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18. Clan Destin - Le troisième Larron

18. Clan Destin - Le troisième Larron

Publié le 16 oct. 2024 Mis à jour le 16 oct. 2024 Jeunesse
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18. Clan Destin - Le troisième Larron

Le lendemain matin, Manon n’avait pas réapparu. La veille, ne la voyant pas revenir, Élias était parti à sa recherche. Très rapidement, il tomba nez à nez avec Gaoligong qui lui déclara :

—  Manon dormira ailleurs cette nuit ; ne t’inquiète pas, elle est avec la panthère.

Élias découvrit sur le front de Gaoligong l’image de Manon en pleurs, caressant l’animal. Elle était entourée par Lisu et Salween.

—  Elle ne va pas bien, je pourrais la consoler... murmura-t-il.

—  Non, pas ce soir, répliqua le jumeau avec cette force tranquille qui désarmait complètement Élias.

La mort dans l’âme, il fit demi-tour et partit se coucher.

Dès l’heure du repas, il fonça à la hutte « réfectoire » espérant l’y retrouver. Les conversations se turent dès qu’il posa un pied à l’intérieur de la case. Inquiets, intrigués ou bienveillants, les villageois émirent quelques commentaires à mi-voix, au fur et à mesure qu’ils remarquaient la présence d’Élias. Son « petit coup de gueule » de la veille devait les avoir quelque peu impressionnés. Celui-ci n’y prêta pas vraiment attention : il attendait Manon.

Les deux aînés arrivèrent peu après lui et le mobilisèrent pour qu’il cherche avec eux le troisième triplé. Ils voulaient qu’Élias vérifie si c’était Lhassa, en surveillant les entrées et en essayant de communiquer silencieusement avec lui. Élias accepta, l’esprit peu serein : Manon n’avait toujours pas réapparu. 

 Félix guettait, à l’extérieur, l’arrivée de Salween et Gaoligong, pour définir lequel les accompagnerait. Zoé inspecterait les nuques des arrivants pour y déceler le médaillon. La tâche ne lui serait pas aisée, vu que tous les habitants avaient des cheveux longs qu’ils laissaient pendre.

 Aucun des trois ne put dépister le moindre triplé. Un groupe composé de Salween, Gaoligong, Lisu, Lhassa, Varanasi et Manon entra en même temps. Cette dernière avait les épaules tombantes, le regard vissé au sol et elle accepta la galette uniquement parce que Salween la lui fourra dans les mains. Elle était encadrée de près par les jumeaux, qu’elle suivait comme une automate jusqu’à un coin de la hutte où elle s’assit en fixant sa galette sans vouloir la manger. Élias se leva directement et voulait rejoindre son amie mais il fut intercepté par Lisu qui lui parla de sa blessure. L’ours ne l’avait pas épargnée, son dos était lacéré. Il compatit et il lui proposa de passer chez Bégawan pour appliquer une seconde couche de « racine-crachat », si efficace pour ce genre de blessure.

—  Tu m’accompagnes ? demanda-t-elle. Bégawan est très occupée pour l’..

—  D’accord, répondit-il à contrecœur, mais attends une minute, je vais saluer Manon.

Élias n’eut pas le temps d’arriver jusqu’à elle qu’un enfant lui demanda quand il reprendrait les jeux du soir avec eux. Gaoligong se leva et invita Manon à le suivre. Celle-ci, toujours aussi atone, se redressa à son tour et lança un regard suppliant à son compagnon. Élias n’eut que le temps de voir ce qui s’imprimait sur son front : une fourrure noire dans laquelle était dissimulé un médaillon.

—  Ils sont complètement fous, lui souffla-t-elle, avant d’être poussée par Salween qui l’entraînait doucement vers la sortie.

Il voulut les rejoindre mais, d’un geste sans équivoque, Gaoligong le rappela à l’ordre :

—  Ta place est ici.

Élias n’eut pas beaucoup le temps de se poser trop de questions : Lisu était devant lui et semblait souffrir. Il lui sourit et, de la main, il l’engagea à le suivre pour rejoindre la hutte « médecine ».

