Chapitre 3 - Un océan de vide
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Chapitre 3 - Un océan de vide
🐕 Récit d'une adoption animalière 🐾
La suite est un tourbillon de vie. Mon premier enfant grandit, un second vient à naître. Nous adoptons un nouveau chaton pour remplacer le vide qu'a laissé Guizmo à la maison. On tombe par hasard sur une petite chatte qui n'a que trois pattes et que personne ne veut. Ma belle-mère craque sur elle, alors Salem rejoint sa maison. On attendra encore quelques semaines pour trouver un autre chaton.
Simba est un chat adorable, doux avec nous comme avec les enfants. Il grandit avec eux et tout se passe à merveille. Il est le chat parfait, sans une seule once d'agressivité ni de méchanceté. Il a le droit d'arpenter l'extérieur après quelques mois et revient toujours à sa maison. Il va même parfois en campagne rejoindre nos autres loulous, le temps de nos vacances manière de ne pas rester seul ou d'aller en chenil. Un rythme auquel il s'est plié sans trop rechigner, bien qu'il adore faire des vocalises dans la voiture. Je dis qu'il est parfait mais... Évidemment qu'il fait des bêtises, c'est un chat, pas une peluche.
Ses débuts à la maison ne sont d'ailleurs pas de tout repos. Nous le récupérons au moment où mon fils part en vacances chez ses grands-parents. A son retour, Simba a un peu de mal à accepter sa présence à la maison quand bien même il se laisse volontiers câliner par ce dernier. Cela se caractérise par des pipis quotidien devant la porte de sa chambre. Je dois avouer qu'alors enceinte jusqu'aux yeux, j'enrage de ce comportement. Je me renseigne à tout va, cherche une solution pendant des jours et même semaines. Finalement avec beaucoup de patience et beaucoup de poivre et de vinaigre blanc, tout rentre dans l'ordre.
A partir de là, notre vie suit son cours. On profite de chaque moment, on s'arrache les cheveux aussi, parce que c'est ça, la vie. Des hauts et des bas perpétuels. Mais la routine nous gagne parce qu'avoir des enfants, c'est aussi ça. Une routine à installer pour leur permettre d'évoluer dans un cocon sécuritaire. L'idée d'avoir un chien est alors très loin. Quand elle refait surface, notre rythme de vie nous rappelle que ce n'est pas raisonnable, que ce serait même une contrainte de plus qu'on ne peut pas se permettre. Nous ne sommes toujours pas prêts.
Alors j'attends sans même savoir que j'attends. C'est assez paradoxal quand j'y pense, mais c'est une réalité.
L'arrivée du confinement chamboule tous nos projets, mais nous ne cédons pas à la tentation de prendre un chien. On préfère se perdre en activités diverses et variés : des devoirs aux enfants à fabriquer sa baguette maison pour avoir du pain frais sans avoir à sortir. Avouez que vous avez essayé ! A cette période on s'est tous pris pour des décorateurs d'intérieur, des maîtres dans l'art du DIY et des chefs cuisiniers/pâtissiers.
Et si par la suite, malgré cette saloperie de COVID la vie reprend, la mienne s'effondre quelques mois plus tard.
Mon papa attrape la COVID, un pas grand chose pour certains. La peur nous tenaille les tripes bien que l'on espère que cela va rester une méchante grippe. Mais les jours passent et il se dégrade très vite. Il n'a que 65 ans, mais des poumons en mauvais état à cause du tabagisme. Et même s'il a arrêté de fumer, cela ne suffit pas.
Trois semaines dans le coma.
Trois longues semaines à espérer, y croire, pleurer, être ankylosée par la peur.
Trois foutues semaines et le perdre sans l'avoir revu, conscient.
C'est un choc émotionnel vif et profond. Je lui tiens la main jusqu'à son dernier souffle. Je reste là, à lui parler, à pleurer aussi. Je reste là et il s'en va sans un bruit, sans un battement cils, sans rien pour l'annoncer qu'une infirmière compatissante pour nous souffler, à moi et ma mère qu'il est parti. Aucun bip comme dans les séries ou les films à la télé. Les machines s'arrêtent et il n'y a plus rien que le silence abrutissant et nos pleurs. Un vide vertigineux qui donne la nausée et me fait perdre pied. Je pleure si fort que ma mère s'en inquiète. On vient de m'arracher le premier homme de ma vie et cette sensation est... indescriptible.
C'est douloureux, tellement douloureux que très vite je me renferme dans cet océan de souffrance intérieur. J'enfonce cette peine dans les tréfonds de mon être et je me rattache aux choses de la vie, mes enfants, mon mari ; la paperasse, les funérailles, l'organisation de l'après. Je reste focus pour ne pas sombrer. Je me fais soutien auprès de ma maman et je m'accroche à tout ça. A ces petits détails qui gardent mon attention, qui m'évitent de voir à quel point je suis détruite en-dedans.
Je survis en oubliant ce qu'il y a à l'intérieur de moi. Cette incision nette dans mon cœur et dans mon esprit. Et je pleure. Je pleure le soir quand personne ne peut le voir si ce n'est mon mari. Des sanglots qui me secouent violemment. Les images de cette nuit horrible se bousculent dans ma tête avec les mille regrets qui peuvent les accompagner. Je n'ai rien oublié. Je me souviens de mon baiser à son front avant qu'il parte en chirurgie suite à une hémorragie. Des portes battantes du service, la chambre et ses machines. Des longues heures à attendre dans le petit salon de l'hôpital, au visage blême de l'infirmière qui, d'une voix douce nous explique qu'il n'y a plus rien à faire si ce n'est attendre qu'il s'en aille. Je me souviens aussi de détails absurdes, du café qui sent le réchauffé, du siège inconfortable, de la place exacte où je suis assise, le chaud et le froid ressenti.
Ce jour-là, quelque chose se brise. Mon papa part avec une partie de moi qui ne reviendra pas, jamais. On dit que la douleur s'efface avec le temps, mais ce n'est pas vrai. Elle est toujours là, aussi forte qu'au premier jour, j'apprends juste à vivre avec. A l'avoir là, tout près, comme une compagne qui ne me quitte jamais. Il me manque. A chaque instant. Pas un jour ne passe sans que je ne pense à lui, à me demander ce qu'il dirait, à l'imaginer répondre à mes interrogations. Je lui dis que je l'aime à haute voix quand les mêmes chiffres s'alignent sur l'horloge comme si à ce moment, il peut mieux m'entendre.
Ma fille le pleure longuement. Chaque soir est un calvaire et ça dure, des semaines et des mois et même des années. Trois ans après, il lui arrive encore de verser des larmes pour son papi adoré. Alors face à cet océan de vide, face à ce manque si grand, je décide d'adopter un chien. Peu importe l'avis de mon mari ou de n'importe qui. J'en ai besoin. J'ai besoin d'une connexion intense, d'un quelque chose qui ne s'explique pas. Ce que j'ai ne me suffit pas. Les enfants grandissent, mon mari travaille et je suis seule à la maison à vaquer à toutes les tâches quotidienne.
Alors je me mets en quête de mon bonheur...