La rencontre
Sur Panodyssey, tu peux lire 30 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 29 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
La rencontre
D'après mes mails, ce serait donc le lundi 8 septembre 2014 entre 10h00 et midi...plutôt proche de midi si j'en crois les Zimages restantes, un soleil léger comme un matin mais se renforçant de minute en minute pour atteindre un zénith qualifiant la faim de la re-création.
Que j'aime le matin.
Le plus tôt possible, mais sans réveil. Je n'ai que rarement eu besoin de réveil, et ce n'est jamais très bon signe. C'est que j'ai atteint un niveau de fatigue qui m'empêche d'être. C'est un peu comme si j'étais le matin.
Dès qu'arrive 12h00, je ne suis plus, je ne fais plus que suivre le cours de la journée. Mais jusque-là, je suis, mal, de travers, mais je suis.
Je ne me souviens plus du lever de ce jour-là, mais je peux l'imaginer sans peine. Il y a des matins où on sent qu'il va se passer quelque chose. Là c'était inévitable, rendez-vous avait été pris. Il va se passer quelque chose, et ce sera le matin en plus.
Outrecuidance dans la concordance des temps ? Non. J’ai une très mauvaise mémoire d’un point de vue linéaire. Je recrée en permanence. Parce que je n’ai que des Zimages, des Zsons ou des Zodeurs de sensation fugace que je cuisine pour en extraire indéfiniment un peu de ce substrat qui m’est nécessaire, au sens philosophique du terme, à savoir qui ne peut ni ne pas être ni être autrement, pour « vivre ». C’est ma came. Je suis une junkie.
Il va se passer quelque chose…ce n’est pas que j’en sûre, c’est pire. Je le sens.
« -Bonjour…
-Bonjour, asseyez-vous.
-Bonjour messieurs dames… ?
-Un café pour moi…
-…pour moi aussi, allongé.
-Très bien. »
Qu’est ce que je vais lui dire ? J’ai bossé, mais pas assez, je suis nulle, je sais bien que…
« -Alors, Alexia, que me voulez-vous ?
-Tout d’abord, je dois vous préciser une chose. L’année dernière, pour la licence, vous m’avez connu en mode « soldat ». Je devais avoir ma licence, selon certaines conditions, c’est-à-dire sans aller aux oraux de rattrapage. Ça c’est fait. Cette année, je l’aborde très différemment. Je veux…m’amuser, prendre mon temps, etc.
-…
-Ensuite, je sais que je veux faire ce Master avec vous. Mais. Je serai bien en peine de vous citer quelque nom que ce soit. Je suis absolument nulle en littérature, je ne lis pas, ou alors des manuels, des dictionnaires, mais surtout pas de fiction. Je n’ai même pas un nom à vous citer…
-Très bien ! »
Il prend un stylo, un bout de papier (je sais ou j’espère l’avoir gardé quelque part dans mon bordel…oh j’espère…), et il commence à dresser une liste d’auteurs. Une dizaine de noms dessus, peut-être moins.
Je le regarde faire comme un apprenti ébéniste regarderait son maitre de stage choisir ses panneaux de bois. Sans avoir la moindre idée de quel panneau est quoi et de la finalité des choix, juste à savourer le fait d’être là et de pouvoir le voir choisir les panneaux. Il doit en savoir des choses sur chaque nom qu’il ajoute sur la liste que je ne connais pas…comme j’aimerais tout à la fois en savoir autant que lui, et surtout pas. J’aimerais autant ne jamais savoir quel panneau est quoi, pour toujours garder cette sensation de découverte, capturer l’instant et le revivre éternellement.
Il laisse la liste sur le côté de la table et commence à me parler.
"-Vous savez.................................................................................................................................................................................."
Je ne l'entends plus, mes yeux, ma bouche, mon corps regarde la liste. Mon bras se lève, doucement, c’est très rare, que je fasse quoi que ce soit « doucement ». Mon bras s’articule pour s’avancer vers la liste et mon doigt pointe un nom du doigt. Le premier de la liste.
« -Lui. »
Il s’est arrêté de parler pendant moins d’une seconde, ses yeux allant de mon doigt posé sur la liste à mes yeux. Mes yeux eux se sont redressés pour le regarder. Je me fous de savoir ce qu’il en pense très Zegzaktement à ce moment-là. J’ai choisi. Comment je ne le sais pas encore, mais j’ai choisi.
Après cet espace de moins d’une seconde, il reprend :
« -Mais vous le connaissez… ?
-Pas du tout.
-Vous pouvez aussi prendre d’autres noms et…
-Non. Lui, c’est tout. »
On a bien du parler un peu après, mais je ne m’en souviens pas du tout. J’étais déjà parti ailleurs. Et quand mon corps a tenté de suivre ce départ, je me souviens que « doucement » n’était plus au programme.
Je ne me souviens plus si j'avais fini mon café...mais si je devais parier, ce serait sur oui.