 Lisu lui parla doucement tandis qu’ils cheminaient vers la case de Bégawan. Élias aimait beaucoup cette nana, Salween avait bien choisi ! Manon aussi s’entendait à merveille avec elle. Elle lui avait relaté qu’elle était venue souvent rendre visite à Lhassa et qu’elles avaient passé des heures ensemble à refaire le monde ; et puis, hier soir, dans la scène qu’il avait aperçue sur le front de Gaoligong, c’était elle qui la consolait. 

—  Tu sais pourquoi Manon pleurait hier soir ? demanda-t-il.

Ne t’inquiète pas, Lhassa lui changera les idées... murmura-t-elle, pas trop à l’aise ; elle se reprit et poursuivit : Je me trompe ou vous communiquez en silence ?

—  C’est vrai, répondit Élias avec un petit sourire. Je le lui ai appris avant sa maladie, pour que nous puissions communiquer sans être surpris par Salween.

—  Salween en est scié ! Nous en avons parlé hier soir, poursuivit-elle en riant. Il ne sait plus du tout où tu en es. Quelles sont les facultés que tu lui caches ?

—  Plein de choses !

—  Mais encore ?

—  Je le lui dirai quand il aura dévoilé son fameux secret.

Lisu imprima sur son front l’image d’un poignet avec un des bracelets du Kadga. Le plan s’élargit pour dévoiler un homme de face, en sarong, avec les deux bracelets. Élias plissa les yeux : il n’arrivait pas à savoir qui était cet homme aux longs cheveux ondulés.

—  Tu connais ce secret, murmura-t-il, je le vois sur ton front.

Lisu parut légèrement ennuyée. Elle fronça les sourcils et réitéra sa question première :

—  Voilà donc une de tes facultés ! Tu lis sur les fronts depuis combien de temps ?

—  Depuis la maladie de Manon.

—  Ça alors ! s’exclama Lisu en riant. Tu es bien cachottier ! Que perçois-tu encore ?

—  Qui est le troisième triplé ? répliqua le jeune.

Élias perçut un petit film qui montrait Salween et Gaoligong relativement jeunes jouant avec elle. Il sourit, espérant voir la suite du film pour apercevoir celui qui arriverait dans cette scène. Lisu l’en empêcha en l’interpellant :

—  Et maintenant, qu’est-ce que tu vois ?

—  Je suis au cinéma, dit-il en riant, et je vois que tu jouais souvent avec les triplés ! J’attends la scène suivante, le troisième larron ne devrait pas tarder !

—  Jamais ! je ne te laisserai pas me découvrir aussi vite ! Donc, tu visites notre passé ?

—  Rien que ce qui te passe par la tête. J’entends aussi ce qui se dit d’une tête à l’autre, les questions que tu te poses ou tes intentions. Ainsi, je sais que tu relateras notre conversation à Salween. Je peux te demander une faveur ?

—  Bien sûr !

—  Ne lui dis rien avant qu’il ne se dévoile. Je ne supporte plus qu’il se taise. Ce n’est pas facile pour moi de ne pas savoir où je vais.

—  Tu le sauras bientôt, je te le promets ! dit-elle en riant.

Brutalement, Élias se retourna :

—  Manon m’appelle ! déclara-t-il. Il faut qu’on aille à la confluence des rivières.

Élias et Lisu se précipitèrent jusqu’au fond de la vallée. Gaoligong était déjà là, avec Lhassa et Manon. Tous les trois étaient accroupis devant la panthère. Manon accrocha ses yeux embués à ceux d’Élias. Salween arriva au pas de course, avec Bégawan. Manon prit la tête de l’animal entre les mains.

—  Sa vie s’en va, murmura-t-elle.

Élias comprit enfin l’état de Manon depuis la veille au soir. Elle devait sentir cette mort qui s’annonçait. Se tournant lentement vers Gaoligong, Manon ajouta :

—  On ne peut rien y faire, n’est-ce pas ?

