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LE SYNDROME DE L'OBJET BRILLANT
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LE SYNDROME DE L'OBJET BRILLANT
Quand mon duo d’enquêteurs a vu le sujet d’un nouveau challenge littéraire, il a souri.
Le capitaine Xabi Lissalde est venu me voir pour me confier que, si besoin, lui et le commissaire Peio Zubieta pourraient bien avoir des choses à dire sur la question.
Aussi, comme j’ai un peu de boulot, plutôt que de servir d’intermédiaire, je vais continuer, de mon côté, l’écriture du huitième opus et les laisser eux-mêmes vous éclairer, c’est beaucoup plus simple, n’est-ce pas capitaine ?
- Effectivement. Le syndrome de l’objet brillant, nous y avons été confrontés voilà deux semaines, avec Peio. On nous avait demandé d’aller cueillir un couple à leur descente d’avion, à l’aéroport de Biarritz Parme. Quand on les a eus en face, sous le soleil, en bas de la passerelle, du brillant, il y en avait. Lui, un vrai présentoir à breloques. Sans lunettes de soleil, impossible de voir sa tronche, du style à se faire greffer des doigts en plus ou allonger le cou pour pouvoir rajouter quelques bagouses ou colliers bien discrets. Elle, une vraie papillote. Ensemble fashion, comme ils disent, couleur alu, accompagné de pompes couleur or. De quoi faire se retourner Incognito dans sa tombe. Le pire, c’est une fois ramener à l’hôtel de police, pas vrai Peio ?
- C’est sûr. Lui, garde à vue oblige, sans ses apparats, deux kilos de moins et toute prestance envolée avec. Elle, sans sa ceinture, le futal fashion prenait la direction des chevilles au moindre pas, autant dire qu’elle paraissait moins glamour. Dès qu’ils ont commencé à parler le brillant a volé en éclats. Il ne se situait que sur les objets de l’enveloppe, parce qu’à l’intérieur, les abysses, les deux seules choses qui brillaient, l’ignorance et la connerie.
- C’est clair. Lui, il avait plus de bijoux que de neurones et elle, visiblement, la papillote avait dû amener la température intérieure jusqu’à la fusion, parce que question cerveau, c’était pas le modèle toutes options. Je vois encore la tronche de Peio quand ils ont dit leur métier, influenceurs.
- Je ne comprends même pas le concept. Comment tu peux passer ton temps à mettre dans la lumière, à starifier des gens, payés par des marques pour t’expliquer ce que tu dois acheter, où tu dois aller, j’en passe et des meilleures. Quand tu vois que certains touchent autant que des footballeurs, alors que les soignants, les métiers de l’éducation, d’aide à la personne et bien d’autres, sont sous-payés, tu te dis que ce monde marche vraiment sur la tête. Parce que là, on touche quand même le haut niveau de la lobotomisation. Ces mecs ne sont ni plus ni moins que des objets publicitaires vivants que l’on met en pleine lumière, et nombre de nos congénères, attirés comme des pies par tout ce qui brille, les propulsent au rang de quasi-icônes.
- C’est la société du futile, de l’esbroufe, mon pote. Pour certains le bonheur n’est que dans la possession de l’objet qui brille, comme l’autre qui te dit que si à cinquante ans tu n’as pas une Rolex, tu as raté ta vie. Ben, mon gars, j’ai une montre à dix balles et quand ta Rolex marque huit heures, ma montre à dix balles aussi. Et à chaque fois que je regarde ma montre, je pense à lui et je me dis : « Putain, entre lui et toi, question niveau, il n’y a pas photo, c’est vrai. Il a une montre qui vaut deux cent fois la tienne et devine quoi ! Et ben, il a la même heure que toi !! ». Par contre à cette heure-là, quand toi, atteint du syndrome de l’objet brillant, tu galères, au milieu de la pollution, des embouteillages, pour aller gagner toujours plus de fric, pour avoir toujours plus d’objets brillants, moi, je suis peut-être au bord de la corniche, en pleine montagne ou en pleine campagne avec ma montre à dix balles et si je n’y suis pas là, j’aurai certainement la possibilité d’y être dans la journée ou la soirée…
- Pour vous finir l’histoire, le couple est tombé pour blanchiment d’argent. Tellement pris par l’engrenage du brillant, qu’il leur en fallait toujours plus, à eux et à leurs partenaires. Le jour où la popularité a décliné, les marques ont choisi de changer de cheval, la solution pour garder leur vie, de rêve pour eux, artificielle pour d’autres comme moi, accepter tout et n’importe-quoi sans discernement. En même temps, du discernement, en avaient-ils avant, je n’en suis pas persuadé. Ils savaient te placer Dubaï, Doha, Las Vegas, Ibiza, les yeux fermés sur la carte du monde, super, c’est ce qu’ils m’ont dit lors de l’interrogatoire. Moi c’est Iraty, Bayonne, Saint-jean-de-Luz, Espelette, à chacun sa lumière et ses objets brillants. On vous laisse, on vient de nous appeler sur un vol d’objets d’art. Encore sûrement ce fameux syndrome...
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Jean-Christophe Mojard il y a 1 jour
Et voilà ! Que dire. C'est mordant, piquant à souhait ! Une véritable plume trempée dans la sauce basque. Sortez les moules à l'escabèche, la ventrèche, le chorizo et le rouge, on se fait un apéro dînatoire, parce qu'avec Peio et Xabi, on n'a pas fini !
Pierre Ranchou il y a 1 jour
Comme tu le dis, on n'a pas fini... 😊