Initiation glaciale des jeunes moines tibétains
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Initiation glaciale des jeunes moines tibétains
Quelques soirs par semaine, dans la quiétude du foyer familial, mon grand-père avait pris pour habitude de me raconter ses expériences vécues.
Ce n'était pas des aventures dangereuses, mais plutôt des situations inhabituelles dont il avait été témoin pendant sa carrière professionnelle.
Toujours avec le même rituel, il s'asseyait devant la cheminée, bourrait sa pipe de tabac et craquait une allumette pour tirer des bouffées.
Le crépitement du feu et les flammes dansantes sur les murs le transportaient bientôt dans ses souvenirs. Là, il fallait attendre que sa pipe soit bien démarrée et que quelques volutes de fumée sortent de sa bouche dissimulée par une barbe très drue.
Ce soir-là, l'histoire contée se passait au Tibet, un peu avant que la Chine envahisse ce pays montagneux dans l'indifférence générale des autres Etats.
Au cours de ses temps libres, mon grand-père avait loisir de se déplacer où il voulait sur le territoire tibétain. Il décida d'aller rencontrer des moines bouddhistes dans un monastère aux environs de Gyantsé, à une centaine de kilomètres au sud de Lhassa. La religion bouddhiste l'intriguait et il voulait se faire une idée sur la pratique religieuse des moines et en particulier celle des novices.
Par un temps glacial, habituel au Tibet, il arriva au monastère complètement transi de froid malgré plusieurs couches de vêtements. Il fut reçu avec déférence par un moine assez âgé, mais encore très alerte.
Là, il a assisté à une pratique assez étrange qui a marqué à jamais son esprit.
Les moines novices méditaient dehors pendant des heures à des températures inférieures à zéro. Ils n'étaient vêtus que d'un fin drap de tissu que des camarades moines plus âgés leur enlevaient de temps en temps pour le tremper dans une eau glacée. Le drap, à peine séché sur le corps des novices, leur était à nouveau retiré et plongé dans de l'eau mélangée à de la neige.
Surpris et confus, mon aïeul n'a jamais osé demander à son hôte qu'elle était l'origine de cette initiation ou coutume pour le moins barbare. Malgré tout, il continua à apprécier le mode de vie des Tibétains ainsi que leur religion pleine de mystère pour les non-initiés.
Mon grand-père était un homme très terre-à-terre et non sujet à la fantaisie. Je crois ce qu'il a dit, mais comment ces jeunes hommes ont-ils pu survivre à des épreuves qui tueraient la plupart des gens ordinaires ?
Ce n'est que bien plus tard que j'ai eu l'explication lors d'une conférence sur le Bouddhisme.
En fait, les formateurs apprennent aux moines novices à exploiter le pouvoir de leur souffle. En utilisant des techniques spéciales de respiration, ils pourraient augmenter la température de leur corps de manière à sécher l’eau ou même à faire fondre la neige.
Quelques mois après cette anecdote, la Chine envahissait le Tibet. L'entreprise de mon grand-père se désengagea du pays et tout le personnel fut rapatrié.
Bien que les envahisseurs aient essayé de détruire la culture tibétaine, celle-ci a maintenant pris racine dans le monde entier.
Gilles Heuline