Gaoligong secoua doucement le menton :

—  Elle voulait te dire au revoir, Manon. Elle a accompli la promesse qu’elle avait faite au Mahani précédent. C’était une très vieille panthère, sa vie sur terre est terminée.

Par pudeur devant ce deuil, Lhassa s’était écarté du groupe. Manon garda les bras enfouis dans la fourrure ; elle chercha le médaillon pour donner un dernier souffle de chaleur à la bête qui l’avait sauvée. Elle la caressa tendrement, jusqu’à l’ultime soupir. Lisu posa une main sur son épaule.

—  Ne sois pas triste, Manon ! Qu’est-ce la mort, sinon un passage obligé ?

—  Les passages sont-ils toujours si difficiles ? répondit Manon, la gorge nouée.

—  Autant pour ceux qui passent que pour ceux qui y assistent. C’est vrai.

—  Mais pour l’autre, c’est dégueulasse, vous n’en avez pas le droit ! gémit-elle, secouée par quelques sanglots.

—  C’est incontournable, murmura Lisu, légèrement mal à l’ On en discutera après l’hommage à la panthère, d’accord ?

Élias se demanda de quel animal parlait Manon, sans oser intervenir. Lisu se pencha sur Manon et la couvrit d’un bras réconfortant. Elle rabattit ses cheveux sur son épaule, dévoilant partiellement une pierre turquoise dissimulée dans les racines. 

En regardant tour à tour les visages de Bégawan, Salween, Gaoligong et Lisu, Élias ne comprit pas comment il n’avait pas pu déterminer leur similitude. Trois gouttes d’eau présenteraient autant de différences ! Dans un souffle, il dénonça :  

—  Manon, c’est Lisu le troisième des triplés !

—  La troisième, si tu permets ! rectifia-t-elle très doucement.

Manon tourbillonna un peu. Entre la mort de la panthère et cette révélation tellement évidente une fois établie, elle était complètement atone. La petite famille entoura une dernière fois le fauve. Élias glissa sa main dans celle de Manon et il s’apprêta à rejoindre Lhassa pour les laisser se recueillir entre eux. Salween retint Manon, les obligeant à rester parmi eux. C’est vrai qu’elle se devait d’être à cette place.

Bégawan préleva le médaillon en murmurant des remerciements. Gaoligong prit la parole calmement :

—  Bégawan ira chercher le clan pour un ultime hommage pendant que nous organiserons son incinération.

Le peuple descendit au moment où le bûcher était pratiquement prêt. Les jumeaux et Élias y avaient hissé cette énorme bête tandis que Manon restait un peu en retrait avec Lisu et Lhassa. Ils étaient en grande conversation.  Lisu et Lhassa essayaient de faire admettre quelque chose à Manon, qui secouait la tête régulièrement, réfutant ainsi leur théorie. 

La tribu effectua ce salut final dans un silence religieux ; seul le chant de Varanasi les accompagnait. Ils posèrent les mains sur les épaules de la personne qui était devant eux, créant de la sorte un long manteau autour de l’animal. Ils larguèrent au-dessus d’eux des images de leur transhumance avec elle. Élias les lut avec émotion. Il était au premier rang, en face du feu, entre Salween et Gaoligong. Un peu gêné d’avoir pris, malgré lui, cette place privilégiée qui ne lui revenait pas, il tenta un pas en arrière, tout de suite stoppé par quelqu’un dans son dos qui avait déposé ses mains sur les épaules. Fort accablée, Manon, entre Lisu et Bégawan, observait la scène en hochant imperceptiblement la tête, les yeux noyés de larmes.

À la fin de la cérémonie, Bégawan proposa à Manon de rester avec elle et Lisu, tandis que la tribu réintégrait le hameau en silence. Cette panthère représentait pour eux la force du clan ; ils étaient orphelins...

Élias aida les triplés à disperser les cendres avant de rejoindre les grands. Ils étaient aussi anéantis que le clan et s’endormirent rapidement, sans qu’Élias pensât à annoncer à ses compagnons qui était le ou plutôt la troisième triplée.

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